« Tu ne sais rien… », assène le grand méchant de Final Fantasy XVI à Clive, le héros, avant l’affrontement final. Cette phrase ne vous rappelle rien ? Jon Snow l’a entendue dans Game of Thrones, et depuis, elle est devenue un mème. Après avoir vu le générique de fin, j’en sais visiblement un peu plus que mes deux compères. Je sais, par exemple, que Final Fantasy XVI a suffisamment de qualités pour être un grand jeu. En revanche, j’ignore s’il plaira à tout le monde, à commencer par les fans de la saga culte de Square Enix.
Final Fantasy XVI est loin d’être un petit enjeu pour Square Enix. C’est même tout le contraire. Après un quinzième épisode loin d’avoir concrétisé toutes ses promesses et un quatorzième sauvé de justesse, l’entreprise japonaise aimerait sans doute connaître un lancement sans heurts. Elle a mis un maximum de chance de son côté, à en juger par la somme de talents associés pour pondre un grand jeu. Une fine équipe orchestrée par Naoki Yoshida, l’homme qui a transformé Final Fantaxy XIV en immense succès.
Final Fantasy XVI, c’est d’abord une narration réussie
Bon à savoir
Vous n’avez aucunement besoin de jouer aux 14 précédents jeux Final Fantasy. Chaque opus est totalement indépendant et seuls certains éléments sont communs (les Chocobos, les invocations…).
Si l’on vous disait que George R.R. Martin avait écrit Final Fantasy XVI, alors vous vous y croiriez sans aucun souci. Les parallèles entre le RPG et Game of Thrones sont nombreux. À vrai dire, Square Enix ne cherche même pas à les masquer. Tout ce qui est singé est assumé, avec une lutte constante entre différentes factions dans un univers sombre, violent, voire répugnant dans le traitement des parias (des gens sont exploités dans la normalité la plus totale). En son centre, on retrouve une galerie de personnages un tantinet idéalistes dans leur vision de la pleine liberté. Il y a une forme de romantisme teintée de mélancolie dans Final Fantasy XVI, ce qui confère beaucoup de charme aux nombreuses interactions mises en scène dans des cinématiques généreuses.
Dès lors, Final Fantasy XVI sait rompre avec la tradition. Cette rupture dans le ton risque de surprendre celles et ceux habitués aux RPG japonais articulés toujours autour des mêmes enjeux (des héros androgynes qui doivent sauver le monde, avec des scènes souvent exagérées). En termes de narration, Final Fantasy XVI impose une narration presque assommante, enchaînant les dialogues qui s’étirent. Le rythme global en souffre (il y a aussi des épisodes inutiles dans GOT), mais c’est une condition nécessaire pour que chaque pièce d’un vaste échiquier prenne place. Si vous vous sentez perdu, une chronographie est constamment accessible pour vous rappeler qui est qui, qui fait quoi et qui combat qui. Pour être totalement compris et digéré, le contexte géopolitique de Final Fantasy XVI a sans cesse besoin d’être expliqué.
C’est d’ailleurs un argument fort d’arriver à faire grandir un héros au milieu de tout ce tissu épais comme la porte d’un coffre-fort. En suivant Clive à trois époques différentes de sa vie, on assiste à une vraie progression. Elle se lit tout aussi bien au travers de sa puissance, puisqu’il est la clé d’un renouveau total, que de sa personnalité. En face de lui, Square Enix construit une galerie d’héroïnes et de héros qui ont tous une raison d’exister et qui doivent parfois composer avec une malédiction (la manière dont les Invocations sont intégrées dans le récit est parfaite). C’est l’avantage quand on prend son temps, et l’on n’en saura que mieux porté jusqu’à l’épilogue. « On a chacun notre rôle dans la vie », entendra-t-on.
Puis, il y a cette mise en scène d’une générosité débordante. Quand les Primordiaux apparaissent à l’écran, on pose la manette DualSense et l’on écarquille les yeux devant un spectacle épique, mâtiné d’une bande son saisissante. Final Fantasy XVI profite à plein régime de son statut d’exclusivité PlayStation 5, avec des effets visuels, en veux-tu, en voilà, une modélisation exemplaire, des éclairages prodigieux et un gros travail sur les textures des décors — certes étriqués et parasités par une interface trop fournie. Il est simplement dommage de constater que l’assise technique ne suit pas toujours. Même en mode d’affichage basé sur la performance, Final Fantasy XVI se coltine des chutes de framerate qui trahissent un manque de finition.
Le gameplay de FF16 est assis entre deux chaises
Il faut qu’on parle des portes
Vous allez en avoir vite marre d’ouvrir des portes dans Final Fantasy XVI. En effet, certaines imposent une interaction forçant à rester appuyer sur la gâchette capable d’offrir une résistance. C’est rigolo cinq minutes.
Square Enix a toujours affiché la couleur concernant le gameplay de Final Fantasy XVI : il s’agit d’un RPG louant un culte à l’action. Cette mue a été entamée il y a déjà plusieurs années. Elle s’affirme ici avec des affrontements qui rappelleront Devil May Cry (il y a pire comme comparaison). Néanmoins, les développeurs échouent parfois dans leur proposition. On ne sait jamais si les affrontements sont trop accessibles (il y a des QTE…), trop techniques (il y a beaucoup de boutons sollicités), trop expédiés, trop peu subtils, trop longs, trop illisibles… Les choses finissent par s’améliorer naturellement, à mesure que Clive hérite de nouveaux pouvoirs.
Le gameplay de Final Fantasy XVI reste difficile à juger, puisqu’il peut vous demander de matraquer bêtement les touches de votre manette. Et, quelques instants plus tard, de placer des esquives au bon moment, sous peine de passer un sale quart d’heure face à un boss à la barre de vie interminable. Comme la narration, la partie action s’étire jusqu’à plus soif, et un peu trop pour son propre bien. On sent que Square Enix n’a pas toujours trouvé le juste équilibre, jusqu’à permettre aux joueuses et aux joueurs de régler eux-mêmes la difficulté avec des bijoux apportant des assistances qui changent tout.
Plus limpide, mais trop légère, la partie RPG ne convaincra personne. Final Fantasy XVI simplifie tout au maximum, de la progression automatisée à la personnalisation assez sommaire. L’équipement se résume à quelques pièces à acheter ou à forger entre deux quêtes. On n’a pas accès non plus à une tonne de pouvoirs pour faire de Clive une machine de guerre adaptée à ses préférences. L’idée n’est jamais de contraindre la joueuse ou le joueur à passer de longues minutes dans les menus pour parfaire le héros, qui se bat très rarement seul (on ne contrôle que lui, et on peut donner des ordres au chien qui l’accompagne). Comme quoi, Final Fantasy XVI sait aussi aller à l’essentiel — et tant pis pour l’essence de la licence.
On terminera par évoquer les missions annexes, même si l’on préférerait s’en passer tellement elles sont… ridicules. Final Fantasy XVI est donc un jeu vidéo où l’on peut affronter des créatures gigantesques en retenant constamment son souffle et, quelques instants plus tard, servir des plats à des personnes que l’on ne connaît pas. Finalement, on n’est jamais encouragé à explorer dans ce jeu qui n’est qu’une succession de petites zones, pour ne pas dire des couleurs à l’architecture se cantonnant au strict minimum. On sent que l’expérience Final Fantasy XV, vrai monde ouvert sans sa première moitié, a quelque peu freiné les ambitions de Square Enix sur l’échelle des environnements.
Prix et disponibilité du jeu Final Fantasy XVI
Final Fantasy XVI est disponible à partir du 22 juin 2023, mais peut être précommandé à moins de 75 euros.
Le verdict
Final Fantasy XVI
Voir la ficheOn a aimé
- Une présentation de haut vol
- Univers dense et prenant
- Des personnages charismatiques
On a moins aimé
- Quelques couacs techniques
- Très, très bavard
- Gameplay difficile à juger
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