25 février 2022 : Bandai Namco lance enfin Elden Ring, qui allait devenir un véritable monument de l’année. Les faits parlent pour le jeu : un plébiscite unanime de la presse (10 sur 10, dans notre test), confirmé par un succès commercial fulgurant (20 millions d’exemplaires vendus en un an) puis par une rafle de prix à la cérémonie des The Game Awards (les Oscars du jeu vidéo). Mais, cette omniprésence médiatique, qu’aucun autre jeu n’a connue en 2022, ne dit finalement pas grand-chose sur l’empreinte laissée par Elden Ring dans l’esprit des joueuses et des joueurs ayant succombé à son appel.
Un an auparavant, j’osais écrire en titre : « La vie risque d’être fade après Elden Ring ». Bien évidemment, cette phrase n’est pas à prendre au premier degré. L’exagération servait surtout à montrer à quel point le jeu développé par FromSoftware allait marquer de nombreuses personnes. Même les réfractaires pouvaient difficilement passer à côté d’une production qui a vampirisé l’année 2022, et qui continue de le faire en 2023 à la moindre évocation d’une possible extension à venir (ou encore d’un clip hilarant).
Elden Ring sera-t-il le jeu de la décennie ?
Je me souviens encore des propos d’un ami qui, après avoir terminé Elden Ring, n’avait envie de lancer aucun autre jeu. Sa crainte était légitime : il avait alors peur d’être déçu que les expériences à venir ne soient pas à la hauteur, qu’elles manquent de ce souffle indescriptible. Il a comparé cette sensation à ce qu’il avait connu après avoir vu le dernier épisode de la série The Wire.
Je n’ai pas ressenti ce manque, pour la simple raison que mon métier ne s’y prête pas. Juste après Elden Ring, j’ai enchaîné des dizaines de jeux, en essayant au maximum d’occulter mon expérience grandiose ayant dépassé les 60 heures — une durée suffisante pour découvrir la quasi-intégralité des secrets. Assurément, cette digestion éclair est regrettable, quand on sait toutes les (belles) histoires liées à Elden Ring.
Car, oui, Elden Ring est davantage qu’un jeu vidéo. C’est un phénomène culturel fascinant qui a fait naître des héroïnes et des héros. Comment ne pas penser à Let Me Solo Her, passionné qui est devenu expert du combat face à Malenia (le boss le plus dur du jeu) après avoir été tant humilié ? Aujourd’hui, il est une figure de la communauté. De même, comment ne pas dédier quelques mots à MissMikkaa, streameuse dont les défis ont dépassé l’entendement. Son dernier fait d’arme ? Terminer deux parties simultanément, une avec ses mains (une manette), l’autre avec ses pieds (un tapis de danse).
Enfin, savez-vous que le record de speedrun, dans la catégorie Any% Glitchless (c’est-à-dire, faire le nécessaire pour voir la fin, sans utiliser de bug), est détenu par un Français répondant sous le pseudo Forsa ? Il a terminé Elden Ring en 58 minutes et 42 secondes. Encore aujourd’hui, il continue de réaliser des exploits en les partageant sur sa chaîne Twitch (plus de 15 000 abonnés). « Le tryharder le plus chill de Twitch. Speedruns et challenges sans jamais s’énerver ! », indique-t-il dans sa courte biographie. En toute franchise, je l’ai souvent regardé pour prolonger le plaisir d’avoir vécu Elden Ring, alors que je ne pouvais plus y jouer.
À une échelle plus anonyme, il faut rendre hommage à toutes ces joueuses et à tous ces joueurs qui se sont cassés les dents sur les précédentes productions de FromSoftware et qui n’ont pas abandonné Elden Ring. C’est certainement la plus grande réussite du jeu : abattre des barrières qui paraissaient inaccessibles à certains, jusqu’à permettre aux concernés d’en sortir meilleurs et de relancer la trilogie des Dark Souls en étant plus armés. Une forme de revanche sur la vie, qui renforce le statut d’Elden Ring — celui d’être un incontournable, capable d’offrir des accomplissements comme aucune autre expérience.
Il faut bien se rendre compte la place d’Elden Ring, en tant que jeu vidéo. FromSoftware aurait pu se compter de faire un quatrième Dark Souls, toujours plus beau et ambitieux, et une horde de fan aurait été comblée. C’était sans compter la volonté du studio japonais de transposer son savoir-faire dans une structure plus ouverte et étendue — comme a su le faire Nintendo avec The Legend of Zelda: Breath of the Wild.
Le risque était immense, et la réussite n’en est que plus belle. À aucun moment, FromSoftware ne se trahit dans Elden Ring, qui conserve toujours en lui cette part d’exigence qui conduit à se surpasser. Ou encore, cette narration cryptique, où le moindre ennemi, même en apparence insipide, a quelque chose à raconter si l’on prend la peine de creuser. La réussite implacable d’Elden Ring tient aussi dans les détails invisibles, susceptibles de passionner des mois après — à l’image de ces harpies détestables qui, en réalité, chantent une chanson triste.
Quel avenir pour Elden Ring, en-dehors des souvenirs mêlant bonheur et douleur ? Nous sommes légion à désirer une extension, qui représenterait le sens de l’histoire au regard des habitudes de FromSoftware. Mais, dans le même temps, personne n’en voudrait aux développeurs japonais de passer à autre chose. Pour ma part, le deuil des heures accordées aux balades dans l’Entre-Terre est fait. Je serais bien évidemment heureux d’y retourner, puisque Elden Ring fut autant un événement, un rendez-vous, une (re)découverte, une passion qu’un crève-cœur. Il ne faut jamais oublier une chose : les cendres demeurent quand la flamme s’éteint.
Merci pour tout Elden Ring, et joyeux anniversaire.
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