Le futur sera jaunâtre et suffocant, si l’on en croit Extrapolations, dont les trois premiers épisodes sont sur Apple TV+ ce vendredi 17 mars. Tant dans ses défauts que dans ses qualités, comme dans sa narration d’ensemble, cette nouvelle production d’Apple TV+ est la série de l’urgence climatique made in 2023. Signée Scott Z. Burns (Contagion), elle se présente sous la forme d’une anthologie cohérente de huit épisodes qui glissent progressivement d’un avenir proche à lointain : 2037, 2046, 2047, 2059, 2066, 2069, 2070.
Extrapolations ne se destine pas tant à prédire le futur qu’à imaginer un avenir possible parmi d’autres. Le pire d’entre eux, cependant : celui où le réchauffement climatique ne parvient pas à être contenu, celui où l’humanité ne réagit pas assez — et pas assez vite –, celui où l’écologie ne parvient jamais pleinement à surpasser la mainmise du capitalisme technologique sur la marche du monde.
Cette série n’est pas celle d’une fuite en avant dans laquelle l’humanité serait simple passagère : la question du choix est centrale. Cette subtilité narrative n’est totalement révélée qu’à partir de l’épisode 4, qui met les pieds dans le plat de la géo-ingénierie. Cette méthode, très contestée aujourd’hui par les scientifiques, consisterait notamment à projeter des particules dans l’atmosphère pour modifier le climat dans un sens favorable. Mais les conséquences restent inconnues, imprévisibles, et peut-être contreproductives. C’est ainsi qu’Extrapolations cherche finalement à établir la démonstration d’une humanité qui ne parvient pas réellement à sortir d’un solutionnisme technologique.
Le futur d’Extrapolations est brûlant
Construite comme Black Mirror, narrée à la Years & Years, il faut bien admettre qu’Extrapolations est angoissante. La série de Scott Burns imagine un futur où les températures augmentent largement au-dessus de 2 degrés, déclenchant un nombre conséquent d’effets néfastes : des inondations et des incendies immenses, des déplacements de population par dizaines de milliers, des pics de chaleur mortels, une nouvelle maladie liée aux canicules, une sixième extinction de masse en accélération. Extrapolations fait le tableau croissant de métamorphoses complètes à l’échelle sociale en raison de ces dérèglements : de nouvelles règles, de nouveaux référentiels, qui viennent s’ajouter à des technologies en évolution rapide. C’est un monde brûlant, une fournaise, que l’on ne reconnaît plus, mais qui semble pourtant similaire.
On pourrait bien sûr reprocher à Extrapolations son manque d’échappatoires. Elle officie comme une injection supplémentaire — et alarmante — à notre écoanxiété. C’est peut-être d’ailleurs son principal défaut, tant elle paraît oublier les métamorphoses intergénérationnelles actuelles. On peine à croire que la jeunesse d’aujourd’hui, si touchée et militante quant à l’urgence climatique, si demandeuse de nouvelles utopies, puisse adopter le cynisme résolu d’une partie des personnages d’Extrapolations. C’est une œuvre qui, humainement, socialement, adopte des schémas presque périmés à son futur possible.
Ce ne serait toutefois pas faire justice à Extrapolations que de la résumer au statut d’œuvre déprimante sur notre avenir. D’abord, parce qu’elle construit une véritable critique des temps présents en imaginant, justement, ce que serait un statu quo passif. Elle s’adresse, justement, aux générations actuellement en capacité d’agir — rappelons que la COP26 fut en partie décevante. Elle dénonce, justement, les « adultes » capricieux d’autrefois et d’aujourd’hui qui, non content d’avoir saccagé le monde, n’ont pas la lucidité d’esprit de changer quoi que ce soit à cet état d’esprit.
Extrapolations est une œuvre assez brutale dans son miroir du rapport collectif, politique, actuel, au changement climatique. Elle a cependant le bon goût de distiller des notes d’espoir, des éclairs d’amour, dans des comportements humains salvateurs à l’échelle individuelle : « Il fait trop chaud pour haïr qui que ce soit », déclame ainsi un personnage, dans l’épisode 3. Comme le second épisode, ancré autour d’une biologiste établissant une communication inter-espèces, fait preuve d’une forme de poésie subversive.
Sans parvenir à déclencher la même émotion que Years & Years, qui était plus intimiste et intense, Extrapolations prend tout de même aux tripes comme panorama anxieux de notre avenir climatique partagé. Elle fait un acte intelligent de science-fiction en montrant, en long, en large, en travers, un futur dont on ne veut pas. Elle pêche cependant par manque d’utopie — bien que celle-ci soit parfois cachée dans des étincelles d’humanité –, ce qui n’est franchement pas un remède pour nos santés mentales en burnout solastalgique.
En tout cas, on ne peut que saluer Extrapolations en tant que geste artistique, réussi, d’une œuvre traitant si frontalement du changement climatique sous forme de série TV.
Le verdict
Extrapolations
Voir la ficheOn a aimé
- Mise en scène aux petits oignons
- Anticipation critique du statu quo face à l’urgence climatique
- Une forme anthologique intéressante, inédite, sur le climat
- Casting impeccable
On a moins aimé
- Angoissant, pas merci pour notre écoanxiété
- Déprimant, pas merci pour nos espoirs
- Un peu mou parfois malgré une belle mise en scène
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