Le Copyright Madness revient cette semaine sur une opération ayant acheté d’un seul coup plus de 37 000 sites pour contrefaçon, un troll des brevets qui revendique la paternité sur le HTTPS et un bien curieux canular d’un DJ. Bonne lecture, et à la semaine prochaine.
Copyright Madness
Présomption d’innocence. En Finlande, un père de famille a eu la mauvaise surprise de recevoir un courrier de la part de représentants des ayants droit de la musique, lui reprochant d’avoir téléchargé plusieurs milliers de fichiers musicaux depuis la connexion de son foyer, le menaçant d’amendes et de procès. Après un moment de panique où il a cru que son fils était en cause, l’homme — qui travaille dans l’informatique — a pris le temps de vérifier soigneusement et s’est rendu compte au bout de nombreuses heures que l’adresse IP signalée par les ayants droit n’était pas la sienne ! Il a donc pu faire valoir son innocence, mais comme bien souvent dans ces affaires de piratage, le plus scandaleux est le renversement de la charge de preuve qu’elles impliquent.
Hécatombe. Cette semaine, les autorités fédérales américaines ont procédé à la fermeture de 37 479 sites web (oui, vous avez bien lu) accusés de se livrer à de la contrefaçon. Les activités de ces sites allait de la vente de produits contrefaits dans le luxe aux médicaments, en passant par les articles de sports, l’électronique, mais aussi du téléchargement de films ou de musique. Ce grand coup de balai a été organisé à l’occasion du Black Friday et du Cyber Monday, qui sont les deux grandes journées de soldes aux États-Unis. Sans doute la fermeture de beaucoup de ces sites était-elle justifiée, mais comment imaginer que la justice ait pu garantir le respect des droits et des procédures dans une opération à si grande échelle. Par ailleurs, qu’on ne vienne pas nous dire qu’il faut des lois ou des traités encore plus répressifs quand on voit la force de frappe qui peut déjà être déployée !
Territorialité. La plateforme de vidéos YouTube a encore frappé en empêchant l’accès à des vidéos. Cette interdiction concerne des internautes localisés aux États-Unis. En effet, ces derniers sont actuellement dans l’incapacité de pouvoir visionner des vidéos du « vocaloid character » Hatsune Miku. Il s’agit d’un célèbre personnage virtuel qui chante grâce à un logiciel de synthèse vocale. Ce genre d’hologramme rencontre un certain succès au Japon à tel point que Sega en a fait des jeux vidéo. Cependant les vidéos de Hatsune Miku sont inaccessibles pour les Américains. N’étant qu’un hologramme, on se doute bien que ce n’est pas Hatsune qui a demandé le géo-blocage. D’ailleurs, ce n’est pas Sega non plus qui a fait joué les droits, car il ne les détient pas. D’autres vidéos de personnages de synthèse ont disparu de YouTube. C’est bien la plate-forme qui, une fois de plus, fait la pluie et le beau temps en bloquant certains contenus. Par ailleurs, l’arrivée de l’abonnement payant YouTube Red risque de favoriser ce genre de problème.
Trademark Madness
Espaces verts. Tout le monde connaît Central Park, le poumon vert de la ville de New York. Des dizaines de marques ont été déposées sur ce nom par des sociétés sans scrupules, qui l’utilisent pour vendre des parfums, des lignes de vêtements ou des gâteaux secs. Le nom de Central Park est tellement convoité que certaines de ces entreprises se font des procès entre elles pour réussir à le contrôler. La mairie de New York, de son côté, n’a déposé que le logo du parc, car plusieurs villes américaines ont un « Central Park » et elle estime que l’enregistrement de marque n’est pas justifié. Une preuve de sagesse qu’on aimerait voir les entreprises imiter…
Patent Madness
Record battu. Le système des brevets aux États-Unis est particulièrement malade. Une nouvelle statistique est tombée cette semaine qui achèvera de nous en convaincre. Le pays a battu le record du nombre de procès pour violation de brevet intentés en une seule journée. C’est lundi dernier exactement que le record est tombé et il s’élève à… 257 ! La grande majorité de ces actions en justice sont le fait des fameux Patent Trolls, ces sociétés qui amassent des brevets souvent fantaisistes sans rien fabriquer, pour aller ensuite menacer d’autres firmes en espérant des règlements amiables juteux. Beaucoup des procès de lundi émanent du district de l’Est du Texas. Une sorte de paradis pour les trolls, où les juges ont la réputation d’être très laxistes sur les conditions de recevabilité des plaintes.
Chiffrement. À l’heure de l’état d’urgence et des discussions que commence à soulever le chiffrement, la dérive qui suit arrive à point nommé. Un patent troll américain détient un brevet sur un protocole de sécurisation et de chiffrement de sites web semblable au certificat TLS. Autrement dit, il prétend détenir un brevet sur la technologie HTTPS. Et à ce titre, il a décidé d’attaquer une soixantaine de sites web qui utilisent cette technique pour violation de brevet. Notre troll n’a pas pas froid aux yeux, car il s’en prend notamment à Netflix ou à l’opérateur de télécommunication AT&T qui sont loin d’être des petits poissons. Nous conseillons à cette société de faire un petit effort et de revendiquer un brevet sur le web dans son ensemble. ;-)
Copyright Wisdom
Pathologique. Depuis le temps que nous chroniquons les dérives de la propriété intellectuelle, on pensait avoir tout vu. Mais il faut croire que ce n’est pas le cas. Une entreprise médicale revendique un copyright sur une vidéo présentant des techniques de chiropraxie ! Elle a réalisé une vidéo dans laquelle elle montre les fameuses techniques et qu’elle vend notamment à travers des programmes de formation à destination de professionnels. Elle revendique également des droits sur un formulaire vierge de diagnostic d’une pathologie. Un litige a éclaté avec un autre médecin qui utilise les mêmes techniques de diagnostic que celles qui sont préconisées dans la vidéo. Cette histoire farfelue a heureusement été close par une cour de justice qui a décidé qu’on ne pouvait pas revendiquer le moindre droit sur un diagnostic médical et encore moins sur un formulaire vierge.
Fausse alerte
Sans voix. En début de semaine, nous avons été surpris par un curieux cas de violation de copyright. Un DJ avait posté sur SoundCloud un morceau de silence. L’artiste a présenté cela comme un remix d’une performance du compositeur John Cage, intitulée 4’33 dans laquelle un orchestre ne doit jouer aucune note. Il a déclaré avoir reçu une notification de violation de droits d’auteur en uploadant ce morceau sur la plateforme audio. Or il apparaît que cette affaire est cousue de fil blanc et que le DJ a fait une blague. C’était un morceau de Justin Bieber qu’il avait en fait mis en ligne ! Son intention avec ce canular était de berner des sites d’information pour qu’ils reprennent la nouvelle. Cela dit, avec toutes les dérives qui alimentent chaque semaine le Copyright Madness, on ne serait pas tellement surpris de voir cette mauvaise blague un jour devenir réalité.
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Merci à tous ceux qui nous aident à réaliser cette chronique, publiée sous licence Creative Commons Zéro, notamment en nous signalant des cas de dérives sur Twitter avec le hashtag #CopyrightMadness !
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