Qu’il est difficile de résumer El Paso, Elsewhere, hommage survitaminé aux vieux jeux de tir (pensez à Max Payne) et à l’univers fantastique. Un jeu clairement sous substance illicite.

Je ne sais pas ce que prennent les développeurs de El Paso, Elsewhere mais, passez-moi l’expression « C’est de la bonne ! ». Disponible depuis le 26 septembre 2023 sur PC et Xbox, ce jeu d’action est un fourre-tout, doublé d’un hommage aux vieux TPS. Il suffit d’énumérer tout ce qu’on y croise pour comprendre l’étendue de sa folie : dans un hôtel du Texas immense et truffé de dimensions parallèles, on doit éliminer des goules, des loups-garous, des sorcières, des chevaliers… On passe de chambres assez quelconques dans l’architecture, à un cimetière, voire à un château. Il y a même un soupçon de décors antiques, preuve que El Paso, Elsewhere ne s’épanouit jamais autant que quand il part dans tous les sens.

Pourquoi le héros se lance-t-il dans un tel bazar ? Tout simplement parce qu’il pourchasse Draculae, seigneur des vampires qu’il chérissait tant auparavant. Motivé comme jamais, le voilà dans l’obligation d’arpenter un labyrinthe aux graphismes volontairement ignobles. Très souvent, El Paso, Elsewhere ne ressemble à rien, mais c’est voulu. Très souvent, par ailleurs, on se demande vraiment ce qu’on fait là, à peine motivée par cette envie de vider ses chargeurs sur des créatures à la résistance toute relative. En célébrant l’étrange, El Paso, Elsewhere accroche. Surtout, il rappelle une référence du genre : Max Payne.

El Paso, Elsewhere est surtout un bel hommage à Max Payne

Le studio Strange Scaffold a volontairement conçu ce qu’on appelle un demake — l’exact inverse du remake qui joue sur la nostalgie — pour ressembler le plus possible au premier Max Payne, qui date quand même de 2001. En résulte un rendu graphique grossier, pixelisé, moche, bugué… Le visage du personnage principal semble tout droit sorti de l’imaginaire de Picasso, comme c’était le cas de Max Payne (modélisé à l’effigie de Sam Lake, son créateur). On a vraiment l’impression de replonger dans un passé où les limites technologiques demandaient beaucoup d’indulgence. À noter que El Paso, Elsewhere est un jeu très sombre, lié à son ambiance néo-noir. On se croirait parfois dans un film de Nicolas Winding Refn (Drive, Only God Forgives), quand l’écran s’illumine de couleurs aveuglantes — le rouge en tête.

On se croirait parfois dans un film de Nicolas Winding Refn

El Paso, Elsewhere se distingue aussi par sa bande-son d’orfèvre, qui va piocher dans les mélodies industrielles et la scène hip-hop. Là encore, l’orientation musicale choisie paraît invraisemblable, mais c’est étonnamment du miel dans les oreilles. Un peu plus, en tout cas, que les belles phrases prononcées par le héros, qui matérialise sa solitude et ses tourments par des monologues (en anglais). Il ressemble à cet homme au bord du précipice, qui marmonne une dernière fois avant le dernier grand saut. On comprend que El Paso, Elsewhere, derrière sa folie étalée à tout bout de champ, est d’abord une expérience psychédélique.

El Paso, Elsewhere // Source : Capture Xbox
Évidemment, il y a des chats mignons // Source : Capture Xbox

Avec ses pieds bien posés dans une époque révolue, le jeu de Strange Scaffold s’en remet à un gameplay old-school. Vous avez joué à Max Payne ? Alors vous y retrouverez les sensations proposées à l’époque par Remedy (Control). El Paso, Elsewhere va jusqu’à reprendre à son compte le bullet time, ralentissement du temps, qui fait écho à Matrix (mais n’est pas une copie). Il est activable quand on fait un plongeon sur le côté ou en appuyant sur une touche. Les ennemis ne sont guère impressionnants, mais on a vite fait de se faire acculer si on ne fait pas attention, et ce pouvoir peut s’avérer utile. D’autant que, petite subtilité qui accentue le défi, le héros ne recharge pas automatiquement ses armes. Il faut tout faire soi-même, ce qui peut conduire à des séquences de panique quand l’action s’emballe.

El Paso, Elsewhere se permet quand même une petite fantaisie — une de plus — en ajoutant des pieux à l’arsenal à disposition de la joueuse ou du joueur. On peut en récupérer simplement en cassant des objets en bois (logique) ; ils permettent de tuer d’un coup la moindre créature qui viendra se coller trop près de nous. Plutôt pratique, sachant que l’objectif des niveaux est le même : nettoyer un étage (en sauvant quelques âmes en peine au passage) et faire demi-tour pour passer au suivant. On ne comprend pas toujours tout ce qui se passe, mais le plaisir est ailleurs : il est dans l’expérience dans ce qu’elle a de plus récréative, artistique et originale. Si le LSD n’était pas illégal et dangereux, il devrait être fourni avec.

El Paso, Elsewhere // Source : Capture Xbox
On se demande souvent dans quoi on met les pieds // Source : Capture Xbox

Le verdict

Dans la vie, il faut parfois savoir lâcher prise. Et c’est un exercice qui apparaît indispensable pour se lancer dans El Paso, Elsewhere, un jeu d’action oldschool qui cherche à rendre hommage à Max Payne (un monument du genre). Imbibé dans une direction artistique volontairement grossière et choyée par une bande son incroyable, cet OVNI sait appuyer là où ça fait mal : la nostalgie.

On se demande souvent ce qu’on fait dans cet El Paso, Elsewhere, mais la rapidité de ses niveaux, la frénésie de son rythme et le plaisir immédiat de son gameplay suffisent pour accrocher. La seule proposition est déjà un tour de force, et comme il est bien exécuté, il se transforme en vraie réussite. L’expérience de jeu, psychédélique, donne l’impression de prendre de la drogue, sans en prendre. D’où son argument addictif, où chaque niveau serait un petit shoot.

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