Bayonetta est une héroïne d’un autre temps. Elle ferait passer la toute première Lara Croft, machine à fantasmes (en polygones), pour une sainte nitouche. En 2022, année où le concept de femme objet est — fort heureusement — décrié, la sorcière de PlatinumGames assume tout : une tenue un peu trop moulante, la nudité à peine masquée, un déhanché un tantinet pervers, un look de ‘secrétaire sexy à lunettes’, des poses lascives… Les développeurs en jouent, multipliant les plans sur ses formes plantureuses, allant jusqu’à lui faire dire des phrases comme : « Il n’y a pas que la taille qui compte.»
Bayonetta n’a peut-être plus la même voix, mais elle n’a pas profondément changé pour Bayonetta 3. Bien que plus sage que le tout premier, cet opus sexualise toujours à outrance son héroïne (elle ne quitte que trop rarement sa sucette…). Si certains n’y verront qu’une satire, on a le droit de détester cette imagerie très Playboy, voire la regretter à une époque où les héroïnes de jeux vidéo ne sont plus réduites à leur corps (même Lara Croft). Mais Bayonetta 3 semble attaché à son ADN, qui ne doit pas faire oublier qu’il y a un pur jeu d’action derrière. Souvent impressionnant jusqu’à l’indigestion, cette exclusivité Nintendo Switch, disponible le 28 octobre, s’inscrit dans un moule bien connu des fans.
Graphiquement, c’est compliqué pour Bayonetta 3
Mode censuré
Il existe un mode censuré dans Bayonetta 3. Il réduit notamment la nudité, sachant que la sorcière reste « plus sexy que jamais », dixit PlatinumGames.
Passer de God of War Ragnarök sur PlayStation 5 à Bayonetta 3 sur Nintendo Switch est une sacrée épreuve pour les yeux. La comparaison n’a bien évidemment aucun sens, au regard de la puissance qui sépare les deux consoles. Il n’empêche, le constat est douloureux pour Bayonetta 3, qui accuse sérieusement le coup d’un point de vue graphique. PlatinumGames a privilégié la fluidité au reste, avec un framerate à 60 fps. C’est tout à son honneur, puisqu’on parle d’un jeu vidéo où l’action est frénétique. Mais les sacrifices pour garantir un confort irréprochable sont nombreux, particulièrement sur la définition.
Bayonetta 3 ne ressemble parfois qu’à un amas de pixels grossiers, avec des contours qui scintillent et des éléments qui apparaissent tardivement. Pour une exclusivité Switch, ce titre développé par PlatinumGames est un coup de poignard. Un coup de poignard qui rappelle à quel point la Switch est paralysée par des limites techniques criantes. Nintendo ne participera jamais à la course à la puissance, et certains brandiront toujours l’argument infaillible : « les graphismes ne font pas un jeu ». Certes, mais on aimerait tellement pouvoir dire plus souvent qu’un jeu disponible sur Switch est éblouissant.
Il y a quand même de jolies choses dans Bayonetta 3, comme la modélisation des personnages — Bayonetta en tête. On sent que les développeurs ont dû composer avec des compromis, préférant un casting tout droit sorti de la Fashion Week (thème : interdit aux moins de 18 ans) à des environnements visuellement accueillants. Le scénario était pourtant propice à un peu plus d’extase : après avoir combattu les Anges et les Démons, Bayonetta doit se frotter à un nouvel ennemi qui menace plusieurs univers d’un seul coup (le Multivers est vraiment à la mode en 2022). En résultent plusieurs voyages vers des environnements diamétralement différents, mais plus laids les uns que les autres. À l’image de son héroïne, Bayonetta 3 est un jeu d’un autre temps.
Un gameplay jouissif, mais un peu trop fourre-tout
Bayonetta et Bayonetta 2 étaient, il faut l’avouer, des monuments du jeu d’action. PlatinumGames maîtrise ce genre à merveille et sait comment faire pour empiler les séquences épiques. Bayonetta 3 ne déroge pas du tout à la règle. Il n’est d’ailleurs souvent rien d’autre qu’une apothéose, il est vrai, maladroite. Où se multiplient les moments forts à vitesse grand V. C’est simple, quand on a l’impression que le calme reprend ses droits, PlatinumGames épate avec une nouvelle idée. Bayonetta 3 sait être ce jeu assommant qui se perd dans l’excès de zèle. Il n’y a aucune forme de répit, juste ce sentiment d’être monté dans un Space Mountain qui ne fait que grimper — sans jamais s’arrêter.
Le socle du gameplay de Bayonetta 3 est le même que ses prédécesseurs. On incarne une sorcière très puissante et féline, surtout habile quand il s’agit de se débarrasser d’une horde d’ennemis variés (des robots dans le cas présent). Son principal talent n’a pas changé : elle peut toujours ralentir le temps en plaçant une esquive au dernier moment, ce qui lui permettra de se faciliter la tâche. Cette faculté est soutenue par des combos dévastateurs, qui alternent des coups forts et des coups faibles, à distance comme au corps-à-corps. Bref, Bayonetta sait se défendre et peut s’appuyer sur un arsenal très polyvalent (qu’on débloque au fur et à mesure).
Elle peut carrément faire appel à ses petits (enfin, très gros) copains démons au moyen de sa jauge de magie. Ces interventions, nécessairement limitées, rendent les affrontements encore plus dantesques, mais aussi moins lisibles. Bayonetta 3 touche très vite son principal problème : PlatinumGames, dans son immense générosité, a voulu trop en mettre. Et on devient vite écœuré par la proposition globale, qui n’est pas aidée non plus par le placement parfois hasardeux de la caméra. Non seulement c’est le bazar à l’écran, mais il arrive qu’on distingue très mal ce qu’il s’y passe.
Bayonetta 3 donne l’impression que le studio japonais est allé trop loin dans son vaste délire. Par ricochet, le titre part dans tous les sens : des séquences Kaijū où deux gros monstres se font face (pensez à Godzilla), des courses-poursuites, des phases de shoot them up à l’ancienne, un mini-jeu de rythme, des niveaux d’infiltration (au-secours…)… Il y a à boire et à manger dans cette liste, sachant que tout n’est pas réussi. PlatinumGames rêvait sans aucun doute d’une expérience plus diversifiée, sauf que Bayonetta 3 s’égare trop en cours de route pour proposer un mélange consistant et suffisamment abouti. Les combats restent jouissifs, mais ce qui les relie est, au mieux, pénible (sans compter le ton volontairement ridicule).
Outre les démons, Bayonetta 3 introduit une autre grosse nouveauté : la possibilité d’incarner une héroïne baptisée Viola (et dont les origines sont troubles). Apprentie sorcière, elle ne se joue pas tout à fait comme Bayonetta : pour ralentir le temps, elle doit parer une attaque adverse au moment opportun — ce qui change la dynamique du gameplay. Elle est par ailleurs assistée d’un gros chat dont le look est ouvertement inspiré de celui d’Alice aux pays des merveilles. À noter qu’on ne peut pas choisir d’incarner librement Viola — que Bayonetta surnomme chaton pour le running gag. Les chapitres imposent l’une ou l’autre des héroïnes en fonction de ce que le récit cherche à raconter. C’est-à-dire pas grand-chose, la plupart du temps.
Le verdict
Bayonetta 3
Voir la ficheOn a aimé
- Les bases du gameplay sont là
- Vraiment spectaculaire
- Fluide…
On a moins aimé
- … mais incroyablement moche
- Trop, c’est trop
- L’argument sexy a vieilli
Fluide, mais moche. Généreux, mais indigeste. Bayonetta 3 assume son côté grand spectacle à outrance, devenant alors cet épisode qui hésite un peu trop entre l’apothéose et la maladresse. PlatinumGames fait clairement du zèle avec cette exclusivité Nintendo Switch, assommant la joueuse et le joueur avec des phases de jeu parfois hors-sujet.
C’est dommage. Quand on gratte cette surcouche et qu’on oublie le ton un peu trop olé olé qui n’est plus vraiment dans l’air du temps, on retrouve ce gameplay ciselé qui a fait la réputation de Bayonetta et de Bayonetta 2. Dans sa volonté de bien trop en faire, le studio japonais noie l’essence d’une saga qui a déjà été trop chahutée par le passé.
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