Ce mardi 21 février sort Atomic Heart. Ce titre édité par Focus Interactive peut donner envie si on regarde les bandes-annonces : un jeu de tir narratif qui rappelle les BioShock — des productions cultes qui résonnent auprès des adeptes du genre. Mais si on s’intéresse à son actualité, on se rend compte qu’il est touché par des polémiques liées à plusieurs sujets, aussi bien lié à l’origine du studio de développement qu’au ton du jeu en lui-même.
Ce qui cloche avec le jeu vidéo Atomic Heart
Les origines troubles du studio de développement
Pour comprendre la polémique politique qui entoure Atomic Heart, il faut regarder le contexte : un an après le début de l’invasion en Ukraine, un studio russe lance un jeu vidéo articulé autour d’une uchronie montrant une URSS toute-puissante. Naturellement, il y a eu des appels au boycott — à l’instar de cette vidéo publiée il y a deux semaines sur YouTube et qui a récolté plus de 1,8 million de vues. Atomic Heart se retrouve ainsi au cœur d’un débat légitime.
Se pose la question des origines du studio Mundfish, officiellement installé à Chypre (un paradis fiscal pour beaucoup d’entreprises russes, doublé d’un moyen d’échapper à certaines sanctions au sein de l’Union européenne) mais bien né à Moscou — comme l’indique cet article d’Eurogamer publié le 17 février. Sur son site officiel, Mundfish se dit être « une équipe internationale de développeurs expérimentés ». Dans un tweet publié le 16 janvier, le studio a carrément dû confirmer son identité : « Nous avons noté vos inquiétudes concernant qui nous sommes, chez Mundfish. Nous tenons à vous assurer que Mundfish est un développeur focalisé sur le développement d’un jeu innovant et une organisation pour la paix et contre la violence. »
En parallèle, le compositeur Mick Gordon a indiqué qu’il a fait don de l’argent gagné avec Atomic Heart, tout en appuyant Mundfish : « Je crois qu’il est important de séparer les actions du gouvernement de celles des citoyens. Le jeu est un effort international, avec 130 développeurs provenant de 10 pays différents. Je respecte la créativité qui a émané du développement d’Atomic Heart. »
Si Atomic Heart est édité par Focus Interactive, entreprise française, Mundfish compte Gem Capital parmi ses investisseurs. C’est là où la frontière avec le gouvernement russe s’estompe : Gem Capital est un fonds d’investissement russe, lié à Gazprom (entreprise de gaz détenue en majorité par le pouvoir en place) — par son président Anatoliy Paliy. En prime, Atomic Heart est distribué en Russie via la plateforme VKPlay, l’équivalent de Steam intégré au réseau social VKontakte dont la maison-mère est… Gazprom. Les calculs sont donc vite faits : acheter Atomic Heart permettrait de remplir les caisses de la Russie et, par extension, de financer la guerre en Ukraine. D’où les levées de boucliers.
Sexisme et vulgarité
Dans Atomic Heart, le héros peut améliorer son équipement. Pour ce faire, il doit s’adresser à un frigo doté d’une intelligence artificielle prénommée Nora. Jusqu’ici tout va bien. Sauf que Nora nous répond avec une voix de téléphone rose et s’amuse à faire du rentre-dedans de mani§re extrêmement réifiante. Morceau choisi : « Mets-la-moi dans la fente » — comme le prouve cette série de tweets signée Pierre Crochart, journaliste pour l’Éclaireur Fnac. C’est profondément gratuit et inutile : le running gag finit par être très gênant.
D’autant que le personnage que l’on incarne a des comportements machistes et menaçant avec la pauvre Nora, qu’il menace de frapper physiquement — ce à quoi la voix répond que ça l’excite. En découlent des scènes invraisemblables qui renvoient à une piètre image des femmes, mais aussi des hommes, à l’image du protagoniste violent que l’on incarne.
À ce frigo sexualisé s’ajoute une obsession maladive pour tout ce qui fait penser à des vulves. Si on prête attention aux décors, on en voit partout. « Il y a même une mécanique de crochetage qui consiste à insérer les ‘câbles’ de son gant dans la ‘serrure’ pour la déverrouiller », indique Pierre Crochart, toujours avec des captures illustratives.
Et que penser de ces jumelles robots aux mensurations sexy qui prennent des poses lascives ?
Non content d’être bêtement sexiste, Atomic Heart se révèle par ailleurs d’une vulgarité rance. Comme le révèle Gauthier Andres, journaliste sur Twitch (ex-rédacteur en chef adjoint chez Gamekult) : « Personne ne veut d’un perso qui répond ‘fais chier’, ‘J’t’emmerde’, ‘Abrège’, ’On s’en fout’, ‘Quoi encore’ à chaque fois qu’on lui parle, surtout quand son gant parle. » Le héros va jusqu’à insulter gratuitement de simples portes et autres serrures. On devine l’entourloupe au bout de quelques minutes : les développeurs maquillent leur narration d’une pauvreté abyssale par une écriture choquante. Quand bien même tout ne serait que satyre, tout porte à croire qu’Atomic Heart va beaucoup trop loin pour ne pas se faire épingler. Surtout quand on additionne toutes les preuves susceptibles de l’accabler.
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