Il existe peu de livres aussi puissamment réparateurs que Wild, le récit de voyage signé Cheryl Strayed. Le film qui en était tiré, en 2014, condensait à merveille les 600 pages de l’ouvrage en une proposition cinématographique aussi belle que touchante. « Si ton Courage te fait défaut, dépasse ton Courage » : on se souvient encore de Reese Whiterspoon, dans le rôle de Cheryl, lâchant ce poème d’Emily Dickinson après plusieurs centaines de kilomètres parcourus dans le wilderness de la côte ouest américaine, à bout de nerfs.
L’héroïne de Tiny Beautiful Things est également à bout de souffle, épuisée par sa propre vie, fatiguée par ses propres décisions, accablée par le regard des autres sur ce qu’elle devrait être. Cette série, dont la diffusion a démarré ce 7 avril sur Disney+, est une fictionnalisation des chroniques de Cheryl Strayed. Dans une colonne baptisée « Dear Sugar », l’écrivaine et journaliste livrait, sous pseudonyme, des conseils sur la vie et l’amour aux lecteurs et lectrices qui lui écrivaient.
L’adaptation remplace cette fois-ci Cheryl par le personnage inventé de Clare, interprétée par Kathryn Hahn (quand Clare a la quarantaine) et Sarah Pidgeon (quand elle a la vingtaine). Lorsqu’elle se voit confier cette chronique récurrente, sa propre vie est en déroute. Sa fille la déteste et, alors en thérapie de couple avec son époux, elle a temporairement dû quitter le foyer familial — raison pour laquelle sa fille la déteste encore plus. Côté profession, elle se contente d’un job dans l’administration d’une maison de retraite, quand elle rêve de bien plus, elle qui était autrefois une écrivaine en herbe pleine de promesses. N’ayant pas trouvé d’appartement après la séparation avec son mari, elle dort secrètement dans la chambre d’un patient.
Pour couronner le tout, on ne peut pas dire que Clare ait un tempérament fluide : s’il y a une mauvaise décision à prendre, il y a de fortes chances qu’elle la prenne. C’est un personnage totalement chaotique, et voilà étrangement ce qui fait tout l’intérêt de Tiny Beautiful Things.
Tiny Beautiful Things parle de compassion
Mais comment venir en aide aux lecteurs et aux lectrices lorsque votre propre vie ne ressemble pas à un « modèle » ? C’est bien là le cœur narratif de Tiny Beautiful Things : une vie n’est pas un modèle. Car si une question obsède Clare au point de la détruire de l’intérieur, « comment ai-je pu m’éloigner à ce point de la personne que je voulais être ? », elle réalise qu’elle est loin d’être la seule dans cette situation. Dans sa rubrique, un conseil de vie n’est autre que l’expression d’une empathie dénuée de jugement.
Résultat, Clare s’engage non pas sur un chemin de rédemption, mais sur un chemin de mieux-être : pour améliorer sa vie comme elle l’entend, elle embrasse d’une certaine façon le chaos, elle accepte peu à peu de devoir lâcher prise. Elle utilise les ruines de sa vie pour aider les autres, pour leur parler de cœur à cœur sans barrières. Au lieu d’être simplement la somme de ses peines et de ses déceptions, elle essaye d’y trouver du sens, et c’est la compassion qui en est le véhicule.
Tiny Beautiful Things n’est toutefois pas une œuvre pleinement réparatrice. Elle ne fait pas non plus particulièrement de bien, comme ce serait le cas pour d’autres séries abordant la santé mentale — à l’instar de la magnifique Shrinking. Tiny Beautiful Things adopte un autre parti pris, celui de la catharsis, d’une sorte de défouloir émotionnel où tout part à vau-l’eau. Cette mise en scène repose trop souvent sur une emphase artificielle, jusqu’à réduire quelque peu les émotions que l’on pourra ressentir. Sur les 8 épisodes de la saison, la série se veut par ailleurs assez statique dans l’évolution de Clare, là où on aimerait davantage l’accompagner sur une forme de chemin évolutif.
Ce n’est pas forcément ce que l’on en attendait sur le papier et la série n’a pas la force du film Wild. Mais les deux interprètes de Clare — Kathryn Hahn et Sarah Pidgeon (plus surprenante encore) — donnent une âme à Tiny Beautiful Things, une approche débridée des émotions, qui fait souvent mouche.
Tiny Beautiful Things, à partir du 7 avril sur Disney+
Le verdict
Tiny Beautiful Things
Voir la ficheOn a aimé
- Kathryn Hahn et Sarah Pidgeon, sans filtres, touchantes
- Une série sur la compassion
On a moins aimé
- Un peu fouilli dans sa narration / mise en scène
- La série ne remplit pas totalement sa promesse
Tiny Beautiful Things est la chronique d’une femme qui décide ne plus être la somme de ses peines et de ses déceptions ; et ce faisant, d’aider les autres à partir de sa propre expérience. Série cathartique, généreuse, chaotique (parfois un peu trop), cette fictionnalisation des lettres de Cheryl Strayed en « Dear Sugar » touche droit au cœur, sans oublier l’humour. On le doit à l’interprétation débridée de Kathryn Hahn, mais aussi de Sarah Pidgeon, peut-être plus surprenante encore que Kathryn Hahn dans sa capacité à nous toucher. On aurait simplement aimé que la série nous fasse davantage du bien, comme Wild autrefois, là où Tiny Beautiful Things relève plus d’un constat que d’un chemin.
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