Les fondements de la réalité sont questionnés dans la saison 6 de Black Mirror, en ligne sur Netflix ce jeudi 15 juin 2023. La série de Charlie Brooker et Annabel Jones semble miser tout particulièrement sur cette angoisse très contemporaine : la sensation de vivre dans un monde en partie faux, qui ne nous appartient plus. La saison 6, qui est l’une des plus violentes, dresse ainsi le portrait de personnages dépossédés de leur vie ou de leur libre arbitre.
Puisque Black Mirror est une anthologie, les saisons sont éternellement inégales : certains épisodes sont réussis et marquants, quand d’autres restent parfaitement oubliables voire médiocres. La saison 6 n’y échappe pas, alors voici quelques repères.
1. Joan est horrible (Joan is awful) (épisode 1)
Joan est horrible est le premier épisode présenté dans la saison — et celui qui mérite le plus votre visionnage. C’est le plus marquant de la saison, tant pour son récit que sa mise en scène. La vie de Joan bascule de façon vertigineuse lorsque Streamberry — sorte de Netflix fictionnel — adapte au jour le jour sa vie quotidienne… en la présentant sous son pire jour.
Dramatique et drôle, Annie Murphy incarne à merveille une Joan dont la vie bascule soudainement dans la plus totale absurdité. On peut ressentir son désarroi, sa panique à chaque instant, tout comme sa reprise de pouvoir. Dans son twist principal, Joan est horrible révèle assez rapidement sa raison d’être, abordant avec piquant un trait angoissant bien connu du numérique. L’épisode se dote aussi d’une petite part de ridicule complètement déjanté, ce qui accroît le sentiment dystopique surréaliste qu’il nous procure. Et la fin parvient à surprendre de nouveau. Joan est horrible fait partie de ce que Black Mirror livre de plus intéressant. À ne pas manquer.
Note : 8/10
2. Démon 79 (épisode 5)
Démon 79 est étrangement peu « blackmirroresque », si l’on s’en tient à la place de la technologie dans son récit. Il raconte la malédiction d’une jeune femme, vendeuse de chaussures, soudainement piégée avec un démon déguisé en Boney M qui l’intime à tuer 3 personnes — 1 par jour — afin d’éviter la fin du monde. Il repose sur un fonctionnement à base de fantastique, sans relever véritablement de la science-fiction — bien qu’il y ait certes un versant d’anticipation politique en quelques points du récit.
Construit comme un film (et d’une longueur de 1h14 !), il propose une histoire captivante qui parvient assez adroitement à équilibrer une atmosphère glauque (plusieurs moments peuvent créer un vrai malaise) avec des touches d’humour complètement décalées. Démon 79 bénéficie aussi de deux protagonistes attachants. Cet épisode franchement surréaliste se tient donc bien.
Note : 7/10
3. Mazey Day (épisode 4)
Comme Démon 79, Mazey Day n’appartient pas fondamentalement au registre de la science-fiction — ni même vraiment à l’anticipation dans son cas (ce qui est assez surprenant pour Black Mirror). Une paparazzi jette son dévolu sur une actrice (la fameuse Mazey Day), cherchant à obtenir absolument une photo compromettante afin de toucher l’énorme cachet promis par un magazine. Mais qui est vraiment cette actrice ?
L’épisode Mazey Day a plusieurs mérites : une écriture accrocheuse grâce à une enquête et des moments de suspense ; une fin imprévisible jusqu’à la toute dernière seconde ; et une critique acerbe du culte de l’image.
Note : 7/10
4. Loch Henry (épisode 2)
Un jeune étudiant en cinéma retourne dans sa ville natale, chez sa mère, en compagnie de sa copine. Sur place, ils commencent à s’intéresser à d’anciens meurtres sordides et disparitions, et décident d’en faire un documentaire.
Au ton très lugubre, Loch Henry s’en prend à la mode malsaine des « true crime documentaries », ces séries ou films documentaires qui se passionnent pour des faits divers horribles — comme si l’on pouvait frissonner avec les cauchemars vécus par d’autres. Le scénario reste peu surprenant, et n’est pas non plus très intéressant dans ce qu’il essaye de montrer (aussi parce qu’il ne le montre pas très bien : la mise en scène est parfois brouillonne). L’épisode n’est toutefois pas totalement dénué d’un petit intérêt puisqu’il se moque de cette fascination pour les faits divers. Mais cela ne suffit pas.
Sans compter que l’atmosphère moite, le rythme très lent et le petit côté morbide peuvent rebuter. Passez votre chemin si vous n’avez jamais eu envie de voir, par exemple, Making a Murderer ou Dahmer.
Note : 5/10
5. Mon cœur pour la vie (Beyond the Sea) (épisode 3)
Mon coeur pour la vie condense ce que Black Mirror fait parfois de pire : un épisode excessivement glauque et morbide, et qui ne développe pas la moindre critique pertinente, sur quoi que ce soit. C’est une sorte d’épisode filler, bien trop long (1h24), qui consiste seulement à montrer une histoire déprimante. Le point de départ était pourtant intéressant : deux astronautes disposent d’un corps synthétique sur Terre. Dans une chambre dédiée à bord d’une station spatiale lointaine, ils peuvent s’y connecter pour poursuivre leur vie sur Terre avec leur famille, pendant qu’ils se réveillent régulièrement dans l’espace pour s’occuper de la station.
L’épisode démarre rapidement sur une séquence particulièrement macabre, et se terminera sur un plot twist encore plus macabre. Une violence gratuite, un récit lugubre, pour rien : Mon cœur pour la vie ne raconte rien, sauf à montrer des êtres humains abjects, aux réactions par ailleurs très peu crédibles. À passer, pour ne pas gâcher 1h20 de temps de vie.
Note : 3/10
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