Best-seller de l’année 2008, Grégoire est le premier artiste français à avoir été produit par les internautes par l’intermédiaire du label communautaire MyMajorCompany. Mais combien toucheront-ils pour les ventes réalisées l’an dernier ? D’après nos calculs, chaque internaute touchera en moyenne 1060 euros (pour 200 euros misés). Warner Music Group, dont le rôle était réduit à la distribution du CD, touchera 1,4 millions. Explications.

Dans un courrier électronique adressé aux producteurs de Grégoire dont Numerama a eu connaissance, MyMajorCompany (MMC) a communiqué aux internautes qui avaient misé sur le chanteur les bases de calcul des rémunérations qu’ils percevront au titre de l’année 2008. « Les conditions de votre rémunération sont intimement liées aux nôtres. La méthode est simple et transparente, nous vous donnerons toujours 30% de ce que Warner nous verse. Ni plus, ni moins« , assure le site de production communautaire.

Au bilan, avec 245.406 disques physiques vendus l’an dernier, les internautes producteurs toucheront 53,01 euros par part achetée 10 euros, soit un retour investissement de plus de 400 %. Le jackpot. Mais combien d’artistes produits par les internautes bénéficieront de la même exposition médiatique que Grégoire, diffusé en boucle sur les antennes radio depuis l’été ? Dans une maison de disques classique, un succès comme celui de Grégoire est très rare et assure des revenus suffisants pour produire jusqu’à une dizaine d’artistes dont la production est au contraire déficitaire.

D’après le mode de calcul communiqué, les internautes qui ont misé sur l’artiste touchent 30 % du prix de gros hors réduit de la marge de Warner Music Group. MyMajorCompany se réserve 50 %, et Grégoire 20 %. Le prix de gros hors taxe était fixé à 10,74 euros par CD, et les internautes ne toucheront cependant que 1,51 euro par album vendu. Ainsi selon nos calculs, Warner Music Group s’est réservé 5,71 euros par album vendu, soit 53 % du prix de gros hors taxe. Une belle marge.

347 producteurs, 1 label, 1 distributeur

Interrogé par Numerama, MyMajorCompany nous indique que 347 producteurs ont acheté des parts pour assurer le financement nécessaire à l’enregistrement de Grégoire. En moyenne, les internautes ont donc acheté 20 parts chacun, et recevront au total 1060 euros, pour un bénéfice moyen de 860 euros chacun. Collectivement, ils gagnent 311.000 euros.

Pour avoir joué les intermédiaires et pour avoir assuré le marketing (réussi) de l’album, MyMajorCompany touchera environ 700.000 euros. Et Warner Music Group, avec lequel MMC a un contrat de distribution exclusif, 1,4 million d’euros. L’artiste, Grégoire, devrait quant à lui toucher près de 250.000 euros.

Mais si 75 % des sommes sont versées en avril, l’intégralité ne sera versée aux différents maillons de la chaîne qu’à la fin de l’année. Comme le veut la tradition chez les majors qui distribuent les disques des labels indépendants, Warner met de côté pendant neuf mois 25 % des sommes récoltées, officiellement au titre d’une « provision sur retour ».

La major estime contractuellement qu’elle risque de voir revenir jusqu’à un disque sur quatre distribué aux magasins, et ne règle donc le solde qu’après avoir fait ses comptes en fin d’année avec le nombre réel de CD retournés par les enseignes pour cause d’invendus. Or l’on sait bien que confrontées à la crise du disque, les majors ont arrêté au début des années 2000 d’inonder les enseignes (qui de toute façon maintenant les refusent) de CD, et fonctionnent quasiment dans une logique de flux tendu. Mais les contrats de distribution prévoient toujours cette provision de 25 %, qui n’a aucune réalité concrète sur le marché, mais qui permet à la major de faire fructifier les sommes provisionnées sur ses comptes en banque.

Par ailleurs, MyMajorCompany est encore incapable de dire combien les ventes de téléchargements ou de licences numériques ont rapporté. L’e-mail envoyé aux internautes producteurs n’en dit pas un mot. « Les revenus numériques sont en attente de décompte, Warner ne nous a pas encore envoyé les relevés officiels« , nous explique Simon Istolainen, le co-fondateur du label communautaire. « Le délai est lui même imputable aux différents brokers qui gèrent cette chaîne de valeur« .

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