À l’honneur cette semaine dans #PreviouslyOn, Archer, une série animée au ton particulier et à l’humour décalé qui parodie le genre de l’espionnage.

Adam Reed (Frisky Dingo, Sealab 2021) est connu pour créer des séries d’animations pour adultes à la fois pleines d’humour et de références. Sa dernière création, Archer, en est la preuve magistrale.

Elle est diffusée sur FX depuis 2009, un network connu pour laisser libre cours à la créativité débridée des showrunner. La chaîne produit par exemple l’excellent Fargo et son catalogue contient certaines pépites comme Justified ou encore Sons Of Anarchy.

La série de Reed s’épanouit dans le mélange des genres. Archer, c’est d’abord une série d’action, d’espionnage plus précisément. Mais c’est surtout une parodie qui empreinte beaucoup à la comédie noire. Elle continue à nous captiver depuis six saisons par son ton inhabituel, à la fois acerbe, subversif et assurément léger.

Archer ?

Le personnage principal et homonyme de la série est Sterling Archer, aka Duchesse, aka l’agent secret le plus dangereux au monde. Il travaille au sein d’une agence d’espionnage internationale créée par sa mère, Malory Archer. Les personnages de la série sont tous caractérisés par leur propension démesurée à la névrose. Il y a par exemple Cheryl, la secrétaire nymphomane adepte de la strangulation, Cyril, le comptable maladroit qui lutte avec son addiction sexuelle, Pamela, la RH socialement inadaptée ou encore Krieger un savant, plus atteint que tous les autres personnages réunis. Dans cet océan d’immoralité, seule Lana, l’ex-petite amie d’Archer apparaît comme à peu près saine d’esprit.

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Archer est l’antihéros par excellence. Ce séducteur à l’ego colossal maîtrise tous les talents que le cinéma accorde volontiers aux agents secrets : le maniement des armes, la conduite sportive et un goût du risque supérieur à la moyenne. Mais il semble plus intéressé par l’hédonisme d’une vie de jet-setteur, mêlant les femmes, l’alcool, le lacrosse et les cols roulés. Cette désinvolture est sûrement la raison pour laquelle chacune des missions qui lui sont confiées se terminent dans le plus grand chaos.

Pour reprendre les propres mots de Reed, il voulait créer avec Archer « un espion qui soit le plus gros salopard possible, mais qui soit tout de même appréciable ». Pari réussi puisque toute la série repose intégralement sur ce personnage aussi irrévérencieux qu’attachant.

Une esthétique de l’anachronisme

Reed s’amuse à laisser planer un certain flou autour de l’époque dans laquelle se déroule l’intrigue. L’action prend place en pleine guerre froide, au milieu des années 70. Mais la série s’amuse à perdre son spectateur en emmêlant des éléments de différentes décennies dans un désordre d’anachronismes.

Les décors, le style vestimentaire et les coupes de cheveux des années 60 se mélangent aux voitures des années 50 et aux références culturelles modernes propres à notre époque. Le célèbre présentateur de talk-show américain, Conan O’Brien, apparait par exemple dans un épisode.

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Un petit selfie ?

Le style de la série est volontairement ubuesque et se nourrit d’incohérences. La technologie propose par exemple des fonctionnalités actuelles sous un design désuet. Dans les années 70 version Archer, les ordinateurs ressemblent à des Macintosh XL et les téléphones à des 3310, mais ils se connectent à Internet et disposent de puces GPS, de caméras et d’écrans couleur.

Humour noir, références et irrévérences

L’œuvre de Reed se distingue par son côté acerbe et son humour noir. Chaque épisode est, dans une surenchère permanente, plus drôle que le précédent. L’écriture, piquante et féconde, confère à l’ensemble un aspect déjanté et décalé. L’humour pince-sans-rire, ouvertement gaillard et outrancier des personnages renforce cette impression. Il se déploie à travers de longues réparties aussi saillantes qu’incontrôlables, pour le plus grand plaisir du spectateur.

On se demande parfois devant certaines scènes si les scénaristes ne composent pas sous l’effet de certaines drogues expérimentales. On pense par exemple à des passages assez borderline, qui mettent les héros dans des situations contraires à la morale ou à la bienséance. Archer est par exemple souvent victime d’érections incontrôlables, notamment quand il imagine la mort de sa mère.

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Sa personnalité et les aspects les plus déplorables de son caractère tendent d’ailleurs à s’expliquer par rapport à la relation aussi distante qu’ambiguë qu’il entretient avec la figure maternelle. Le héros a été élevé par son valet, accro à l’héroïne. Cela explique sûrement pourquoi il perd sa virginité à l’âge de 12 ans avec une fille au pair brésilienne, prend un Bloody Mary au petit déjeuner et reste à 35 ans, un adepte des blagues de répondeurs téléphoniques très élaborées.

L’univers de la série est par ailleurs rempli de nombreux petits détails récurrents. En effet, dans Archer, rien ne se perd et toute réplique est susceptible de revenir de manière aussi fréquente qu’aléatoire. Parmi les running gags les plus notables, il y a par exemple le mot « Phrasing » — que l’on pourrait traduire très inexactement par « Formulation » –, constamment employé pour souligner l’ambiguïté d’un énoncé.

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Malgré l’immaturité du personnage, Archer est cependant extrêmement cultivé. Néanmoins, la série ne tombe jamais dans l’auteurisant tant chaque référence culturelle n’est là que pour renforcer le comique. D’une certaine manière, les références culturelles viennent nuancer les pires aspects de la personnalité du héros, en lui donnant une caution d’humanité et d’intelligence.

Archer passe ainsi son temps à citer des oeuvres littéraires et fustige les lacunes de ses acolytes à coup de « ouvre un livre ! ». Mentions spéciales pour Emile gorgonZola, l’ocelot de Cheryl nommé Baboo en référence à celui de Salvador Dalì et le tatouage de Pam qui reprend le poème The Destruction of Sennacherib de Lord Byron.

Archer lui-même est une référence au personnage de James Bond, qui est incontestablement le canon du genre de l’espionnage. Dès son générique, la série reprend certaines caractéristiques esthétiques propres aux films de 007. Entre autres, Archer utilise le même pistolet que Bond, le fameux Walter PPK.

En matière d’animation, on parle souvent des Simpsons, de Futurama, ou encore de South Park. On pourrait donc passer à côté de l’excellente série qu’est Archer, qui mérite pourtant une note élevée au regardomètre. Dans les mots du personnage principal, sachez cependant « qu’il n’y a pas assez de thérapie dans le monde pour défaire » l’influence de cette série animée, qui s’illustre parmi les plus subversives de notre époque. À binge-watcher sans modération.

En France, la série est diffusée sur France 4 depuis 2014 à une heure tardive, souvent après minuit.

Consultez nos précédents #PreviouslyOn, la rubrique où nous épluchons pour vous le meilleur des séries télé.

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