L’avenir de Full-Stream s’assombrit. Un peu moins de trois ans après sa création, le site web, dont la spécialité est de diffuser des films et des séries télévisées en toute illégalité, traverse une zone de fortes turbulences qui pourrait bien l’amener à sa perte. Une enquête judiciaire est en cours, deux personnes soupçonnées de gérer la plateforme ont été interpellées en France, et le principal nom de domaine est désactivé.
À l’origine de cette action en justice se trouve la principale organisation française impliquée dans la lutte contre le téléchargement illicite, l’Alpa (association de lutte contre la piraterie audiovisuelle), qui a été rejointe en cours de route par la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem).
« C’est l’Alpa qui a pris l’initiative », nous confie une source proche du dossier, mais elle a été ralliée par la Sacem quand celle-ci « a trouvé d’autres éléments lui permettant de se rattacher à la procédure ».
Une coopération qui n’est guère surprenante pour celui qui suit avec attention les affaires de lutte contre le piratage. Les opérations conjointes entre les deux structures surviennent « pratiquement tout le temps », à l’image des affaires Planète Lolo, Forum DDL, Pirate Island ou Wawa-Mania, pour ne citer que les cas les plus médiatiques.
En revanche, et c’est une première en France en matière de piratage d’œuvres audiovisuelles, l’un des deux suspects arrêtés par les forces de l’ordre a été placé en détention préventive, en attendant son procès ou une remise en liberté provisoire. Il serait selon nos informations de nationalité algérienne. En revanche, les suites judiciaires concernant le second individu (Grenoblois d’après Le Monde) ne sont pas connues.
L’un des deux suspects arrêtés par les forces de l’ordre a été placé en détention préventive
Pour l’heure, la Sacem et l’Alpa ont déposé plainte pour contrefaçon en bande organisée. Le code de la propriété intellectuelle prévoit, via l’article L335-2, une peine maximale de cinq ans de prison et de 500 000 euros d’amende. Toutefois, d’autres chefs d’accusation pourraient émerger lors de l’enquête. Des éléments laissant apparaître un possible blanchiment d’argent auraient ainsi été retrouvés lors des perquisitions.
À la sanction pénale devraient aussi s’ajouter des dommages et intérêts dont le montant sera fixé au cours du procès, en fonction du préjudice évalué. Les titulaires de droits réclameront sans doute plusieurs centaines de milliers d’euros, voire même des millions d’euros. En guise d’exemple, c’est à un million d’euros que le gérant de Forum-DDL a été condamné en 2013. Dans le cas de Full-Stream, le « préjudice est très conséquent », nous explique-t-on chez les enquêteurs, qui ne manquent pas de souligner l’audience très importante du site.
Rien d’étonnant : la plateforme accueille près de 12 000 films et 2500 séries télévisées. La technologie du streaming, très simple à prendre en main en comparaison des échanges en P2P ou des services de téléchargement direct, a fait le reste. « On est à des millions de visionnages par mois ». Une affaire qui se serait avérée très rentable pour les responsables de Full-Stream.
On parle en effet d’au moins un million d’euros en gain. L’un des deux mis en examen « en tirerait des bénéfices via des régies publicitaires avec utilisation de comptes bancaires ouverts dans des paradis fiscaux », ajoute un communiqué du parquet d’Aix en Provence. L’homme a d’ores et déjà reconnu « avoir créé (Full-Stream) depuis son domicile à Salon-de-Provence ».
Et maintenant ? D’autres complices pourraient être interpellés, en France mais aussi à l’étranger. « Il y aura sans doute d’autres personnes qui seront arrêtées en commission rogatoire internationale », croit savoir notre source. Quant au site lui-même, la principale URL (full-stream.net) ne répond plus. Mais des adresses de secours sont toujours actives à l’heure où nous écrivons ces lignes.
Il y aura sans doute d’autres personnes qui seront arrêtées.
Mais l’Alpa et la Sacem ne devraient certainement pas en rester là. Les deux organisations ont la volonté de « faire cesser le préjudice », ce qui implique la fermeture pure et simple de la plateforme ou, à défaut, de son blocage en France au niveau des fournisseurs d’accès à Internet, à la manière du cas Allostreaming. « On réfléchit à tous les moyens juridiques et techniques », nous indique-t-on.
Et concernant les visiteurs eux-mêmes ? Ce n’est pas la première priorité de l’Alpa et de la Sacem, qui veulent d’abord s’attaquer à la tête de cette contrefaçon en bande organisée à grande échelle. Mais là encore, la porte n’est pas totalement fermée. « Aller chercher peut-être le consommateur, c’est dans les cartons aujourd’hui ». À moins bien sûr, qu’il ne s’agisse que de faire peur…
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