Dire que la carrière vidéoludique de Sonic a tourné au vinaigre est un euphémisme. Ces dernières années, le hérisson bleu de Sega — autrefois rival de poids de Mario — a enchaîné les désillusions à vitesse grand v, un comble pour une mascotte jugée sur sa rapidité. Sonic a en réalité très mal vécu le passage à la 3D, quand le plombier de Nintendo continue de se renouveler, épisode après épisode. Dès lors, chaque nouveau jeu Sonic ressemble à un clou de plus planté dans le cercueil.
Sonic Frontiers, disponible depuis le 8 novembre 2022, a carrément démarré sous une pluie de moqueries et de craintes. Elles ont été assénées à juste titre : dans un effort de communication hyper maladroit, Sega a montré une première séquence de gameplay où on voyait Sonic errer sans aucun but dans des décors vides. Il n’a pas fallu longtemps pour dresser une métaphore liée à une gloire d’antan qui ne saurait plus mettre un pied devant l’autre (sauf au cinéma, peut-être, grâce à un sauvetage inespéré).
En toute transparence, je n’ai jamais été un grand fan de Sonic. Je n’ai jamais apprécié ce gameplay où on a plus l’impression d’être spectateur qu’acteur. Pourtant, alors que tout semblait mal embarqué, j’ai aimé parcourir les différents environnements proposés par Sonic Frontiers. J’en suis le premier étonné.
Sonic Frontiers peut vous plaire
Et les graphismes ?
Sans être vraiment vilain, Sonic Frontiers n’a rien d’un bijou visuel. Les environnements ne font pas rêver, n’affichent rien d’incroyable et, pire, essuient quelques lacunes techniques (certains éléments s’affichent tard). Au moins, c’est fluide sur Xbox Series X avec le mode axé sur la performance.
Quand Sega a montré Sonic Frontiers pour la première fois, un parallèle a vite été trouvé. Observer le hérisson bleu parcourir des environnements étendus à vive allure rappelait un certain The Legend of Zelda: Breath of the Wild. Cette comparaison est, sur le papier, avantageuse. En substance, c’est une véritable malédiction, compte tenu de l’état de forme dans lequel se trouve Sonic. Un peu comme si un jeune footballeur professionnel était d’emblée comparé à Lionel Messi à cause d’une seule vidéo qui a fait le buzz sur Snapchat.
Mais il faut bien reconnaître qu’on retrouve — un peu — du souffle de liberté de The Legend of Zelda: Breath of the Wild dans Sonic Frontiers. Pour sa première aventure dans une zone très ouverte (un rassemblement de plusieurs îles), Sonic peut se balader à peu près partout et, surtout, avec une aisance appréciable. On pouvait craindre le pire sur ce point : incapable de s’acclimater correctement à la 3D, Sonic pouvait-il s’épanouir dans des décors étendus ? La réponse est un petit oui, puisqu’il y a encore des défauts. Mais un petit oui constitue déjà une grande victoire pour un jeu qui était condamné d’avance. Mieux, la sensation de vitesse est omniprésente. Elle porte l’opportunité de couvrir de grandes distances en un clin d’œil. En matière de navigation, c’est top.
Les environnements de Sonic Frontiers sont peuplés de petits défis simplistes qui, une fois remplis, dessinent la carte dans les menus. Il y a quelque chose d’incroyablement satisfaisant à partir en quête de ces petites tâches déconnectées de l’aventure principale (qui consiste bêtement à sauver ses amis dans un univers inconnu, protégé par des titans). Et même si elles finissent par être répétitives et génériques, on prend beaucoup de plaisir à relier les points. Ce n’est peut-être pas suffisant pour en faire un jeu vidéo ambitieux, mais qu’importe. De toute façon, Sonic Frontiers fait penser à un projet-concept vraiment fourre-tout, mélangeant des choses qui fonctionnent avec d’autres qui fonctionnent beaucoup moins bien.
Sonic Frontiers est un jeu bourré de défauts, mais…
L’argument d’exploration de Sonic Frontiers est donc globalement tenu, même si Sega ne parvient pas à livrer une expérience sans défaut. La gestion de la caméra reste chaotique (tantôt fixe, tantôt libre), et n’aide pas une visibilité parfois complexe (on peine à trouver son chemin, particulièrement sur la troisième des cinq îles). Les transitions entre la 2D et la 3D sont hasardeuses, sans compter qu’elles réduisent le sentiment de liberté en un vulgaire couloir (un plus pour la nostalgie, penseront certains). Sonic Frontiers pâtit aussi de ces mouvements automatisés, héritage d’une saga qui en abuse depuis la nuit des temps.
En dépit de tous ces couacs de gameplay, Sonic Frontiers parvient à transposer l’ADN des jeux Sonic aux contraintes de niveaux très ouverts — un exploit à considérer. En revanche, Sonic Frontiers peine à convaincre sur l’objectif principal à remplir. Concrètement, Sonic doit récupérer des rouages pour débloquer des portails, portails qui donnent accès à des clés, clés qui permettent de récupérer des Chaos Emeralds, Chaos Emeralds qui font avancer l’histoire jusqu’au générique de fin. Cela fait beaucoup trop d’objets à obtenir pour éviter le syndrome du remplissage… Oui, Sonic Frontiers cherche à remplir du vide et, pire, ne parvient pas à le masquer.
Sega a quand même réussi à doter son jeu d’un système de combat grisant (sauf face à certains boss, où le gameplay part dans tous les sens). Là encore, on avait peur en voyant les premières images. Manette en main, Sonic offre de bonnes sensations quand il doit affronter des robots agressifs. En prime, la variété est de mise : chaque ennemi nécessite un schéma à appliquer pour être terrassé, ce qui permet aux joueuses et aux joueurs de piocher dans la palette de coups à acheter avec des points d’expérience. Car Sonic Frontiers s’empare de quelques éléments du genre RPG pour épaissir sa proposition. Ce n’est pas toujours pertinent (à quoi ça sert, de renforcer la défense ou d’augmenter le nombre d’anneaux qu’on peut porter ?), mais on peut souligner la volonté d’essayer.
Tant pis, si on fait office de cobayes, un peu paumés dans un vaste laboratoire menant des expériences plus ou moins fructueuses.
En revanche, on peut en vouloir à Sega de ne pas couper définitivement les ponts avec le passé de Sonic — comme si le deuil était impossible à faire. Pour glaner les fameuses clés ouvrant la serrure des Chaos Emeralds, il faut se coltiner des niveaux old school — en 2D, en 3D ou en 2D/3D. Où Sonic doit retrouver ses réflexes d’antan pour arracher le meilleur temps. Ces parenthèses pénibles, sinon peu inspirées, représentent un moyen de raccrocher les fans de la première heure. On y voit plutôt le principal défaut de Sonic Frontiers, qui n’est jamais aussi nul que quand il fait du Sonic. Pour le bien du hérisson bleu, et pour son avenir, il faut clairement aller de l’avant. Par ses nombreuses tentatives et ses quelques loupés, Sonic Frontiers en est la preuve irréfutable.
Le verdict
Sonic Frontiers
Voir la ficheOn a aimé
- L’exploration est vraiment cool
- Des combats loin d’être inintéressants
- Un jeu qui ose
On a moins aimé
- Les niveaux classiques sont pénibles
- Un gameplay loin d’être irréprochable
- Visuellement, c’est quelconque
À notre grande surprise, Sonic Frontiers est loin d’être une catastrophe. Certes, il faut faire le tri dans cette proposition alambiquée de Sega, en quête de la bonne formule pour faire revivre son hérisson bleu. Un on-ne-sait-quoi parcourt cette aventure épousant volontiers le format des zones ouvertes pour permettre à Sonic de trouver, à nouveau, sa place. Il faut souligner l’effort, malgré les maladresses.
Et finalement, c’est quand Sonic Frontiers recycle des éléments du passé, comme autant de vieilles breloques dont on a du mal à se débarrasser, qu’il déçoit le plus. Sega ne livre ici qu’un vaste concept, ce qu’on peut déplorer, mais au moins y verra-t-on des pistes pour remettre Sonic à sa place. C’est-à-dire sur la première marche du podium, ou pas très loin.
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