L’humanité et rien que l’humanité : il n’a jamais été question de quoi que ce soit d’autre dans The Last of Us, le jeu culte de la PlayStation reposant pourtant sur une apocalypse zombie. L’adaptation de HBO, dont l’épisode 1 est disponible ce lundi 16 janvier 2023 sur Prime Video, en reprend toute l’essence poétique. Si les trois premiers épisodes nous avaient déjà tellement conquis que l’on y consacrait une première chronique, la saison complète de neuf épisodes confère au chef-d’œuvre. Une proposition artistique puissante qui touche droit au cœur et aux tripes — que l’on ait joué ou non au jeu avant.
The Last of Us submerge immédiatement d’émotion. Dès l’introduction, tout s’effondre pour Joel et pour le reste de l’humanité : le cordyceps, champignon infectieux, mute jusqu’à transformer tout individu en une sorte de zombie féroce, un « infecté ». On ressent cette implosion, le cœur battant, à travers le regard stupéfié de Sarah, sa fille. C’est le choc initial de l’œuvre. En l’espace de quelques instants, le monde n’a plus de sens. Vingt ans plus tard, Joel se voit confier la charge d’une enfant, Ellie, 14 ans, seule personne connue à être immunisée. Ensemble, ils vont traverser une Amérique hostile au cours d’un voyage où espoir et désespoir se confronte dans le chaos.
Mais comment espérer quoi que ce soit, dans un monde aussi brisé ? Le titre de l’œuvre dit déjà beaucoup : il ne reste rien, si ce n’est nous. C’est l’étrange poésie d’une humanité mise à nu par son propre effondrement. Des murs écroulés, une société anéantie, mais des survivants qui demeurent, esseulés par l’absence de sens commun. Le voyage d’Ellie et Joel est une quête, pour renouer avec ce qui a été perdu de plus cher : l’humble innocence de liens humains, nouveaux comme anciens. Là est toute la puissance de The Last of Us en tant que road trip post-apocalyptique, un constat qui s’appliquait déjà au jeu et qui infuse tout aussi brillamment dans la série.
The Last of Us est une adaptation intimiste
L’adaptation développée par Craig Mazin et Neil Druckmann ne fait pas que suivre la même trame que le jeu, elle l’étend, la réécrit en partie, la repense pour qu’il n’en reste plus que la beauté singulière. Une beauté esthétique, d’abord, car l’œuvre de HBO dispose d’une patte artistique prodigieuse — à la cinématographie radicale, organique. Une beauté intimiste, ensuite, grâce à une écriture minimaliste d’où proviennent toutes les émotions crues qui nous traversent à chaque épisode.
En témoigne d’ailleurs le choix d’une mise en scène tamisant la violence du jeu et substituant la tension à l’action. Non pour en réduire le réalisme ni la brutalité, mais au contraire pour en accentuer la force. Dans The Last of Us, il n’est d’acte violent anodin. Cette violence n’en demeure pas moins présente, extrême parfois. Elle plane dans l’atmosphère et n’intervient qu’à des instants clés, au choc décuplé. Autre témoignage de ce minimalisme : la place des zombies est, elle aussi, amoindrie. Des séquences, pourtant miroirs à celles du jeu, les suppriment ou réduisent leur abondance. Les infectés représentent une menace très rare, mais latente, et éprouvante lorsqu’elle se présente (en nombre ou non).
Pedro Pascal et Bella Ramsey, duo bouleversant
Chaque épisode est un tableau post-apocalyptique bouleversant, à taille humaine, racontant sa propre histoire, sa propre communauté de destins, au sein d’une peinture plus large. Et tout repose sur les personnages qui composent cette fresque. Si la série étend plus largement son focus que le jeu, au-delà de Joel et Ellie, ces derniers restent le cœur battant du récit. Pedro Pascal et Bella Ramsey interprètent un duo dont l’alchimie devient de plus en plus poignante à mesure qu’elle se construit. Leur relation, quasi hostile au début, se révèle graduellement d’une tendresse et d’une gravité saisissantes.
Les deux personnages surpassent la lente élégie de leur voyage en nouant un lien humain aussi silencieux que rempli d’amour. D’un premier rire partagé, en milieu de saison, s’ensuit d’autres petits instants, des regards, des actes éparpillés au fil d’une survie sans fin. The Last of Us n’est pas une série qui divertit ni même qui raconte : elle montre, nous emporte dans sa fuite en avant.
Ellie ne verbalisera qu’une seule fois sa plus grande crainte, la même que dans le jeu : « J’ai peur de finir seule. » Mais la talentueuse Bella Ramsey ne fait pas que prononcer cette phrase, elle la porte avec elle, jusque dans les méandres de son interprétation. Tout comme Pedro Pascal fait la démonstration d’un grand jeu d’acteur en parvenant à porter son âme fracturée et son corps meurtri à chaque instant, nous mettant sans cesse à l’épreuve de toutes les nuances, bonnes et mauvaises, de son personnage.
Bien sûr que The Last of Us captive, tant la narration est soutenue, que l’écriture épurée — mais pleine — immerge au plus près de l’émotion, et que les destins nous importent charnellement. La fin nous laisse orphelins d’un voyage aussi beau qu’oppressant. Comme le jeu dont elle est adaptée, pour des raisons étrangement très différentes, la série est un tour de force artistique qui laisse une marque durable à l’échelle culturelle comme individuelle.
Le verdict
The Last of Us
Voir la ficheOn a aimé
- Cinématographie prodigieuse, façon film indépendant
- Pedro Pascal et Bella Ramsey parfaits
- Les changements et ajouts sont bienvenus
- Du post-apo humain, intimiste, puissant
- La musique de Gustavo Santaolalla
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