Les œuvres high concept vous manquent depuis que la série Westworld s’est quelque peu essoufflée ? Jonathan Nolan et Lisa Joy sont à la production de la nouvelle série de SF de Prime Video : The Peripheral. Elle est portée par Chloë Grace Moretz dans le rôle de Flynne (d’où le nom français Les mondes de Flynne).
À la façon de Ready Player One, l’année 2030 présentée dans The Peripheral offre la possibilité de s’évader dans des mondes en réalité virtuelle. Mais Flynne Fisher se retrouve avec un drôle d’appareil entre les mains : les simulations de ce casque VR semblent bien différentes des autres. Elles semblent… étrangement réelles. Et la vérité est plus vertigineuse encore : ce casque crée en fait un « périphérique » temporel, dont on vous taira ici les implications.
L’histoire de Périphériques n’est pas une invention des producteurs de Westworld : la série est adaptée du roman d’un certain William Gibson. Celui-ci est un nom réputé en littéraire. Il a publié, en 1984, un ouvrage intitulé Neuromancien et qui a fait date dans l’histoire de la science-fiction. William Gibson est tout bonnement l’un des pères fondateurs du cyberpunk. Périphériques est son dernier roman en date. Bien que la série adapte très librement les détails de l’histoire, on retrouve la même structure et le même concept clé.
De fait, Périphériques relève d’un total cyberpunk : les technologies sont omniprésentes, le transhumanisme s’impose, l’écart se creuse entre les riches et les pauvres, l’environnement urbain est glacial. Le concept du « périphérique », entre informatique et physique, ajoute un petit mind blown supplémentaire — cher à cette science-fiction qui aime jouer aussi avec nos perceptions.
Dans The Peripheral, le futur n’est pas un jeu
Dans l’ouvrage, comme dans la série, le message en creux est le même : le futur n’est pas un jeu. Pour cette démonstration, William Gibson a conçu une histoire où le temps est matriciel : passé, présent et futur se confondent, comme dans une matrice où les données circulent dans un maelström. Mais là où un code informatique peut être modifié, qu’une partie de jeu vidéo peut être recommencée, la réalité est plus complexe : nos actions ont un impact qui, à partir d’un moment, peut difficilement être corrigé. La notion de responsabilité est au cœur du propos de Gibson. « Le futur n’est pas un jeu » était le mantra du roman (ou même : « le futur nous juge », d’une certaine façon).
Et c’est plus ou moins palpable aussi dans la série de Prime Video. L’épisode pilote démarre également par une partie de jeu vidéo comme base narrative avant de brouiller les pistes sur ce qui constitue ou non la réalité. Malgré les changements narratifs, l’ADN de Gibson est présent. Comme dans Matrix — film cyberpunk majeur qui faisait alors la synthèse du genre –, l’analogie informatique est une poupée russe : plus on creuse dans la mise en scène et le récit, plus on comprend combien le virtuel parle de la réalité, que le futur parle du présent. C’est en cela que Périphériques est une œuvre de SF intelligente et qu’elle s’inscrit aussi dans la même mouvance cyberpunk que Matrix (sans être aussi révolutionnaire toutefois, ni aussi attachant dans ses personnages).
Respecter l’ADN de Gibson, c’est aussi prendre le risque d’en retrouver les défauts. La série de Prime Vidéo souffre d’une atmosphère un peu trop testoronnée (des cadavres qui s’amoncellent après des fusillades ne semblent pas toucher réellement grand monde), combinée à des répliques « à l’américaine » qui font pâle figure par leur lourdeur. Cela manque donc quelque peu d’humanité. S’ajoute un léger manque d’inventivité : Périphériques fait dans le « cyberpunk à l’ancienne ». Mais la série corrige le tir grâce à des représentations visuelles délivrant une vraie proposition esthétique pas si banale. Sans compter que la Flynne de la série est plus nuancée et fait basculer le récit davantage dans le postcyberpunk, puisqu’elle n’est pas blasée, mais déterminée à s’en sortir.
Bien que Périphériques peine à bousculer le genre cyberpunk, la série n’en est pas moins une digne représentante. Il est appréciable de regarder une série de science-fiction ambitieuse, qui joue avec la réalité tout en restant compréhensible et cohérente. Elle manque toutefois clairement d’humanité — et d’approfondissement social — en début de saison, tant et si bien que l’on peine encore à s’attacher aux personnages et à leurs destins.
Les deux premiers épisodes sont disponibles sur Amazon Prime Vidéo depuis le 21 octobre 2022.
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