Bienvenue au sein du complexe 3826. On est en juin 1955 et dans une réalité alternative, l’URSS inaugure aujourd’hui Kollektiv 2.0 — un réseau neuronal qui connecte des milliers de robots à travers le pays. Une avancée technologique majeure, qui permettrait même aux humains de contrôler les machines et d’accéder à un niveau de connaissance que personne n’osait envisager jusque-là. Évidemment, les choses tournent mal et en pleine cérémonie d’inauguration, les robots se mettent à tuer tout le monde. La tuile. Fort heureusement, le brun barbu de service est là. C’est notre héros, un soldat surentraîné nommé Sergei Nechaev, qui va devoir stopper la rébellion des robots moustachus et sauver le monde.
Cela saute aux yeux dès le premier contact : Atomic Heart sait faire parler ses décors. Loin d’être un foudre de guerre technique, il enchaîne toutefois les bonnes idées de mise en scène. Il nous balade d’un bâtiment à l’autre pour nous faire visiter un vaste complexe à l’architecture opulente, en s’arrangeant toujours pour nous faire suivre un parcours bien balisé à travers des halls majestueux, un vaste réseau de tunnels ou des laboratoires dernier cri. Si le premier ressenti est si bon, c’est surtout parce que le jeu a su parfaitement cerner les codes de BioShock pour les adapter à sa dystopie soviétique. On a souvent l’impression de jouer au même jeu, et c’est une filiation qui se fait sentir tout au long de l’aventure. Malheureusement, ce sentiment s’estompe assez vite.
Dès qu’il nous largue dans son monde ouvert et nous force à tabasser des boîtes de conserve pour la première fois, Atomic Heart présente un système de combat basé sur les armes à feu, la mêlée et des pouvoirs. Ces derniers s’utilisent de la main gauche et rappelleront d’ailleurs aux plus attentifs les Plasmides du FPS d’Irrational Games. Sur le papier, c’est toujours une bonne idée de proposer des alternatives aux pétoires et de glisser un peu de variété dans les affrontements. Le souci ici tient dans le fait que ces trois socles sur lesquels s’appuient les combats ne communiquent pas assez entre eux. On utilise les pouvoirs de façon ponctuelle pour exploiter la faiblesse d’un ennemi. On passe à l’arme de corps à corps seulement quand on manque de munitions. Et, bien souvent, on se rabat sur la première arme à feu à disposition pour éliminer les ennemis sans trop se poser de question.
Atomic Heart est garanti sans atomes artificiels
On passe pourtant un temps fou à taper des trucs et à tirer sur des machins dans Atomic Heart, quand une caméra nous repère et que le système d’alarme du complexe décide d’envoyer des dizaines de robots vers notre position. Chaque nouvelle salle découverte est un prétexte à y affronter des robots humanoïdes, des drones armés, des scies circulaires avec des jambes ou des humains zombifiés par des plantes. Le jeu déborde d’ennemis et ne lésine jamais sur la quantité, au point parfois de submerger le héros sous une vingtaine d’adversaires à affronter en même temps. C’est marrant cinq minutes, mais, pendant vingt heures, c’est juste épuisant.
Cela ne poserait pas de souci dans un jeu nerveux, justement pensé pour faire face à autant d’ennemis, mais ce n’est pas vraiment le cas dans le FPS de Mundfish. C’est terriblement mou. Les déplacements du héros sont d’une imprécision assez flagrante, et la lenteur des animations (la roulade et le saut, notamment) renforce le sentiment de subir les combats en permanence. En vérité, ce ne sont généralement pas les ennemis qui représentent la plus grande menace : si on meurt autant de fois, c’est bien souvent parce qu’on met trop de temps à se relever d’une chute, qu’on reste bloqué dans un élément de décor ou parce que les collisions avec les ennemis transpirent l’approximation. Atomic Heart n’entre pas dans la catégorie des jeux de tir qui répondent au doigt et à l’œil. Il donne plutôt l’impression d’incarner un personnage lourd et pataud, qui n’est pas du tout adapté à son environnement.
Lorsqu’on ne passe pas son temps à faire des clés de bras à des boîtes de conserve sur pattes, on peut s’adonner aux autres activités offertes par le monde ouvert. Hélas, elles ne surprendront que celles et ceux n’ayant pas lancé un jeu vidéo depuis 2012. On a vraiment la sensation de se retrouver en face d’un titre qui coche toutes les cases de ce qu’on doit trouver dans un jeu vidéo moderne : du crochetage, de la fabrication d’objets, du piratage, un arbre de compétences et même de la conduite — puisqu’il est possible de récupérer des voitures pour se déplacer jusqu’à son prochain objectif.
Aïe, Robot
Une volonté de tout faire, comme s’il fallait impérativement remplir son jeu de systèmes et de mécaniques dans l’espoir de lui faire gagner en densité. L’architecture des niveaux d’Atomic Heart a l’air de vouloir danser sur tous les tableaux, et cache dans son monde ouvert une aventure linéaire qui s’appuie sur des codes vieillissants. L’exploration n’est même pas aussi libre qu’on pourrait le penser, puisqu’on passe son temps à carapater vers le prochain marqueur d’objectif pour récupérer des bouts de robots, des clés ou des échantillons, ou encore ouvrir des portes scellées par un verrou.
On arrive quelque part et là, surprise, il faut en fait rebrousser chemin pour aller récupérer des objets à quatre endroits différents, se coltinant au passage des séquences de plateforme abominables et des ennemis par dizaines. Cela en devient tellement risible que même Sergei, le héros, devient très vocal quand il croise un nouveau verrou ou quand on le force à grimper quatre étages pour aller ouvrir une porte. Mais devinez quoi : se moquer des défauts de son jeu ne suffit pas à les rendre moins pénibles. Si le jeu se gargarise de ses vingt-cinq heures de contenu, ce n’est pas par pure générosité. Atomic Heart ne foisonne pas de contenu, il est juste trop long et gonfle sa durée de vie avec des obstacles et des quêtes FedEx éreintantes.
Sinon, c’est quand même sacrément beau, et il y a des choses qui fonctionnent dans l’ambiance, alors on serre les dents. On se dit que ce n’est qu’un mauvais moment à passer, croisant les doigts pour que l’histoire relève le niveau. Hmm : c’est peut-être le moment d’évoquer la qualité d’écriture d’Atomic Heart, en parlant de ses frigos en chaleur, de ses dialogues vides de sens et de l’hypersexualisation de ses robots qui tranche sévèrement avec le reste.
Pour une raison qu’on peine encore à expliquer, le jeu multiplie les allusions graveleuses dans la représentation de ses machines. Dès le début de l’aventure, on fait la connaissance d’un frigo qui devient conscient et enchaîne les répliques de téléphone rose en menaçant d’abuser sexuellement du héros. Peu de temps après, on réalise que les verrous de certaines portes ont une forme plutôt… suggestive, que les dialogues forcent la vulgarité en permanence et que certains robots servent juste à se rincer l’œil.
Les cinématiques ne s’en cachent même pas : certains plans insistent grassement sur les formes et la poitrine de robots féminins pendant plusieurs minutes, et il arrive que de longues séquences mettent en scène ces mêmes robots qui se cambrent et utilisent des poses sexy pour récupérer une clé et ouvrir une porte. Le scénario dystopique d’une URSS où les robots se rebellent ne brille déjà ni par son originalité ni par sa finesse. Mais les espoirs de trouver en Atomic Heart un jeu intelligent sont anéantis par la grossièreté de ses dialogues et son goût prononcé pour le sexe — qu’il étale sans même essayer de s’en cacher.
Une mise en garde finale s’impose, et elle concerne l’état technique du jeu. Il faut saluer l’inventivité avec laquelle Atomic Heart présente ses bugs. Il nous est arrivé de rester bloqué dans un ascenseur qui ne s’ouvre jamais ou de voir une voiture s’élancer dans les airs pendant qu’on la conduit, quand ce n’est pas le jeu qui plante lorsqu’on déplace des objets dans son inventaire. La mise à jour déployée à la sortie n’a réglé qu’une partie de ces problèmes, et le FPS de Mundfish a encore un petit bout de chemin à faire avant d’être exempt de problèmes techniques.
Le verdict
Atomic Heart
Voir la ficheOn a aimé
- La folle architecture des environnements
- Très bonne sélection musicale, et un Mick Gordon en pleine forme
- C’est joli
On a moins aimé
- C’est sacrément mou et imprécis
- Gonfler la durée de vie avec des quêtes épuisantes
- Le mauvais goût dans l’écriture et les dialogues
Les fans invétérés de BioShock ont les crocs, on les comprend, et ils pourraient voir en Atomic Heart l’espoir de revivre des sensations oubliées depuis trop longtemps. Qu’ils soient cependant prévenus : si le FPS de Mundfish s’en inspire grassement et parvient à offrir des premières heures loin d’être désagréables, le soufflet retombe très vite quand on réalise que, derrière ses inspirations et sa décadence visuelle, Atomic Heart est surtout un jeu de tir très moyen, qui ne brille ni par son écriture, son design ou les sensations de son gameplay.
Un titre beaucoup plus générique qu’il ne le laisse penser, et qui passe plus de temps à ennuyer qu’à émerveiller.
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