C’est l’histoire d’un type qui, au tournant de l’année 2018, découvre un peu par hasard Cookie Clicker avec ses collègues. Un petit jeu anodin et idiot, se disait-il alors. Il se joue sur navigateur. « Cela devrait peu accaparer mon temps », croyait-il. C’était l’après-midi. Nous étions rassemblés dans l’open space. Et c’est ainsi que son doigt s’est pris dans l’engrenage.
Vous avez le type de cette histoire en face de vous : c’est de moi qu’il s’agit. Voilà en effet cinq ans que je suis pris dans une boucle dont je ne parviens pas à sortir : ma partie initiale n’existe certes plus — elle aurait plus de 1 500 jours aujourd’hui ! –, mais ma nouvelle session, ouverte durant la funeste année 2020 et l’explosion de la pandémie de coronavirus, tourne toujours.
Elle tourne d’ailleurs un peu trop bien. Et cela fait un bon moment qu’elle n’a plus vraiment de moi pour produire toujours plus de cookies. Au point que je n’ai besoin que de venir voir de temps à autre s’il n’existe pas une nouvelle amélioration à débloquer ou si je peux acheter un nouveau lot de grands-mères, qui sont très utiles pour cuisiner encore plus de ces petits gâteaux.
746 jours plus tard, il est toujours sur Cookie Clicker.
C’est bien là mon malheur avec Cookie Clicker. Voilà 746 jours que ma partie a commencé, selon les statistiques du jeu. Et j’y reviens toujours, même si ce n’est pas quotidien. Un peu comme un fidèle qui se rendrait régulièrement à Saint-Jacques-de-Compostelle. C’est un peu mon pèlerinage numérique. J’y reviens toujours. J’ai même installé l’application mobile. Bien sûr.
Vous ne savez pas ce qu’est Cookie Clicker ? Il est encore temps de fuir et de ne pas sombrer dans le puits dans lequel je me trouve. Pour les autres, il s’agit d’un jeu qui n’a qu’un seul but : amasser le plus grand nombre de cookies et en produire toujours plus vite. Au début, vous ne pouvez que cliquer avec votre souris sur un gros cookie à l’écran.
En cliquant très vite avec le bouton gauche de votre souris, vous pouvez bien sûr en générer plusieurs en une seconde. Du temps où les clics frénétiques emplissaient l’open space de Numerama, on avait même trouvé une astuce troquant la souris par le clavier. En appuyant furieusement sur deux touches du pavé, on en obtenait encore plus. C’était la folie.
Mais comment expliquer le fait que ma cadence actuelle atteigne aujourd’hui les 86,7 tredecillions (un nombre constitué d’un 1 suivi de 32 768 zéros) ? Impossible évidemment d’y arriver à la souris ou au clavier. Le secret est dans l’automatisation.
J’ai pu déléguer la création de nouveaux cookies à des systèmes qui ont largement pris la suite de ma production manuelle et trop artisanale. J’ai bien sûr des mamies en pagaille (plus de 700 aux fourneaux) et toutes sortes d’usines à cookies, de fermes à cookies, de mines à cookies et des choses peu claires, comme des cortex pâtissiers ou des moteurs fractaux. ¯\_(ツ)_/¯
Voilà donc où j’en suis fin 2022. Avec une partie de Cookie Clicker hors de tout contrôle. Avec des nombres dont le sens m’échappe totalement (j’ai officiellement plus de 236 quattuodecillions en banque, soit 236×1065 536 cookies). Mes mamies ont muté en une espèce de créature transcendantale et j’empile les points, les trophées et les niveaux de prestige à une vitesse folle.
Qu’il est loin le temps où il fallait vraiment s’investir dans Cookie Clicker. Mon effort aujourd’hui se limite à réinvestir rapidement les gains obtenus, à détruire les sortes de vers de l’espace qui tentent de grignoter mon cookie géant (il n’y a aucun sous-entendu grivois) et à revenir plus tard. À refaire mon pèlerinage. C’est un paradoxe : en fait, on clique de moins en moins dans Cookie Clicker.
Il y a autre chose qui a changé depuis 2018 : ma santé mentale à cause du jeu. Le grand soin que j’apporte à la sauvegarde de ma partie. J’ai perdu une fois ma session, ce qui a réduit à néant toute ma progression initiale. Après quelques centaines de jours passés dessus, je faisais grise mine. Et c’est un euphémisme. Alors mon code de sauvegarde est aujourd’hui largement sécurisé
Et si un jour, je la perds quand même ? Écoutez, ça fera toujours un prétexte pour un nouvel article ou un nouvel épisode de podcast qui serait cette fois intitulé « : il perd sa partie de Cookie Clicker qu’il avait depuis des années, réduisant à néant ses efforts pour produire des milliards et des milliards de cookies : posez-lui toutes les questions ». Je vais aller à Saint-Jacques-de-Compostelle pour prier que cela n’arrive jamais.
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