À l’occasion des trois ans de sa chaîne, la streameuse Ava Mind a lancé au début du mois le Modoctober. Tous les dons récoltés pendant le mois d’octobre seront reversés à ses modérateurs et modératrices. Il est rare sur Twitch qu’un vidéaste mette à l’honneur l’activité de ceux qu’on surnomme les « gendarmes de l’ombre ».
Chargés de supprimer les messages malveillants ou hors-propos des chats, les modérateurs et modératrices sont des acteurs et des actrices essentiels du bon déroulement des lives. Pour autant, rien n’encadre concrètement cette activité bénévole, qui requiert un engagement presque quotidien. Cyberbrioche, 26 ans, comptable, est aussi modérateur sur la chaîne du streamer Etoiles. En plus de son activité professionnelle, il affirme être présent à 80% des live. Cela représente un investissement de 100 à 120 heures par mois. « Comme Etoiles live presque exclusivement le soir, ça coïncide avec mes horaires de travail », nous explique ce dernier.
Cet équilibre est en revanche plus difficile à trouver chez ceux qui streament en journée. Zenvious, « modérateur en chef » chez Ava Mind, offre 15 à 20 heures de son temps par semaine à modérer la chaîne. S’il affirme néanmoins donner la priorité à son travail de content manager, le bénévole de 27 ans confie qu’« il est parfois difficile d’allier les deux responsabilités ».
Néanmoins, tous les modérateurs interrogés partagent le même plaisir à contribuer aux projets des streamers qu’ils épaulent. GhisM est modérateur pour la chaîne de Domingo : il explique qu’il a souhaité s’emparer de cette responsabilité pour faire du chat un « espace de discussion ouvert et respectueux de tous, sans insultes, ni violence verbale ». Zenvious travaille avec Ava Mind depuis plus de deux ans. Il explique avoir été séduit par la dimension collective de la modération. « J’ai vite senti que ce n’était pas que la chaîne d’Ava, mais aussi un peu celle de tous les modérateurs et modératrices », confie-t-il.
Une envie de « rendre service »
Pour autant, plusieurs aspects comme le processus de recrutement ont déjà tout de professionnels. GhisM explique qu’il a d’abord été contacté par le responsable de la modération de Domingo « pour savoir si humainement [il] correspondrait aux attentes du streameur ». S’en est ensuite suivi une formation sur le fonctionnement des outils de modération avant d’être présenté au reste de l’équipe. Un processus similaire aux autres chaînes Twitch.
Mais à la différence d’une activité professionnelle classique, les modérateurs et modératrices ne sont soumis à aucune contrainte de productivité. « C’est une activité bénévole sur base de volontariat. Il faut donc être conscient de ce qu’il en découle, à savoir : pas d’obligation », soutient GhisM.
Concernant la reconnaissance de leur travail, les modérateurs et les modératrices ne s’estiment pas lésés. « Pour ma part, et pour la plupart des modérateurs sur Twitch, nous ne faisons pas ça dans une optique de gagner de l’argent mais simplement dans une optique de bénévolat, de rendre service », juge Zenvious. Pour autant, le Modoctober d’Ava Mind rappelle que le travail exercé par les modérateurs et modératrices mérite un minimum de reconnaissance.
Face à une telle initiative d’Ava Mind, les modérateurs d’Etoiles et de Domingo ne se sentent pas envieux. « Si c’est sa manière de les remercier et que tout le monde dans son équipe est d’accord avec ça, pas de soucis. Domingo valorise déjà notre présence sur ses lives », commente GhisM. À défaut d’une rémunération, certains streameurs et streameuses proposent des avantages en nature. « Etoiles m’a proposé des vêtements lors du lancement de sa boutique », raconte par exemple Cyberbrioche.
Pas qu’une surveillance des messages postés
Si le bénévolat concerne une large majorité des modérateur et modératrices, certains d’entre eux sont tout de même rémunérés, notamment lorsque les chaînes sont gérées par des sociétés de production. C’est le cas de Sweetberry, graphiste et modératrice pour l’émission Jour de Play d’Arte. Selon ses dires, la société de production les considère « avant tout comme des experts et des expertes dans ce domaine ».
Un avis que partage Brice Le Louvetel, directeur général adjoint de la société Atchik, spécialisée dans la conversation en ligne. Atchik travaille avec France Télévisions pour la modération de l’émission quotidienne Le Talk. Il explique en effet que dans ce cadre, « la modération va plus loin qu’une simple surveillance des messages postés ». Il s’agit plutôt de « partager des informations au public, de les mobiliser via des sondages », pour co-construire l’information.
« La question de la rémunération est encore tabou »
Néanmoins, SweetBerry reconnaît que « la question de la rémunération est quelque chose d’encore tabou ». « J’ai entendu dire que certaines productions ne rémunèrent pas les modérateurs et modératrices et je ne trouve pas ça correct », renchérit-elle. « Je comprends que les streamers et streameuses, qui gagnent à peine de l’argent pour eux, ne puissent pas le faire, mais les productions devraient prendre ça en compte », dit-elle.
Selon l’avocate Maître Nathalie Devernay, les boîtes de productions encourent potentiellement un risque à ne pas rémunérer leurs modérateurs et modératrices, notamment si des consignes et des horaires sont bien donnés. Twitch ne pourrait pas être tenu de requalifier le statut des modérateurs et des modératrices, dans la mesure où la plateforme « ne profite pas financièrement de l’activité des modérateurs », explique l’avocate.
Pour Zenvious, la question d’un encadrement de la pratique directement par la plateforme ne serait, de toute façon, pas souhaitable. « Si Twitch se mêle de cela, ça leur créerait un droit de regard concernant la modération des lives », conclue-t-il. Une autonomie dans la gestion de leurs chaînes que la plupart des streameurs et des streameuses semblent attachés à défendre.
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