Asylum, City, Knight : en une trilogie, le studio Rocksteady s’est fait un nom. Il a prouvé que les adaptations mettant en scène un super-héros populaire pouvaient être réussies, à une époque où le Marvel Cinematic Universe (MCU), dans un tout autre registre, n’en était encore qu’à ses balbutiements. Les trois jeux vidéo Batman: Arkham ont montré l’exemple, en prouvant que tout était possible. Gotham Knights, disponible sur PS5, Xbox Series et PC à compter du 21 octobre, est un de ses héritiers.
Mais Gotham Knights n’est pas développé par Rocksteady.
Derrière ce jeu vidéo toujours édité par Warner Bros., on retrouve WB Games Montréal, qui s’était déjà frotté au Chevalier Noir avec l’épisode Batman: Arkham Origins, pas inintéressant mais loin de la réussite, technique comme artistique, de ses aînés. Et, visiblement, il n’a pas su tirer suffisamment d’enseignements pour sortir de l’ombre de Rocksteady (trop occupé sur la Suicide Squad). Pire, on ira jusqu’à affirmer que Gotham Knights entache son héritage, malgré la volonté de s’en affranchir au maximum… en osant tuer Batman.
Tuer Batman, mais pour quoi faire ?
En soi, le postulat de départ part d’une excellente intention. Tuer Batman revient à planter les derniers clous sur le cercueil de Batman: Arkham, chapitre qui appartiendra éternellement à Rocksteady. On y voit une sorte de métaphore pour WB Games Montréal, qui souhaite certainement en terminer avec les comparaisons jamais à son avantage. L’intention est louable, presque courageuse. Sauf que WB Games Montréal ne transforme pas la mort de Batman en un récit excitant. Exception faite des rares excès de rage mélancolique de ses successeurs, les ressorts émotionnels ne sont jamais exploités. La mort de Batman ne devient alors… qu’un simple prétexte marketing pour introduire quatre personnages jouables d’un coup.
Batgirl, Robin, Nightwing et Red Hood sont donc obligés de prendre le relai pour nettoyer les rues d’un Gotham orphelin de son protecteur. Là encore, on peine à ressentir les conséquences de la perte d’une figure importante. On dit souvent que personne n’est irremplaçable. Sauf que Batman n’est pas personne. WB Games Montréal aurait pu faire un effort pour proposer une narration moins bateau.
La mort de Batman méritait un traitement bien plus fin et, surtout, touchant. Bien sûr, le studio n’est pas aidé par la structure ouverte de Gotham Knights, qui ne devient finalement que le théâtre d’une guerre insipide entre deux factions ennemies (la Cour des hiboux, sous-exploitée, et la Ligue des Ombres, toujours là pour libérer Gotham).
On pourra quand même sauver la réalisation de Gotham Knights. En faisant fi de la polémique du framerate limité à 30 fps sur PS5 et Xbox Series, le spectacle est très valorisant pour les yeux. Il y a vraiment de belles cinématiques, qui s’appuient notamment sur une mise en scène impressionnante des combats et des effets visuels réussis (il y a du ray tracing, en prime). C’est d’autant plus louable que WB Games Montréal a été contraint de multiplier les séquences où l’on ne joue pas par quatre (puisqu’il y a quatre héros). On ne trouvera pas grand-chose à redire non plus sur la direction artistique, qui fait honneur au casting de l’univers Batman et à une ville de Gotham une fois encore plongée dans la nuit.
L’héritage des Batman: Arkham est loin
Dans les grandes lignes, Gotham Knights est un disciple des Batman: Arkham. Mais, quand on y regarde de plus près, nombre des fondations ont volé en éclat. Les affrontements ? Ils ont troqué la parade et les gadgets pour des moments rébarbatifs jusqu’à l’écœurement — où les ennemis ne sont rien d’autre que des pantins dotés d’une barre de vie bien trop importante pour le peu de résistance qu’ils opposent (sans oublier le manque de punch). L’exploration ? La si décriée Batmobile de Batman: Arkham Knight laisse sa place à une moto qui semble glisser sur le sol sans aucune contrainte physique pour avoir ne serait-ce qu’un soupçon de sensations au guidon. Les enquêtes ? Elles sont réduites à une quantité ridicule, en plus de s’avérer d’une simplicité enfantine.
L’infiltration ? Elle est reléguée au rang d’option pour les plus téméraires, qui seront à peine récompensés d’y aller en douceur. Au moins pourra-t-on affirmer que Gotham Knights en termine avec la plus grande anomalie de ses prédécesseurs, qui pouvaient enchaîner des portions où Batman devait en découdre avec des dizaines d’adversaires d’un coup, et d’autres où il était contraint d’en éliminer une poignée sans se faire pincer. Mais rien n’y fait : la dynamique générale de Gotham Knights fait peine à voir, et se noie dans une structure fourre-tout où WB Games Montréal mélange un peu trop d’éléments en dépit du bon sens (là des coffres à ramasser, ici de l’équipement à fabriquer).
Et ne comptez pas sur la coopération pour sauver le tableau : pourtant vendue comme l’argument phare de cet épisode, elle ne repose sur aucun principe concret d’association. On rêvait de voir Robin et Batgirl enchaîner les attaques en duo avec classe et efficacité. On se retrouve chacun dans son coin à appuyer frénétiquement sur les mêmes touches jusqu’à passer à la salle suivante, avec le même objectif à remplir. En résulte une expérience abrutissante au possible, que ce soit seul ou à deux. Heureusement qu’il est assez aisé de partager une partie avec quelqu’un, sans quoi, on serait encore plus découragé d’inviter quelqu’un à partager la douleur.
Comme rien n’est vraiment approfondi dans Gotham Knights, les quelques spécificités des super-héros sont reléguées au rang de simple faire-valoir. Vous pouvez jouer avec le même pendant l’intégralité de l’aventure, ou passer de l’un à l’autre depuis le QG, sachant qu’une bonne partie de la progression est partagée. Certes, Red Hood, le plus brut de décoffrage de la bande, ne se joue pas comme Robin, plus subtil dans l’approche. Mais à partir du moment où les objectifs sont communs et génériques, en choisir un plutôt qu’un autre n’apporte aucune satisfaction autre que le look. Il aurait fallu que Gotham Knights soit plus varié pour donner envie d’alterner entre les protagonistes.
Le pire ? Cette grosse production n’est même pas sauvée par son contenu. Alors qu’on s’attendait à une myriade de quêtes annexes en plus de l’histoire principale (étalée sur huit petits chapitres, sans réel temps fort à la clé), il n’en est rien. Est révolu le temps où on passait des heures à résoudre les nombreuses énigmes de l’Homme-Mystère et/ou à traquer les vilains emblématiques de la mythologie Batman. On ne trouve dans Gotham Knights que trois dossiers additionnels, qui se terminent en un éclair. Et pour qui voudrait en avoir pour son argent en matière de face-à-face dantesque, il vaudrait mieux les terminer. Bref, on ne vous conseille pas Gotham Knights.
Le verdict
Gotham Knights
Voir la ficheOn a aimé
- Tuer Batman, il fallait oser
- Habillage valorisant
- Ok, il y a quatre héros
On a moins aimé
- Combats insipides et rébarbatifs
- Narration quelconque
- Coopération anecdotique
On n’aimerait tant ne pas comparer Gotham Knights à la trilogie Batman: Arkham. Mais c’est impossible. WB Games Montréal tenait là l’occasion rêvée de briller aux côtés de Rocksteady, en tuant le mythe pour voler de ses propres ailes. Hélas, malgré une idée de base audacieuse (faire mourir Batman, donc), le studio n’exploite jamais son concept et préfère proposer le pire de ce que peut offrir un jeu en monde ouvert en 2022.
Mode coopératif anecdotique, combats abrutissants, contenu loin d’être à la hauteur, éléments qui ne s’emboîtent pas très bien… La liste des défauts est beaucoup trop grande pour ce Gotham Knights, que certains qualifieront peut-être de méritant. La mort de Batman méritait mieux, les fans aussi. Et on ne retiendra de Gotham Knights que cette opportunité d’incarner quatre héros différents. Sans trop savoir si cela en valait la peine à l’arrivée.
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