Beau et immonde : voilà deux adjectifs qui, normalement, ne vont pas du tout ensemble. C’est pourtant cette ambivalence qui nourrit The Callisto Protocol, jeu vidéo qui rappelle que la réalisation (ce qui est vu) est à différencier de la direction artistique (ce qui est perçu). Elle permet au nouveau projet de Glen Schofield, maître de l’horreur SF, de susciter autant l’admiration que le dégoût. Des sentiments qui portent une expérience intense et loin d’être tout public.
On a beaucoup comparé The Callisto Protocol, naguère attaché à la marque PUBG, aux deux premiers Dead Space. Et c’est tout à fait légitime : ces jeux à l’atmosphère lugubre ont été imaginés par les mêmes personnes. L’affiliation est évidente, alors que Dead Space s’apprête à renaître sous la forme d’un remake qui fera sans doute oublier un troisième opus décevant. En dépit de similitudes qui sautent aux yeux, The Callisto Protocol parvient malgré tout à trouver sa place dans un genre qu’on pensait poussiéreux.
The Callisto Protocol, c’est d’abord une réalisation de haut vol
The Callisto Protocol fait assurément partie des plus beaux jeux du catalogue des consoles récentes (on a testé le jeu sur PlayStation 5). Striking Distance Studios, dont c’est le tout premier jeu, repousse les limites de l’Unreal Engine 4, avec un rendu prodigieux. Certes, The Callisto Protocol n’est souvent qu’un immense couloir. Mais on ressent la volonté d’en faire un espace rempli de détails, habillé d’éclairage réaliste et animé par des effets visuels soignés. D’un point de vue visuel, il est difficile de reprocher quoi que ce soit à The Callisto Protocol, hormis sur les quelques soucis de finition occasionnant des bugs et un framerate parfois inconsistant (même avec le mode performance enclenché).
C’est surtout dans la représentation de l’horreur que le jeu brille plus particulièrement. Tout est pensé pour célébrer le gore, en témoignent ces mises à mort d’une violence extrême, à la limite de l’insoutenable (les développeurs nous forcent à les regarder à chaque game over). Le sang coule à flot dans The Callisto Protocol, et il ne cesse d’éclabousser un héros chahuté du début à la fin. On n’a pas le souvenir d’avoir joué à une expérience aussi visuellement éprouvante. Certains trouveront cela grotesque, quand d’autres détourneront les yeux au moindre affrontement. On rappelle quand même que le Japon a interdit la vente de The Callisto Protocol en raison de sa propension à choquer (le studio n’a pas voulu censurer le contenu). Oui, oui, le pays où bien d’autres limites sont franchies…
Il est toutefois dommage de constater que cette jolie réalisation n’est pas au service d’une histoire très intéressante. Le scénario de The Callisto Protocol est très convenu et ne surprendra absolument personne. En réalité, il s’agit d’un jeu qui met l’ambiance au centre de tout. Par conséquent, on y joue moins pour son fil conducteur que par volonté d’être plongé dans un malaise permanent. L’épopée de Jacob Lee, enfermé dans une prison cachant de sombres desseins, n’est qu’un prétexte pour consolider un univers pensé pour l’effroi. La narration en pâtit un peu, en dehors des quelques cinématiques (parfois montées de manière étrange) et des journaux audio à ramasser.
On vous conseillera — ou déconseillera selon vos envies — de jouer à The Callisto Protocol avec un casque, si possible dans le noir. Striking Distance Studios étale son savoir-faire en matière de design sonore, avec des bruitages horribles qui viennent de partout. Ils agissent souvent pour tromper notre attention : on entend un grognement au loin, pensant qu’un ennemi s’apprête à arriver. Il se mélange à des grincements, des craquements et autres sons jamais pensés pour être accueillants. On n’est jamais à l’aise dans The Callisto Protocol, et c’est une sacrée preuve de réussite. Surtout que les monstres peuvent surgir à tout moment : au détour d’un couloir en T ou depuis une congère — quand ce n’est pas la visibilité qui nous fait défaut (la brume…). Le titre peut paraître redondant, mais il parvient quand même à surprendre grâce à son atmosphère particulière.
Dead Space avec une moustache ?
La difficile gestion de l’inventaire
À l’instar de beaucoup de jeux du genre, The Callisto Protocol impose une gestion millimétrée de l’inventaire. On ne peut pas tout porter, et il faut parfois faire des choix entre les ressources.
The Callisto Protocol repose sur énormément de leviers déjà vus dans Dead Space, matérialisés par cette volonté de nous mettre seul face à des horreurs. Il se distingue néanmoins par son gameplay davantage axé sur le corps-à-corps. Ainsi, Jacob Lee (incarné par l’acteur Josh Duhamel) est équipé d’une matraque qui constitue son meilleur moyen de défense face à des monstres capables de se transformer sous nos yeux. L’ambition de Striking Distance Studios est d’offrir des affrontements tout à la fois intenses et — un peu — exigeants.
Pour se débarrasser des immondices qui peuplent le pénitencier Fer Noir, le héros doit taper, taper et taper. Mais il doit surtout esquiver pour éviter d’encaisser de très lourds dégâts. Pour ce faire, le studio a mis au point un système d’évitement assez malin, consistant à orienter le stick vers la gauche ou la droite au bon moment. La fenêtre est suffisamment étendue pour ne jamais frustrer, sachant qu’il faut parfois enchaîner plusieurs esquives pour s’en sortir. Avec ce gameplay, The Callisto Protocol ressemble à un ring de boxe très, très sanguinolent.
En plus du corps-à-corps, Jacob Lee peut s’appuyer sur un arsenal composé d’armes classiques (pistolet, mitrailleuse, fusil à pompe…) et d’un pouvoir apparenté à de la télékinésie. Ce dernier permet, par exemple, de faire léviter un adversaire pour l’envoyer vers un piège du décor (une hélice géante, un mur constitué de pics…). The Callisto Protocol récompense la créativité des joueuses et des joueurs, qui doivent vraiment apprendre à jongler avec les trois moyens d’attaquer pour survivre. La matraque permet d’économiser les balles, les armes à feu écourtent les face-à-face, et la télékinésie rend bien des services (utilisation limitée, néanmoins). Quand il y a surnombre, il est nécessaire d’être stratège, en associant les trois options.
Malgré une base de gameplay solide, il arrive que The Callisto Protocol s’égare un peu. Il y a d’abord un gros problème ergonomique quand on veut sélectionner rapidement une arme. Un défaut qui devient encore plus pénible quand on doit affronter des boss capables de nous tuer en un seul coup. À ce sujet, l’ultime ennemi à terrasser risque d’en décourager plus d’un, tant Striking Distance Studios est allé sans doute trop loin dans sa volonté de proposer un défi relevé. Ne laisser aucune chance à la joueuse ou au joueur n’a vraiment rien d’amusant, surtout après avoir visionné des dizaines de fois la même exécution. C’est dommage d’en arriver là, alors que The Callisto Protocol offre un challenge globalement équilibré une fois qu’on en maîtrise les rudiments.
Le verdict
The Callisto Protocol
Voir la ficheOn a aimé
- Une réalisation époustouflante
- Un gameplay viscéral
- Ambiance au top du lugubre
On a moins aimé
- Histoire quelconque
- Quelques soucis de finition
- Ergonomie parfois perfectible
Glen Schofield, maître de l’horreur SF, signe son grand retour avec The Callisto Protocol. Si beaucoup n’y verront qu’un Dead Space 2.0, le jeu développé par Striking Distance Studios parvient à se distinguer grâce à des choix forts en termes de gameplay. Ses nombreux combats privilégiant le corps-à-corps sont gores et intenses, au point d’en devenir insoutenables pour certains.
The Callisto Protocol mise par ailleurs sur sa réalisation d’orfèvre pour convaincre. Sur les plateformes les plus puissantes, le survival-horror est d’une beauté incomparable, appuyant son ambiance délétère, sa violence graphique et ses effets viscéraux. Les amateurs d’horreur y trouveront forcément leur compte, lui pardonnant ses quelques défauts de jeunesse. Le duel avec le remake de Dead Space s’annonce haletant.
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