Je pense que j’ai toujours été un fan de Mario. Je dévorais les jeux sur Game Boy. J’ai relancé au moins mille fois Super Mario World sur Super Nintendo. Je suis capable de défendre le mal-aimé Super Mario Sunshine. Et je pourrais vous prouver par A+B que le meilleur jeu du catalogue de la Nintendo Switch est Super Mario Odyssey (désolé pour les fans de The Legend of Zelda: Breath of the Wild). Mais quand j’étais jeune, la seule adaptation au cinéma à laquelle j’ai eu droit est l’immonde film live-action de 1993. Imaginez alors la taille des étoiles qui sont nées dans mes yeux quand j’ai vu les premières images de Super Mario Bros. Le Film, réalisé par Illumination (Les Minions).
C’est donc dans la peau d’un aficionado assumé, prêt à tout pardonner, que je me suis rué au cinéma pour découvrir le long métrage d’animation, au milieu d’enfants (la fameuse séance du mercredi après-midi). Aujourd’hui, j’ai 35 ans et je dois avouer que même le moi de 10 ans aurait difficilement apprécier le spectacle. À mesure que le temps défile, le constat devient trop vite évident : ce Super Mario Bros. Le Film n’est hélas qu’un empilement de références tape-à-l’œil. Un magnifique ouvrage dont les qualités visuelles sont proportionnelles à la vacuité de l’écriture. À tel point que j’aurais préféré me contenter des bandes-annonces.
Super Mario Bros. Le Film est magnifiquement vide
Quid de Chris Pratt ?
Numerama a vu le film dans sa version française. Nous ne sommes donc pas en mesure de juger la performance vocale de Chris Pratt (Mario en VO), critiquée avant la sortie.
Visuellement, il sera difficile d’attaquer Super Mario Bros. Le Film. Comme on l’a déjà dit dans ces colonnes, on rêverait de pouvoir jouer à un jeu Mario avec un rendu visuel similaire. On sent que le studio Illumination a voulu en mettre un maximum. Il le fait avec une générosité implacable et un savoir-faire inouï.
Super Mario Bros. Le Film est époustouflant, remplissant constamment l’écran de détails, d’easter eggs et d’hommages. Il ressemble au book animé d’un artiste amoureux transi de Mario qui rêverait de se faire embaucher par Nintendo. Certains tableaux donnent des frissons et feront fantasmer les plus observateurs. Quand le film de 1993 accumulait les trahisons, celui de 2023 ne fait que délivrer du fan service. Mais il ne parvient pas à se libérer du poids de sa narration d’un vide abyssal.
En effet, Super Mario Bros. Le Film est au film d’animation ce qu’est la ratatouille au livre de cuisine : un mélange de saveurs et de couleurs susceptible de provoquer l’indigestion. Loin de moi l’idée de critiquer la ratatouille, mais ce n’est pas un plat complet et personne n’a envie d’en manger une casserole entière. Le fait est que Illumination et Nintendo ne cherchent jamais à digérer tout ce que la mythologie de Mario a à offrir pour n’en sortir que le meilleur. Pire, ils compilent en un peu moins d’1h30 plus de 30 ans de carrière d’un héros qui en a vu d’autres. Dans ces conditions, il est difficile de trouver une once de cohérence dans le (grand) spectacle proposé. Nintendo doit apprécier cette ode à son imagination — d’aucun diraient cette publicité géante à peine déguisée. Mais l’entreprise doit se sentir bien seule.
Derrière la fidélité visuelle, à souligner, Super Mario Bros. Le Film se contente de si peu. Entre les séquences qui fonctionnent, c’est-à-dire celles qui sont directement reprises des jeux vidéo, la sauce ne prend pas. La faute, d’abord, à un manque de liant narratif : on a l’impression de passer d’une partie de Donkey Kong à une course de Mario Kart sans aucune transition. La faute, aussi, à des références un peu trop appuyées à ce que n’est pas Mario (Rocky, Mad Max et même La Reine des neiges) — quand on n’a pas d’idées, on pique aux autres. La faute, enfin, à des gags qui font plouf, tant ils ne sont que recyclage quand on a vu trois films d’animation dans sa vie.
Au moins pourra-t-on reconnaître au récit sa volonté d’être un peu plus moderne dans sa représentation de la princesse. Pour une fois, ce n’est pas Peach qui a besoin d’aide, mais Mario. C’est osé, quand on connaît l’héritage des jeux Mario. Cette liberté est malheureusement le seul trait d’audace à pointer.
La pauvreté de l’intrigue de Super Mario Bros. Le Film était-elle inévitable ? Pour sa défense, les jeux n’ont jamais rien raconté de grandiose. Néanmoins, la force d’une adaptation digne de ce nom est normalement de savoir tirer d’une œuvre colossale ce petit truc sur lequel rebondir avec créativité. C’est ce que ne fait jamais le film, qui ne cherche ni à être drôle (l’audience de ma salle, pourtant jeune, a si peu rigolé, et jamais aux éclats) ni à s’habiller d’autodérision pour faire ce pas de côté risqué, mais salutaire. Ce que d’autres — les films Sonic et Lego, dans le même genre — font avec beaucoup de justesse et d’intelligence. Super Mario Bros. Le Film se rêvait sans doute en film familial à force de faire rêver avec ses jolies images, il mérite seulement de se prendre une carapace bleue en pleine tête avant la ligne d’arrivée. « Game over, Mario », comme le dit si bien Bowser.
Le verdict
Super Mario Bros. Le Film
Voir la ficheOn a aimé
- Visuellement époustouflant
- Du fan service en veux-tu en voilà
- La meilleure pub pour Nintendo
On a moins aimé
- Un vide narratif abyssal
- Généreux dans l’excès
- Où est passé l’humour ?
La douche est tellement froide. Elle est même glacée. Alors que Super Mario Bros. Le Film avait tout de l’adaptation rêvée, il se contente d’une forme généreuse pour à peine masquer son manque de fond. Ode à l’œuvre de Nintendo, il en oublie d’être un film dans ce qu’il a de plus noble et de plus cohérent.
D’une génération débordante pour donner vie au Royaume Champignon, Illumination tombe hélas dans l’excès. Et ce qui apparaît comme une merveilleuse vitrine sur plus de 30 ans d’histoire devient vite insignifiant. Mario, le plombier moustachu, méritait mieux. Et à force de fuir de partout, cette nouvelle aventure se conclut en une immense noyade.
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