Le monde des séries peut parfois être injuste : certaines productions surévaluées connaissent un succès planétaire, quand des pépites méconnues peinent à trouver un public. Halt & Catch Fire fait partie de cette dernière catégorie. Malgré un succès critique unanime, les audiences de la fiction créée par Christopher Cantwell et Christopher C. Rogers n’ont jamais été bonnes. Selon les standards des networks d’aujourd’hui, elles auraient même suffi à faire annuler n’importe quelle série.
Mais Halt & Catch Fire n’est pas n’importe quelle série. Et AMC n’est pas n’importe quel network. La chaîne qui additionne les séries à succès l’a renouvelé le 8 octobre dernier pour la deuxième fois. AMC n’aurait pourtant pas été la première à reléguer une bonne fiction au panthéon des séries annulées trop tôt. Mais la chaîne, qui programme déjà The Walking Dead, Hell on wheels ou encore Better Call Saul, a décidé de faire fi des audiences et de laisser une chance à une série qui — à défaut de faire fantasmer les annonceurs — plait à son petit public.
La série prend place dans les années 80, dans la Silicon Prairie — le modeste équivalent texan de la Silicon Valley. Elle présente librement la naissance de l’informatique personnelle à travers les tribulations de Joe MacMillan, Gordon Clark et Cameron Howe. Les destins de ces trois antihéros, vont être inexorablement liés, alors qu’ils tenteront de faire partie de la plus grande transformation technologique que le monde n’ait jamais connue.
Lee Pace est impeccable dans le rôle de Joe, le charismatique génie du marketing. C’est un underdog, mais il a un don pour flairer les technologies qui peuvent révolutionner le monde. Cependant, il est en permanence torturé entre des choix pragmatiques et l’envie d’imposer sa vision technologique (pour vous faire une idée, celle-ci implique Internet, les jeux vidéos ou encore les interfaces graphiques utilisateurs). Gordon est à Joe ce que Wozniak est à Steve Jobs, c’est un ingénieur brillant, mais incapable de vendre une machine. L’homme est blasé par l’échec du Symphony, son premier ordinateur créé avec sa femme, Donna, dans son garage. Mackenzie Davis sublime le rôle de Cameron, une développeuse aussi douée qu’ elle est excentrique. Son personnage contraste dans la Prairie très conservatrice, à quelques années lumières de l’ambiance détendue des startup californienne.
Entre fiction et hommage
Halt & Catch Fire nous montre la grande histoire de l’industrie informatique à travers la petite histoire de ses personnages. Elle représente assez justement ce que pouvait être leur quotidien, dans un monde en transition, qui ne saisit pas encore la portée de la révolution technologique. Là où Halt & Catch Fire réussit le mieux, c’est justement quand elle nous rappelle que les technologies que nous prenons aujourd’hui pour acquises n’existaient à l’époque que dans l’esprit de quelques visionnaires.
La série commence chez Cardif Electric, un concepteur de logiciel sur le déclin où travaille Gordon. Joe, un renégat d’IBM rejoint l’entreprise avec un plan pour la relancer : rentrer dans la course au PC, alors chasse gardée de son précédent employeur. Il va embaucher Cameron, pour rétro-ingéniéré le BIOS des IBM-PC. Ensemble, ils créent le Giant — non, pas le célèbre burger — mais le premier Compatible PC.
Cela vous rappelle quelque chose ? C’est normal. La série est remplie de petites anecdotes, d’hommages et de références qui rendent la fiction très familière. On pense par exemple ici à COMPAQ, le premier constructeur à avoir cloné l’IBM-PC. Et si la série plait tant, c’est sûrement pour ces nombreux clins d’oeil pour lesquels le spectateur bénévole n’hésitera pas à suspendre temporairement sa crédulité. Pour illustrer, prenons le cas d’un épisode qui prend place au salon COMDEX à Las Vegas. Cameron et Donna (la femme de Gordon) arriveront avec une simple réplique à faire sourire quiconque ayant déjà utilisé Windows 1.0 — ou même n’importe quel Windows en fait :
Cameron : « Windows était bien ! »
Donna : « Ouais ! Mais c’était plein de bugs. »
Plus loin, dans le même épisode, Joe déambule dans un couloir de son hôtel et tombe face à la présentation parfaitement orchestrée du Macintosh. Une foule est regroupée silencieusement autour de l’objet qui représente tout ce qu’il n’a pas réussi à faire avec le Giant : un ordinateur familier qui troque les lignes de commande contre une interface graphique. Quand un employé d’Apple glisse la souris et active l’interface, l’assemblée lâche un « waouh » d’approbation. « Il parle » s’étonne alors Joe.
Mais l’histoire de Halt & Catch Fire est avant tout un drame humain plus qu’une histoire d’ordinateurs. C’est lui qui est à l’origine de la pulsion créative des personnages. La série s’intéresse par exemple à la manière dont le succès influencera la vie des protagonistes. Si certains préfèrent rester fidèles à leur vision, d’autres acceptent la renommée… Et l’argent qui va avec. Paver la route du futur est une tâche ingrate et les personnages en éprouvent ici toutes les difficultés. Ainsi, ils hésitent souvent entre concevoir un produit innovant qui peut potentiellement révolutionner le monde, ou un produit banal qui est sûr de se vendre.
La série fait une peinture subtile et passionnante d’une époque trop souvent délaissée par les productions, qui préfèrent de loin s’intéresser aux phénomènes récents de l’industrie comme les réseaux sociaux ou les startups. En ce sens, la série mérite sa comparaison avec Mad Men, une autre pépite d’AMC. Dans tous les cas, si vous ne connaissiez pas Halt & Catch Fire, ne la commencez surtout pas. Vous risquez en effet de ne plus réussir à décrocher de votre télé pendant plusieurs jours. On vous aura prévenu !
En France, la série est diffusée sur Canal +. La saison 3 est prévue pour l’été 2016.
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