Cette semaine, c’est Scream Queens qui est à l’honneur : une série loufoque et acide sur la jeunesse et son rapport à la technologie.

« (Chanel Oberlin en voix off) Je suis pour l’humiliation publique. Je l’ai pratiquement inventée. C’est le signe d’une culture florissante. Mais pas quand je suis celle qui est humiliée. Je voulais la gloire, mais pas de cette manière.
(Foule de journalistes) Chanel ! Chanel ! Qu’est-ce que ça fait d’être la femme la plus détestée des États-Unis ? Un commentaire ? Des excuses, Chanel ?
Oui. Je voudrais faire un commentaire. À tous les soi-disant médias dominants, ainsi qu’aux sites internet bizarres dont personne n’a jamais entendu parler, et à toutes les hordes d’implacables mal lavés sur Twitter, qui ont saisi toutes les opportunités pour me rabaisser et m’attaquer sans relâche depuis le confort de leurs futons tachés, j’offre ce sentiment sincère. Allez tous vous faire foutre ! »

Ce passage à lui seul, contient tous les éléments qui font de Scream Queens une satire incroyablement juste, et de facto terriblement acerbe de notre époque. Scream Queens, est un des derniers projets créé par Ryan Murphy. L’homme n’en est pas à son premier essai puisqu’il nous a déjà fait grâce de séries de qualité comme Nip/Tuck et American Horror Story.

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La série possède d’ailleurs quelques petites similitudes avec AHS. D’abord, c’est une anthologie, chaque saison raconte une histoire différente. Ensuite, Chanel Oberlin — l’actrice principale de la série — est incarnée par Emma Roberts, qui jouait dans les saisons 3 et 4 de AHS, mais qui s’était également illustrée au cinéma dans le très bon Palo Alto de Gia Coppola. Une valeur sûre donc, sur qui repose à peu près l’ensemble de la série. Et enfin, c’est une série d’horreur, mais pas seulement : c’est aussi une comédie

Plus qu’une parodie de films d’horreur

La série commence par un flashback en 1995 au sein de la sororité « KKT » (pour Kappa Kappa Tau), à un moment de l’histoire de cette institution aussi élitiste que décadente qui va avoir des répercussions jusqu’à notre époque. De nos jours, Chanel Oberlin (Chanel No. 1) est la présidente de KKT. Elle est suivie en permanence par ses minions — elle les appelle réellement comme ça — qui sont Chanel No. 2, Chanel No. 3, Chanel No. 5 et Chanel No. 6. Alors qu’elles doivent gérer l’intégration de nouvelles recrues pour le moins inhabituelles, des meurtres en série commencent à être perpétrés sur le campus de la Wallace University.

Chad Radwell, le président écervelé de la Dickie Dollar Earl Grey Roger Dodger Caulfield Charitable Foundation

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À son synopsis, la série pourrait passer pour une énième insipide comédie d’horreur. Mais Ryan Murphy en fait un portrait au vitriol de notre société — et de sa jeunesse. Mais aussi de la surconsommation, de l’égocentrisme, de la superficialité, de la compétitivité, de la violence, de l’individualisme, des réseaux sociaux…

Scream Queens dévoile tout son cynisme caustique dans un hommage aux slashers, ces films d’horreur des années 80 déjà hautement stéréotypés et irrévérencieux. Pourtant la première saison de la série n’a été regardée en moyenne que par 4 millions de spectateurs, un chiffre faible qui fait de cette parodie de parodie, un ovni incompris.

un chiffre faible qui fait de cette parodie de parodie, un ovni incompris

Une critique de notre temps

Avant tout, Scream Queens, ce n’est pas sérieux, ce n’est pas grave, c’est même tout le contraire. Chaque situation potentiellement inquiétante dans la série est prétexte au trentième degré. Vous verrez par exemple des personnages se faire découper, indifférents — ou en chantonnant du Taylor Swift. Mais dans Scream Queens, même la situation la plus capillotractée a une résonance contemporaine. L’absurde est voulu et totalement assumé, pour mieux amener le spectateur à réaliser la ressemblance avec sa propre époque. La satire de Murphy peint, à la manière d’un Idiocracy, une société dans laquelle la superficialité aurait vaincu la raison.

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La mort est traitée avec indifférence par les personnages. Cette débauche ridicule de violence et d’hémoglobine au ketchup ne semble pourtant avoir d’autre but que de nous amener à réfléchir à la banalisation de la violence, propre à l’époque moderne et à ses pratiques comme le happy slapping ou le bizutage. Scream Queens va encore plus loin — trop loin pour certains — et amène sa caricature vers la violence verbale et psychologique. Le moment le plus représentatif est celui dans lequel Chanel Oberlin appelle sa gouvernante « White Mammy », en référence à l’esclavage.

« Ce spécimen obèse de saleté humaine nettoyant du vomi de boulimique sur le tapis est Ms. Bean, mais je l’appelle White Mammy parce qu’elle est basiquement une esclave de maison ».

Dans une hypermodernité où l’image est surabondante, les scénaristes jouent du fait que l’expression de la personnalité passe par le spectacle et le scandale. Ils nous montrent une société où il faut capter l’attention à tout prix, quitte à ce que ce soit pour de mauvaises raisons… et au risque parfois, de frôler le borderline. Murphy, en grossissant les traits de Chanel Oberlin, en fait un des personnages les plus irritant jamais créé, un symbole d’une époque où tout serait à la surenchère.

les scénaristes jouent du fait que l’expression de la personnalité passe par le spectacle et le scandale

Notre addiction aux réseaux

La moquerie de l’hyper-connexion est également omniprésente. Durant la promotion de la série, Murphy a affirmé que Scream Queens était « à propos des jeunes, et leurs manières de communiquer ». On savait en effet dès sa promo à quelle génération le programme était destiné.

https://youtu.be/j1n1hJnmMFE

Avec ses références permanentes à Twitter et Instagram, la série fait une peinture hilare des Millennials. Ainsi, quand un personnage se fait assassiner, celui-ci tente forcément de raisonner son agresseur en lui envoyant des SMS et tweet sa mort en direct. Autre exemple, Chanel No. 1 dans un élan aussi généreux qu’intéressé décide d’offrir des cadeaux à certains de ses 752 fans sur Instagram.

Si les références aux réseaux sociaux et autres pratiques en ligne sont partout dans la série, les réseaux lui rendent bien, puisque le compte Instagram de Scream Queens est un des plus suivis pour une série avec plus de 200 000 abonnés. La série en profite et joue clairement avec le transmedia puisqu’elle disperse des indices sur les réseaux à mesure que le show avance.

On pouvait craindre à la vue des premiers épisodes qu’elle s’épuiserait rapidement et deviendrait rébarbative. Pourtant, au fil des épisodes, la série parvient à renouveler constamment sa charge humoristique. Si la création de Ryan Murphy n’est pas exempte de défauts — certains pourront trouver qu’en tant que parodie, elle n’est en fait qu’une accumulation de défauts — elle arrive à accrocher le spectateur et à maintenir le mystère sur l’identité « du meurtrier » jusqu’au dernier épisode. Ne vous attendez donc pas à avoir peur en regardant Scream Queens, mais vous pourriez bien rire, beaucoup.

Consultez nos précédents #PreviouslyOn, la rubrique où nous épluchons pour vous le meilleur des séries télé.

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