Le Glass Onion est le nom d’un bar, celui où les protagonistes de notre aventure se retrouvaient, une décennie avant de devenir célèbres, pour enquiller les shots et tirer des plans sur la comète. Cet « oignon de verre » est aussi le fil rouge de l’intrigue du film éponyme de Rian Johnson, sorti sur Netflix le 23 décembre 2022.
Il s’agit d’une prouesse architecturale érigée par le multimilliardaire Miles Bron au centre d’une île sur laquelle se déroule l’intrigue. Au cœur de la structure de verre qui surplombe son palace, il a mis son immense bureau et sa voiture de course — même s’il ne peut pas l’utiliser sur place, elle ne « le quitte jamais ».
Les mensonges n’engagent-ils que ceux qui les croient ?
L’oignon transparent est surtout l’incarnation exemplaire de notre relation aux puissants, ou plutôt à ce qu’ils nous disent. La parole est au cœur du long-métrage ; il s’agira d’ailleurs des premiers indices dévoilés par le détective Benoît Blanc (Daniel Craig) à la fin du film, qui décortique la sémantique approximative de Miles Bron en se désespérant de tant d’inculture : « Toute cette journée n’a été qu’un véritable florilège d’expressions malpropres et d’erreurs factuelles ! ».
Il y a quelque chose de fascinant dans le don de l’éloquence, c’est qu’il donne l’illusion de vérité. S’il ose le dire à voix haute, c’est que ça doit être vrai. N’est-ce pas sur ce principe que Donald Trump s’est hissé à la tête du pays le plus puissant du monde pendant quatre ans ? Qu’Elon Musk est parvenu à se créer une image de défenseur de la liberté d’expression, lui qui a le plus muselé la parole en ligne en deux mois que les équipes de Twitter en 15 ans ?
Sam Bankman-Fried est, de la même manière, parvenu à convaincre des personnalités très sérieuses d’investir dans sa plateforme crypto FTX, jouant à merveille sa partition de petit génie mal sapé qui pourrait devenir le prochain Bill Gates, tant valorisé dans la Silicon Valley. Qu’importe le fond de sa parole, pourvu qu’il y ait l’impression que l’entrepreneur cache une intelligence redoutable derrière des couches d’excentricité et d’assurance.
Et que dire de Kanye West, multipliant les déclarations provocatrices pendant des années, avant de se rouler dans l’antisémitisme une fois de trop et d’être enfin renié par certaines marques, que son extravagance a pourtant tant enrichies ?
« C’était sous mes yeux depuis le début », se désolera Benoît Blanc à plusieurs reprises.
« Le film n’est pas très subtil »
Certains des milliardaires que nous avons portés au sommet du monde sont des oignons de verre, nous dit Rian Johnson : ils se présentent comme des monuments de sagacité, nous assurent que leur cerveau fonctionne différemment, qu’il est plus rapide, plus complexe, et nous acquiesçons. « Le film n’est pas très subtil, il parle des gros mensonges et des structures de pouvoir à travers lesquelles les gens qui veulent préserver leurs intérêts confortent ces gros mensonges », a confié le réalisateur au Monde.
Avait-il pour projet de caricaturer Elon Musk en particulier ? « C’est un horrible accident ! », s’est-il exclamé dans les colonnes de Wired. « Il ne s’agit pas d’un milliardaire en particulier », a-t-il ajouté au Monde. Le long-métrage, écrit et tourné entre 2020 et 2021, n’a en effet pas pu s’inspirer des frasques du nouveau patron de Twitter, qui se décrédibilise à chaque nouveau gazouillis qu’il envoie depuis début 2022. Mais Rian Johnson a bien conscience des parallèles « [Le film] est vraiment pertinent actuellement, c’est bizarre », a-t-il reconnu.
Glass Onion est de ces films qui arrivent à capturer l’époque pile au bon moment, avec le meilleur ton. À la manière de Don’t Look Up, sorti presque jour pour jour l’an dernier sur Netflix, Il ne s’agit pas d’une œuvre bouleversante sur la forme, mais d’une fable efficace qui martèle une seule et même idée pendant plus de deux heures. Qu’en fera-t-on ?
Glass Onion est accessible sur Netflix depuis le 23 décembre 2022
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