Cela va sans dire, si vous n’avez toujours pas vu « Star Wars : Le Réveil de la Force » et ses scènes mémorables, précipitez-vous au cinéma et ne lisez pas cet article. Nous n’allons prendre absolument aucune précaution pour conserver le secret du scénario et allons au contraire l’analyser, après avoir vu le film deux fois (une première fois en VO et la deuxième fois en VF, qui détruit une bonne partie du jeu de certains acteurs comme John Boyega ou Oscar Isaac).
L’objectif de cet article n’est pas de réaliser une énième analyse objective des forces et des faiblesses de The Force Awakens. Il s’agit plutôt de montrer à quel point le film produit par Disney pour relancer la saga Star Wars est une œuvre artistique magistrale qui a gagné le pari de faire oublier la désastreuse prélogie, et qui place les futurs épisodes sur d’excellents rails. Il ne s’agit pas, comme nous le lisons trop souvent, d’un « remake » ou d’un « reboot ». Il nous paraît évident que le film, déjà très bon en lui-même, gagnera une épaisseur insoupçonnée avec les deux prochains volets de la nouvelle trilogie, et nous allons expliquer pourquoi.
Il est donc encore temps de vous arrêter de lire si vous n’avez pas vu le film. Sinon, rendez-vous après le bras coupé.
Alors voyons pourquoi l’œuvre cinématographique de J. J. Abrams en tant que telle, sur un plan artistique, est beaucoup plus subtile que ce qu’on peut attendre d’un film perçu parfois comme un film d’action. Cela nous permettra de nous intéresser plus longuement au scénario du film et aux raisons pour lesquelles il deviendra plus intéressant encore lorsque les deux prochains volets de Star Wars sortiront au cinéma.
L’art cinématographique de J. J. Abrams
À travers la planète désertique de Jakku et le personnage de Rey, J. J. Abrams raconte d’abord sa propre histoire dans l’approche et la réalisation d’un film qu’il craignait d’être trop grand pour lui. Il est Rey, cette humaine qui doit faire son nid au milieu des ruines imposantes de ce qu’étaient les anciens Star Wars
C’est cela que nous disent les plans majestueux où Rey apparaît toute petite à côté des anciens AT-AT, X-Wing et autres Star Destroyers à demi enfouis dans le sable. C’est J.J. Abrams, en tant que réalisateur et producteur de films et de séries TV, qui a le sentiment qu’il n’arrivera jamais à égaler l’œuvre originelle de George Lucas dont il a tant de fois répété qu’il était fan. BB-8, c’est Disney.
This will begin to make things right
J. J. Abrams a souvent raconté qu’il avait d’abord refusé l’offre qui lui était faite de réaliser ce nouveau Star Wars, parce qu’il ne voulait pas prendre une telle responsabilité de toucher à cet héritage qu’il vénère. C’est Disney, ou plutôt la directrice de Lucasfilm Kathleen Kennedy, qui est venu le voir et le revoir pour le convaincre. Or que fait Rey lorsque BB-8 lui demande avec insistance son aide et son amitié ? Elle commence par le rejeter, avant de céder et de le laisser l’accompagner.
J.J Abrams est Rey, qui pour s’en sortir dans cette planète métaphorique qu’est Jakku, où se retrouve toute l’histoire de l’ancienne trilogie, doit trouver dans les ruines des anciens épisodes ce qui peut encore resservir et être recyclé, pour créer l’avenir. Bien-sûr, Le réveil de la Force use et abuse des clins d’œil à la trilogie d’origine, alors qu’il n’est pas fait référence aux épisodes plus récents. L’objectif du film est bel et bien de faire oublier la prélogie et de revenir aux fondamentaux. Il est de repartir de ce qui fait l’unanimité chez les fans et d’effacer les travers de la prélogie qui divise.
« This will begin to make things right ». Voilà qui va commencer à mettre les choses dans le bon ordre. Ce sont les tous premiers mots du film, prononcés par Lor San Tekka (Max Von Sydow), Est-il permis de croire que c’est J. J. Abrams qui s’adresse aux fans pour leur dire que ce film va commencer à rétablir la saga Star Wars telle qu’elle aurait dû être, loin de JarJar Binks et de ses pets qui puent, des acteurs sans éclat, des dialogues plats et des images de synthèse si mal maîtrisées que la prélogie ressemble davantage à un film d’animation qu’à un Star Wars.
Comme Rey, J. J. Abrams finit par réussir à s’extraire de ces ruines et à trouver en lui les ressources, la Force, pour livrer une œuvre à la fois très respectueuse de l’originale, qui en reprend la structure initiale (commencer sur une planète désertique pour finir dans une tranchée pour exploser une super-arme sphérique), mais apporte un contenu finalement très différent. Nous y reviendrons.
La lumière, et le côté obscur
La deuxième chose notable sur le plan cinématographique est le soin qu’a pris Abrams à jouer constamment sur l’opposition entre la lumière synonyme d’espoir et le côté obscur synonyme du mal et de la déchéance. Le site Star Wars News Net l’a parfaitement analysé en détails. Le tout premier plan du film après le traditionnel crawl est la planète Jakku, dont le sable irradié de lumière (où se trouve « Rey », qui veut dire « rayon de lumière ») se retrouve progressivement caché par l’ombre d’un destroyer du Premier Ordre.
Tout est très noir dans Le Premier Ordre, alors que l’Empire était encore gris voire parfois blanc, encore teinté par une ancienne République désormais oubliée.
Les étoiles représentent la lumière. Ce sont elles que le Premier Ordre vient aspirer pour nourrir la base Starkiller. Il supprime la lumière pour installer sa puissance. Lorsque Poe Dameron mène la bataille pour faire exploser la base, il prévient très explicitement qu’il reste de l’espoir tant que le soleil n’a pas totalement disparu. Lorsque Kylo Ren tue son père Han Solo, il le fait lorsque la lumière extérieure ne l’illumine plus.
Le réveil de la force du scénario
Mais venons-en maintenant à l’histoire elle-même. Beaucoup ont trouvé qu’elle était calquée sur celle de l’Épisode IV (« Un nouvel espoir »), avec quelques éléments tirés des deux autres épisodes de la trilogie d’origine. C’est vrai. Comme nous l’avons dit, J. J. Abrams et son co-auteur Lawrence Kasdan ont volontairement repris la structure des films d’origine, peut-être jusqu’à l’excès.
Rey est une femme coincée sur une planète qu’elle craint de ne jamais quitter (une scène le montre bien au début du film, lorsqu’elle regarde une très vieille femme faire exactement la même chose qu’elle), qui se retrouve embarquée dans une aventure par le truchement d’un droïde qui doit délivrer un message à la rébellion, devenue « résistance ». Ensemble, ils apprennent l’existence d’une arme destructrice de planètes, que le côté du bien finit par faire exploser.
Mais si cette structure résonne fortement, le contenu est très différent. Le film pose de façon plus ou moins subtile énormément de questions clés qui trouveront leurs réponses dans les épisodes suivants (ou, ce qui est peut-être à craindre, dans certains spin-offs), et apporte des variations qui donnent toute sa profondeur au film.
En vrac, quelques questions posées par le film :
- Qui est vraiment Rey ?
- Pourquoi semble-t-elle maîtriser si vite la Force ?
- Pourquoi Maz Kanata possède le premier sabre laser de Luke Skywalker, celui qu’il avait perdu lorsque Darth Vader lui a tranché la main sur Bespin ?
- Pourquoi le fils de Han Solo s’est-il tourné du côté obscur ?
- Qui est le Leader Suprême Snoke ?
- Qui est Lor San Tekka qui a connu Kylo Ren quand il était jeune et pourquoi a-t-il les plans permettant de retrouver Luke ?
- Pourquoi Rey rêvait-elle tous les soirs d’une île sur un océan, probablement la même que celle où elle finit par retrouver Luke Skywalker ?
- Comment Han Solo a-t-il déçu son fils Kylo ?
- Qui sont les parents de Finn qui se sont fait arracher leur fils pour qu’il rejoigne les rangs des stormtroopers ?
D’ici le mois de mars 2017 et l’année et demie qui nous sépare de l’Épisode VIII, beaucoup de ces questions laissent place à la spéculation, et l’on découvre de nouvelles réponses possibles en revoyant l’épisode VII.
Rey, fille de Luke ou apprentie ?
Une scène en particulier ne nous avait pas marqué à ce point au premier visionnage, mais est apparue évidente au second. Elle donne tout son sens au titre du film : « le Réveil de la Force ». On y voit Kylo Ren tenter de lire dans la mémoire de Rey. Mais elle résiste, et résiste encore, jusqu’à un certain stade, accompagné d’un effet sonore très remarquable lorsque l’on s’y attend. Plutôt que de lire dans la mémoire de Rey, Kylo Ren a réveillé sa mémoire. La Force qui était en elle et son probable apprentissage passé, effacé de sa mémoire pour une raison que l’on ignore encore, revient à la surface grâce à Kylo Ren.
C’est là que Rey se rappelle, consciemment ou inconsciemment, comment l’on peut manipuler un esprit faible pour l’obliger à la libérer, pour saisir à distance un objet (le sabre qu’elle dérobe à Kylo Ren), ou pour trouver toute la concentration et l’énergie suffisante au moment du combat final.
Si le fils de Leia peut tomber dans le côté Obscur, la fille d’un personnage obscur peut-elle être du côté de la lumière ?
Cette intuition de la force qui peut paraître surprenante voire dérangeante lors de la première vision, prend tout son sens lorsque l’on s’imagine Rey comme étant une ancienne disciple de Luke Skywalker, qui aurait effacé sa mémoire comme l’avaient été la mémoire des droïdes. L’a-t-il fait pour la protéger, ou pour éviter qu’elle ne tombe dans le côté obscur ?
Et si le fils de Leia peut tomber dans le côté Obscur, la fille d’un personnage obscur peut-elle être du côté de la lumière ? Ce n’est peut-être ni la sœur de Kylo Ren (c’est même quasiment certain), ni la fille de Luke Skywalker. Le mystère reste entier et les possibilités énormes.
Kylo Ren a tué le père, lui.
Une autre scène est sous-estimée lorsque l’on prétend que The Force Awakens n’est qu’un remake. C’est la principale du film, lorsque Kylo Ren tue Han Solo. C’est là que le personnage prend toute sa dimension pour les épisodes à venir. Il ne veut pas répéter l’erreur de son grand père Darth Vader, lorsque celui-ci avait choisi de protéger son fils plutôt que l’Empereur.
Kylo Ren a tué le père et en tuant le père, il se croit libéré de la seule personne, du seul poids émotionnel, qui semblait être en capacité de le faire revenir du côté de la lumière. Sa mère Leia est toujours en vie, mais il ne semble pas éprouver pour elle le même attachement ou les mêmes sentiments opposés, entre amour et haine. En tuant Han Solo, Kylo Ren s’est assuré de pouvoir devenir le monstre que Darth Vader n’a pas su être jusqu’au bout.
En tuant le père, Kylo Ren a aussi fait ce que Luke n’avait pas osé faire lorsqu’il a choisi de laisser la vie sauve à celui qui est redevenu Anakin Skywalker. On devine que Kylo Ren voit Luke Skywalker comme son modèle inverse, celui dont il ne faut pas répéter les erreurs. Luke avait été faible et c’est pour cette raison qu’il n’a pas rejoint le Côté obscur. Kylo se veut fort et sait qu’il doit sacrifier son père. « Je sais ce que je dois faire. Peux-tu m’aider ? », demande-t-il à Han Solo avant de le transpercer de son sabre laser.
Libéré de ce fardeau, il pourra finir son apprentissage auprès de Snoke, et revenir bien plus violent et sans merci qu’il ne l’a été dans le premier épisode de cette nouvelle trilogie.
Mais qui est Snoke ?
Enfin, mais nous pourrions continuer longtemps à partir du film, le personnage de Snoke est peut-être le plus mystérieux de tous. Tout le monde le connaît, y compris Han Solo ou Leia. Il a détourné leur fils vers le côté obscur, en étant plus séduisant que Luke Skywalker.
Mais qui est-il, et quelle est sa puissance ? Il était totalement inconnu de l’histoire de l’Empire racontée par la première trilogie, et voilà qu’il apparaît trente deux ans après la mort supposée de l’Empereur, comme s’il s’était installé très vite au pouvoir, avec une force inégalée.
Il paraît évident qu’il n’est pas aussi grand que la mise en scène le laisse supposer, grâce à l’hologramme surdimensionné. Se pourrait-il qu’on le connaisse déjà ?
Se pourrait-il qu’il s’agisse de l’empereur ressuscité, ou de Dark Plagueis, dont la prélogie nous avait préparé à sa révélation ?
https://www.youtube.com/watch?v=f86E4R5gWZY
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