C’est un roman de fantasy majeur : Léopard noir, loup rouge est signé de l’écrivain américain Marlon James. Déjà récompensé par le Booker Prize pour son précédent livre, il marque dorénavant l’histoire de la littérature de fantasy avec un ouvrage au sein duquel l’Afrique est au cœur de tout le récit. En France, il vient de paraître dans la collection Terres d’Amérique chez Albin Michel.
Ambitieux, brutal, mythologique : Léopard noir, loup rouge est souvent comparé à un Game of Thrones africain, en grande partie parce que l’auteur lui-même a d’abord utilisé cette expression pour le qualifier — avant que ce soit abondamment repris par la presse anglo-saxonne (du Time au New Yorker). L’œuvre de Marlon James est également parfois comparée à Tolkien, comme le dit Neil Gaiman : « Une Afrique antique, dangereuse, hallucinatoire, qui devient un monde fantastique aussi réaliste que tout ce que Tolkien a pu imaginer. »
Mais, en réalité, l’ouvrage de Marlon James existe de lui-même : il n’est nullement une copie de Game of Thrones ou du Seigneur des Anneaux et trouve sa propre place dans la littérature, notamment avec une dimension queer beaucoup plus significative. Il s’agit d’« un roman africain réaliste de magie et de fantasy », préfère d’ailleurs nous dire Marlon James lors de notre rencontre.
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Interview avec Marlon James : « On a toujours utilisé des éléments fantastiques »
Pourquoi avoir écrit un livre de fantasy ?
Pour la liberté. Parce que je voulais écrire un roman qui ne réponde pas à ce que l’on attend de moi. Après avoir gagné le Booker Prize, tout le monde avait quelque chose à dire sur ce que je devais écrire. Je voulais être libre d’écrire le livre que j’ai toujours voulu lire.
Qu’apporte la fantasy au récit ?
De la réalité. Même s’il y a des monstres et des sorcières. Notre nature n’a pas tant changé depuis 2 000 ans. On aime, on hait, on reste jaloux. On est toujours le seul animal qui sait faire mieux, mais ne fait pas mieux. Nos bons aspects comme nos mauvais aspects nous accompagnent depuis longtemps. Quand vous écrivez un roman avec plein de créatures fantastiques, il faut ancrer la nature humaine dans la réalité. C’est pourquoi ces choses sont importantes. Les valeurs sont là, car on a des valeurs. L’amour est là, car on aime. Le sexe est là car nous faisons l’amour. Tout ça, c’est ce qui fait de nous des humains… même si le personnage est mi-léopard.
Ce sont de vrais mythes africains mis en scène dans Léonard noir, loup rouge ?
Oui. Plusieurs monstres, mythes et légendes du livre viennent de véritables mythes africains, et même de religions et de figures historiques. Je n’ai pas eu à inventer tant que ça, même si je l’ai tout de même fait, parce qu’il y avait déjà tellement d’êtres qui n’attendaient qu’à être découverts.
Pourquoi avoir évoqué un « Game of Thrones africain » lorsque l’ouvrage est sorti aux États-Unis ?
C’était une blague. J’essayais de trouver un moyen rapide de le décrire à un journaliste qui ne me comprenait pas. Et ce que j’ai dit dans ce magazine — que personne ne lit sauf des journalistes — est devenu viral à tel point que… George R.R. Martin m’a appelé. Il a dit « j’ai entendu dire que vous écriviez une version africaine de mon livre » et j’ai répondu « non, George, ce n’est pas ce que j’ai fait, mais vous pouvez m’envoyer une citation ».
Initialement, c’était donc une blague, mais je voulais aussi que les gens comprennent que même si c’est de l’imaginaire, c’est un livre très adulte, aux thèmes compliqués.
Pourquoi y a-t-il tant de violence et de cruauté ?
Pour apporter de la vérité. Je lis une multitude de romans réalistes et je n’y vois pas de personnes noires, même dans un livre situé à New York. À chaque fois que les humains veulent raconter de grands récits, ou comprendre de grandes choses, on en vient toujours à la mythologie… comme un dieu du tonnerre nommé Thor qui expliquerait pourquoi on a un orage, ou pourquoi on a une catastrophe, ou quoi que ce soit d’imprévu — même de bonnes choses. On a toujours utilisé des éléments fantastiques, jusqu’à imaginer qu’il y avait des monstres sous notre lit quand nous étions enfants — peut-être que le monstre était vraiment là (rire). On a toujours utilisé le mythologique, le fantastique, pour expliquer des choses profondes. C’est ce que je voulais faire et je savais que j’avais besoin de ce monde (imaginaire) pour le raconter.
Quelle est votre créature préférée dans cet univers ?
Le léopard. Je le confesse, il a presque volé le livre, car je suis tombé amoureux de lui, alors que c’est une personne horrible dont il ne faut surtout pas tomber amoureux — il doit être le pire copain. Mais il est semi-léopard et… il est canon (rire). Il est au cœur de certains des passages les plus drôles et les plus sexy du livre. Il était amusant à écrire. Mais parfois Tracker n’est pas drôle : il est dur, il est acariâtre, il est sexiste… et pourtant, il est celui qui raconte l’histoire.
Comment vous vous sentez concernant la mise en production d’une adaptation par Michel B. Jordan ?
Stimulé. Puisque maintenant, je dois terminer la trilogie. Ça va être intéressant de voir ce qu’ils utilisent ou non, de découvrir combien ce sera différent du livre. En fait, j’espère que ce sera différent. Je ne suis pas fan des adaptations trop fidèles au roman, car c’est juste un livre filmé. Ce sera intéressant d’observer ce qui diffère.
Léopard noir, loup rouge, Marlon James, éditions Albin Michel. 700 pages. Traduction de Héloïse Esquié.
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