Sony est actuellement embourbé dans une immense bataille dont l’objectif est le suivant : faire capoter l’acquisition de Activision Blizzard par Microsoft, dans la crainte de voir s’échapper des licences fortes. La firme nippone utilise l’argument Call of Duty pour justifier sa démarche, alors que son rival américain martèle que les FPS de guerre ne disparaîtront pas de l’écosystème PlayStation (du moins, pas à court et moyen termes). Et Sony est visiblement prêt à tout, quitte à écorner l’image d’autres acteurs du marché… qui n’avaient rien demandé.
Dans un document remis à l’autorité de la concurrence britannique (CMA, pour Competition and Markets Authority), repéré par The Verge le 24 novembre, Sony s’en prend ouvertement à Electronic Arts. L’éditeur est à l’origine de la saga Battlefield, considérée par beaucoup comme la rivale de Call of Duty. Sauf qu’aux yeux de Sony, Electronic Arts est incapable de concurrencer Activision. Une balle perdue dont se serait bien passé l’intéressé, victime collatérale d’une guerre entre deux géants.
EA, victime collatérale de la guerre entre Sony et Microsoft
Voici ce qu’on peut lire dans le document transmis à l’entité chargée de se pencher sur la transaction : « Call of Duty n’a aucun égal. La marque Call of Duty est trop établie pour qu’une entreprise puisse rivaliser, qu’importe ses forces. C’est le jeu le plus vendu quasiment chaque année sur la dernière décennie et, dans le genre FPS, c’est le jeu le plus vendu de manière écrasante. Les autres éditeurs n’ont ni les ressources ni l’expertise pour atteindre ce succès. Pour vous donner un exemple concret, Electronic Arts — l’un des plus gros éditeurs après Activision — a essayé pendant des années de développer un rival de Call of Duty avec la saga Battlefield. En dépit des similitudes entre Call of Duty et Battlefield, et malgré le passé glorieux d’EA en matière de licences à succès (FIFA, Mass Effect, Need for Speed et Star Wars: Battlefront), Battlefield ne peut pas rivaliser. En août 2021, plus de 400 millions de jeux Call of Duty ont été vendus, contre 88,7 pour Battlefield. »
Sony ne prend strictement aucune pincette, et nul doute qu’Electronic Arts n’a pas dû apprécier cette déclaration. Le sous-texte est même effarant : Sony cherche à faire comprendre que Call of Duty est strictement irremplaçable et, surtout, que Battlefield ne saura satisfaire ses joueurs s’ils venaient à perdre Call of Duty. C’est vraiment une insulte à l’héritage de Battlefield, qui a, certes, connu des fiascos (exemple : le lancement de Battlefield 2042), mais existe depuis 2002.
En prime, Sony fait preuve d’un poil de mauvaise foi, au niveau des chiffres. Oui, Call of Duty écrase tout en termes de ventes. Mais Battlefield peut difficilement se hisser à sa hauteur avec beaucoup moins d’épisodes à son actif (9 contre… 19 pour Call of Duty, hors spin-off). En décembre 2011, Peter Moore, alors COO d’Electronic Arts, se félicitait quand même d’observer que Battlefield 3 avait piqué quelques parts de marché à Call of Duty: Black Ops III.
En somme, Sony a tort de réduire l’aura de Battlefield et de manquer de respect à Electronic Arts — qui reste l’un de ses partenaires historiques. Et même si, factuellement, Call of Duty est supérieur à Battlefield (ça peut se discuter selon les goûts, les épisodes…), un constructeur ayant devoir d’exemplarité ne peut pas se permettre de l’affirmer.
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