Comme tous les ans depuis 1986, le Palais des Festivals de la ville de Cannes s’est transformé, le temps d’un week-end prolongé (du 24 au 26 février 2023), en un immense terrain de jeu. Pour la première fois, Numerama s’est rendu au Festival International des Jeux (le « FIJ », de son petit nom). Et, même si c’est trop tard pour cette année, on vous explique pourquoi vous devriez y aller l’an prochain, à qui il se destine, et ce que vous pourrez y faire.
Nous avons bien entendu essayé de nombreux jeux, mais vous les présenterons plus tard dans nos chroniques habituelles.
45 000 m² dédiés au jeu
L’équivalent de presque sept terrains de football, réparti en plus de 300 stands dédiés au jeu sous toutes ses formes : jeux de société, évidemment, mais également jeux de rôles, jeux de figurines, quelques wargames, un peu de grandeur nature. Mais, pas de jeux vidéos (ou alors, nous sommes passés à côté).
Des centaines de tables (des milliers sans doute…) prêtes à accueillir les visiteurs. Cerise sur le gâteau : pas besoin de connaître ou de lire les règles, puisque des animateurs sont là pour vous les expliquer. Quelques boutiques vous permettent d’acheter vos découvertes sur place pour y rejouer ensuite au calme chez vous.
Et, des jeux, il y en a pour tous les goûts. Du petit jeu d’ambiance qui s’explique et se joue en quelques minutes, jusqu’au gros mastodonte bien compliqué qui fait fumer les neurones. Dans ce dernier cas, il est généralement proposé de ne jouer que quelques tours, pour permettre à un maximum de monde de s’y essayer. Certains éditeurs proposent même de participer à des tournois.
Cette diversité se retrouve également chez les exposants. Les leaders du marché (Asmodee et Blackrock en tête) côtoient les petits éditeurs indépendants, voire des amateurs qui présentent leurs inventions pour la première fois au public. On tombe alors parfois sur de bonnes surprises, et parfois sur des idées un peu plus… avant-gardistes.
Évidemment, les enfants ne sont pas oubliés, et tout un étage leur est dédié. C’est même le plus joli de tous, avec des décorations et des jeux en version géante qui donnent très envie (Puissance 4, Docteur Maboul, etc.). C’est aussi, on s’en doute, le plus bruyant (mais pas tant que ça).
Au gré des stands, on passe par tout le spectre de jeux possibles. Jeux traditionnels (échecs, dames…), grands classiques de supermarché (Monopoly…), gros succès des jeux contemporains (Les Aventuriers du Rail, Catan…), nouveautés à peine sorties, jeux qui arrivent en boutique dans quelques semaines ou mois, parfois même pas tout à fait finalisés. Et, évidemment, les nommés et lauréats des As d’Or-Jeu de l’Année. Bref, il y en a pour tous les goûts. Rassurez-vous, malgré la dénomination « International » dans le nom du festival, tous les jeux et toutes les explications se font en français.
Certaines tendances se dégagent : les jeux autour de la thématique de la nature, les jeux d’enquête, les roll & write qui ont toujours le vent en poupe, etc. Mais, l’offre est tellement vaste que toutes les mécaniques, tous les styles et toutes les thématiques sont possibles.
Bien sûr, jouer c’est chouette, encore faut-il trouver de la place…
L’enfer, c’est les autres
Et, des autres, il y en a beaucoup au FIJ. Énormément. Avant d’entrer dans le site, de longues files d’attente mettent votre patience à l’épreuve, surtout si vous venez dès l’ouverture. À mesure que la matinée avance, ces files s’amenuisent, puis disparaissent. Attention aux lève-tard : le festival était complet pour le week-end et a dû refuser des entrées pour des raisons évidentes de sécurité dès le samedi en fin de matinée.
Une fois à l’intérieur, les tables sont prises d’assaut. Mieux vaut ne pas hésiter si vous en voyez une de libre, même si ce n’est pas le jeu que vous vouliez découvrir qui y est présenté. De la même manière, séparez-vous en petit comité de deux ou trois personnes, pour trouver plus facilement une opportunité de jouer.
Bref, la patience est de mise, autant dedans que dehors. C’est le seul point noir du festival. Ce dernier est victime de son succès, malgré l’augmentation de la surface allouée d’année en année, et la monétisation des entrées pour les adultes en 2023. Cela n’a pas suffi à réfréner l’enthousiasme des visiteurs.
Le festival a ainsi enregistré 73 000 entrées sur les trois jours. Les années précédentes, elle oscillait aux alentours des 100 000 visiteurs, parfois même plus avant l’apparition du covid. Cela en fait la manifestation ludique la plus importante de France, et l’une de ses grandes manifestations culturelles, tous domaines confondus.
Vous voilà prévenus : si vous comptez vous y rendre l’an prochain, procurez-vous les billets à l’avance, privilégiez le vendredi (légèrement moins bondé que le week-end), et campez devant les portes dès que possible. Et, imprimez (ou tatouez-vous) le plan des lieux.
Un succès lié à celui du secteur ludique
Le succès du festival est évidemment lié à celui du secteur ludique dans son ensemble. Pour qui n’est pas au fait de la chose, de telles affluences peuvent étonner. Les chiffres parlent pourtant d’eux-mêmes, surtout en France, leader européen du secteur, et n’ont pas à rougir face aux autres domaines culturels. Oui, le jeu de société est bien une activité culturelle (a minima de la pop culture), même si les hautes instances étatiques tardent à légiférer sur le sujet.
En France, le chiffre d’affaires atteint presque 600 M €, devant ses homologues allemands et anglais. Plus de 33 millions de boîtes de jeux de société s’y sont vendus en 2022 (90 000 par jours !), et presque 1 000 nouveaux jeux sortent chaque année.
Le succès des jeux de société n’est que trop rarement médiatisé (en dehors des marronniers, souvent surannés d’ailleurs, des fêtes de fin d’année). Pourtant, les ténors du milieu ne sont pas en reste face au secteur littéraire (Goncourt en tête) ou discographique. Vous voulez des exemples ? Les Aventuriers du Rail, 15 millions d’exemplaires vendus depuis 2004. Dixit, 12 millions depuis 2009. Etc.
Du jeu, mais pas que
Même si, soyons honnêtes, l’immense majorité du public vient pour jouer et découvrir des jeux, le festival propose d’autres activités tout du long.
Loisirs créatifs pour les plus petits, expositions (illustratrices françaises mises à l’honneur, grands succès adaptés aux enfants, histoire de l’As d’Or en bande dessinée…), conférences (intelligence artificielle, narrative design, la recherche au service du jeu…), il y a de quoi s’occuper en faisant une petite pause.
Jusqu’à 4 h du matin, les « Nuits du Off » ont une saveur particulière. Des centaines de créateurs en herbe présentent leurs créations sous forme de prototype. Un plateau dessiné à la main sur un morceau de carton, des cartes découpées aux ciseaux, des pions disparates récupérés ici et là. À perte de vue, des tables bondées d’auteurs qui expliquent et font jouer leurs jeux à des curieux, et, avec un peu de chance, à un éditeur qui déciderait de le publier.
Enfin, et pour être tout à fait exact, le festival ouvre déjà ses portes avant le vendredi (première journée dédiée au grand public). Le jeudi est réservé aux professionnels (journalistes, influenceurs, ludicaires, associations…). Et, dès le lundi, 1400 compétiteurs d’une quarantaine de nationalités participent à des tournois de jeux classiques (principalement échecs, Scrabble et dames), dans des salles pleines, mais au silence quasi religieux.
Rendez-vous en 2024
Il existe des dizaines de festivals ludiques organisés partout en France tout au long de l’année. Que vous soyez amateurs, passionnés, ou totalement novices, on ne peut que vous encourager à y faire un tour. Pour découvrir des jeux. Pour rencontrer d’autres joueurs, des auteurs, des illustrateurs. Pour découvrir une activité dont on ne devine pas l’étendue quand on connait seulement les éternels classiques qui bordent les étals des supermarchés. Parmi les festivals les plus connus, citons ceux de Paris, de Toulouse, de Parthenay ou d’Orléans.
Le FIJ, c’est tout ça, poussé à son paroxysme. Avec les quelques problèmes d’affluence cités plus haut. Tout le secteur francophone s’y rassemble pendant trois jours. Largement pas assez pour les visiteurs qui souhaitent tout découvrir, mais chacun à de quoi y trouver son compte. Si le temps et le budget vous le permettent, on vous suggère d’y aller, au moins une fois, pour comprendre l’étendue du phénomène.
Si vous y étiez, n’hésitez pas à partager vos découvertes, mais aussi vos déceptions !
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