Armé d’une insouciance rafraîchissante et d’un récit susceptible de tirer quelques larmes, Blue Beetle mérite bien plus de considération que l’aversion naturelle née dans les bandes-annonces. Notre avis, sans spoilers.

Lorsque j’ai regardé la première bande-annonce de Blue Beetle, mes yeux étaient aussi grands ouverts que mes préjugés. Dans la foulée, l’esprit rempli de haine facile et motivé par l’envie de faire rire mes rares followers, je tweetais même : « Pardon c’est quoi encore cette daube ». Pas même un ton interrogatif pour montrer un semblant d’enthousiasme, rien d’autre qu’une simple affirmation comme il en traverse tant dans nos têtes. À ma décharge, DC Comics et le cinéma, ce n’est pas vraiment une affaire qui roule. Et si Hollywood a échoué avec des figures comme Batman, Superman et Wonder Woman, comment le méconnu Blue Bettle pouvait-il s’en sortir sans aucune moquerie ?

Aujourd’hui, il devient d’autant plus satisfaisant de faire un immense mea culpa à ce film de super-héros, lequel ne se noie jamais dans ses arguments « super » pour proposer un récit d’une insouciance remarquable. Où les bons sentiments fusent davantage que les prouesses physiques, portés par une galerie de personnages attachants. Débarrassé du poids des échecs répétés de DC Comics (le DCEU) et à peine connecté au vaste reboot opéré par James Gunn, Blue Beetle est un film de super-héros dans ce qu’il y a de plus simple et de plus pur.

DC Comics avait besoin d’un film comme Blue Beetle

Évacuons d’emblée le ridicule qui sera éternellement lié à Blue Beetle, et que les scénaristes assument jusque dans le nom du méchant (Carapax). « Batman était un facho. Blue Beetle, lui, il avait le sens de l’humour », résumera même l’un des personnages qu’on déteste adorer (l’oncle complotiste qui se peint les ongles en noir). Blue Beetle sait comment amuser la galerie, parfois avec des blagues pince-sans-rire qui étonnent, toujours avec cette légèreté jamais abandonnée. Une manière pour cet héros effronté de faire oublier que les enjeux super-héroïques sont aussi épais que les ailes d’une mouche. Il préfère concentrer son attention, et la nôtre par la même occasion, sur tout ce qu’il y a de bon et noble dans une famille. Dans sa représentation de l’union, au sens mexicain du terme (un gros plus pour la fraicheur), Blue Beetle excelle. Surtout, il touche sans prévenir.

« Batman était un facho. Blue Beetle, lui, il avait le sens de l’humour »

Il est d’ailleurs remarquable de constater à quel point l’histoire préfère moins les problématiques sensationnelles que celles plus intimes et quotidiennes. Jaime Reyes, sourire charmeur et diplôme en poche, mais fauché comme le blé, se soucie finalement plus de la perte imminente de son foyer que d’une mégacorporation qui souhaite se créer une armée surpuissante. Il déplore même : « Tout ce que je voulais, c’est un boulot ! ». En ramenant constamment son intrigue sur une échelle humaine, Blue Beetle se nourrit de bons sentiments et d’émotions. Le tout sans jamais se prendre pour plus que ce qu’il est. Tout juste se permet-il de rappeler qu’un super-pouvoir, si dévastateur puisse-t-il être, ne pourra jamais nous sauver d’une fatalité aussi banale qu’une crise cardiaque. Un coup de poignard caché dans les blagues.

Blue Beetle // Source : Warner Bros.
La famille d’abord // Source : Warner Bros.

La sympathie qui se dégage de Blue Beetle est donc aussi inéluctable que les démangeaisons d’une piqûre de moustique. Il s’évite en réalité toutes les cases cochées bêtement par les autres productions du genre. Pas de caméo parasite sinon ridicule. Aucun besoin de poser des bases pour une réunion grandiose dans quatre ou cinq films. Simplement cette idée de construire un super-héros en mettant en avant ses doutes et ses fragilités. On s’amuse alors de certaines situations vraiment ridicules (Blue Beetle est nu comme un vers quand il quitte son costume extraterrestre). On s’émeut de tant d’autres, pour un mélange qui transpire la vie, dans les joies comme dans les peines.

On en vient même à pardonner ce cruel manque d’inspiration dans les moments d’action, dont certaines chorégraphies puisent dans l’univers du jeu vidéo (c’est le réalisateur qui le dit). Trop sombres et très convenus, les combats sont loin de participer au grand spectacle normalement promis par ce type de production. Mais on s’en fiche un peu quand tout le reste du film est d’une générosité presque déroutante dans les messages, certes bon enfant, voire niais, qu’il cherche à faire passer. L’idée de ne pas ramener Blue Beetle à un simple divertissement est plutôt positif pour l’éventuel héritage qu’il laissera. Un gros plus pour un film qui n’occupe pas une position très confortable, entre ce qui a été construit (puis détruit) et ce qui sera construit ensuite.

Blue Beetle // Source : Warner Bros.
Ce n’est pas dans l’action pure que Blue Beetle s’épanouït le plus // Source : Warner Bros.

On espère en tout cas qu’il y aura une petite place pour Xolo Maridueña dans le Hollywood demain, tant le jeune acteur de 22 ans endosse le costume du Scarabée avec la prestance d’un confirmé. Dès son premier rictus, il nous emmène avec lui dans un tourbillon bienveillant — comme savait si bien le faire Henry Cavill en Superman. James Gunn a promis que ce Blue Beetle fera partie de son méga projet et c’est amplement mérité. « Hauts les cœurs ! », comme se plaît à dire la famille Reyes dans ce qui ressemble à un cri de ralliement et de solidarité à envier.

Le verdict

Blue Beetle avait l’allure d’un énième naufrage pour DC Comics. Mais, débarrassé de ce tout ce qui peut parasiter la construction d’un récit propre à un seul super héros, le blockbuster s’affirme dans une pureté et une insouciance remarquables. Blue Beetle est un personnage profondément sympathique, incarné à merveille par un acteur qu’on espère revoir. Touchant dans ses messages, impeccable dans sa représentation de la communauté mexicaine et les valeurs familiales qui lui sont chères, Blue Beetle est d’une fraîcheur qui fait du bien dans un été certes pas si chaud que cela. Il ne fait finalement que confirmer ce qu’on savait déjà : DC Comics n’est jamais meilleur que quand il ne cherche pas à copier Marvel.
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