Reboot d’un jeu médiocre qui singeait maladroitement Dark Souls, Lords of the Fallen a tiré quelques enseignements de ce premier échec. Mais il reste encore un long chemin à parcourir pour se hisser à la hauteur du maître.

Cinq immenses faisceaux d’une couleur rouge sang partent du sol pour transpercer le ciel. Un élu, qui reçoit une mystérieuse lanterne, doit alors les purifier pour empêcher les forces du Mal de sévir, à nouveau. Il n’y a pas vraiment d’autres explications, il faudra s’en contenter : il y a simplement un objectif très difficile à accomplir. Bienvenue dans Lords of the Fallen, reboot d’un jeu éponyme sorti en 2014, dont le but est de s’inscrire dans le genre si périlleux des soulsborne — inspiré de la trilogie Dark Souls.

En 2014, Lords of the Fallen était, n’ayons pas peur des mots, une véritable purge. Un peu moins dix ans plus tard, l’éditeur CI Games retente sa chance avec d’autres ambitions, un nouveau moteur graphique (Unreal Engine 5) et un autre studio (Hexworks remplace Deck13). Cette dernière décennie, les soulsborne n’ont cessé d’être perfectionnés par FromSoftware, qui s’est carrément permis d’intégrer sa formule exigeante dans un monde ouvert. Autant le dire tout de suite, Lords of the Fallen n’est pas le nouvel Elden Ring. Il se contente plutôt d’essayer d’être un Dark Souls correct, sans vraiment y parvenir.

Entre 2014 et 2023, Lords of the Fallen n’a pas appris grand-chose

Les bases d’un soulsborne sont là : des checkpoints éparpillés qui font revivre les ennemis, des combats difficiles à appréhender, des boss qui apprennent l’art de la résilience, les points d’expérience qui s’évaporent si on ne retourne pas à son cadavre, une narration cryptique qui se contente de schémas étranges pour indiquer le cap, une progression à comprendre soi-même… Lords of the Fallen est allé à bonne école, reproduisant avec toute la bonne volonté du monde la structure des jeux de FromSoftware. Les amatrices et amateurs seront d’abord conquis par cette proposition suffisamment fidèle pour croire en l’illusion d’un Dark Souls 4. Mais, très vite, on se rend compte que Hexworks a oublié de doser sa proposition. Pour compenser son manque de maîtrise ?

On se fait canarder, tout le temps

Plus on avance dans Lords of the Fallen, plus on se rend compte que les développeurs ont oublié d’équilibrer leur jeu et de poser des jalons évidents. En raison de cette volonté d’opacité extrême, on peut passer à côté d’éléments cruciaux pour avancer sereinement (exemple : la Forgeronne doit être libérée pour améliorer ses armes). Quand ce n’est pas une clé importante qui est donnée après avoir terrassé un ennemi quelconque. Un vrai problème, quand on sait que l’aventure suit une trajectoire rectiligne, et une source de pénibilité extrême dans la traversée des environnements. Lords of the Fallen manque trop souvent de clarté. Les plus téméraires se sentiront honorés de réussir. Mais les autres ne feront que pester, encore et encore.

Lords of the Fallen // Source : Capture PS5
La classe à Dallas // Source : Capture PS5

On peut reconnaître à Lords of the Fallen son architecture pensée avec un esprit torturé, accouchant d’environnements labyrinthiques assez vertigineux (y compris dans la verticalité). Il est toujours surprenant de constater qu’une porte franchie au bout de dix heures de jeu est en réalité liée à l’une des premières zones traversées. Malheureusement, ces décors sont constamment remplis de pièges imaginés pour jouer avec nos nerfs. On ne compte plus le nombre de fois où un ennemi nous attend au détour d’un couloir (au bout de cinq, on en a marre), sans compter que le jeu abuse des adversaires capables de punir à distance. Et que dire de ces objets qui cachent en réalité un monstre qui va vous laisser quasiment pour mort…

Tous ces ingrédients, qui participent à l’augmentation factice de la difficulté, font qu’on n’avance jamais sereinement dans Lords of the Fallen. On se fait canarder, tout le temps, alors qu’on essaie de trouver son chemin dans ces enfers virtuels (pensez à la pire zone de Dark Souls 2 et multipliez-la par 100). Par conséquent, à force d’être sur le qui-vive en permanence, on ne s’amuse jamais vraiment. Pour ne rien arranger, les checkpoints sont très espacés, bien que ce point soit compensé par le fait qu’on peut en créer soi-même. Là encore, les développeurs vont trop loin dans l’extrême : il faut un objet pour placer un checkpoint éphémère et on peut le gaspiller bêtement si on l’utilise au mauvais endroit. Parfois, on a le sentiment que Lords of the Fallen nous tend une main bienveillante, pour mieux nous décocher un uppercut dans la foulée.

Lords of the Fallen // Source : Capture PS5
Vous avez dit lugubre ? // Source : Capture PS5

Les affrontements ne sont pas très grisants non plus, particulièrement face à des boss équilibrés de manière étrange. Guère impressionnants visuellement, ils ont certains coups trop punitifs par rapport à leur barre de vie immense — autre artifice pour gonfler la notion de défi en étirant le combat plus que de raison. Lords of the Fallen privilégie une approche plus offensive, comme Bloodborne et Lies of P. Concrètement, il est encouragé de parer les attaques pour faire baisser la jauge de garde et asséner un coup puissant. Bloquer entamera votre barre de vie avec des dégâts d’érosion, qu’on pourra récupérer en ripostant. Mais si vous reprenez un coup, vous perdrez tout. Une philosophie « High risk, high reward » (un risque élevé pour un gain élevé) qui dynamise les combats, même si le timing des parades est complexe à lire sur certaines animations douteuses.

Lords of the Fallen // Source : Capture PS5
Ce boss a 150 000 PV (au moins) // Source : Capture PS5

Lords of the Fallen tente quand même d’apporter sa pierre à l’édifice avec une idée intéressante. La fameuse lanterne obtenue dans l’introduction permet de voyager dans le monde des morts. Il offre une autre vision du jeu et sert surtout dans l’exploration, avec des passages bloqués qui, d’un coup, ne le sont plus. Petit twist : on peut se rendre à l’envi chez les morts, mais le voyage retour ne peut se faire que depuis des totems dédiés.

Autre twist : quand on meurt dans le monde des vivants, on a une sorte de deuxième chance dans celui des morts.

Dernier twist : il y a bien plus d’ennemis dans le monde des morts et on y recouvre sa santé plus difficilement, ce qui ne donne pas vraiment envie de s’y attarder. Lords of the Fallen essaie donc d’être un jeu double, et c’est plutôt réussi sur ce point.

Lords of the Fallen // Source : Capture PS5
Ceci est un bug (ne faites pas ça chez vous) // Source : Capture PS5

On pensait que l’utilisation du moteur Unreal Engine 5 offrirait un rendu visuel chatoyant, ce qui peut paraître paradoxal pour un jeu à la direction artistique lugubre. Nos quinze premières heures se sont avérées assez encourageantes sur PS5 (en mode performance pour un framerate maximal). Puis, les choses se sont corsées. On a commencé à connaître un nombre incalculable de problèmes techniques, allant du simple ralentissement (une hérésie pour un jeu qui demande de la précision) à des bugs de collision nous faisant passer à travers le sol. Fort heureusement, Lords of the Fallen a déjà reçu plusieurs mises à jour majeures pour rectifier le tir, mais la manière dont il tourne reste erratique. D’ailleurs, l’éditeur CI Games a prévenu les propriétaires d’une console Xbox sur les soucis qu’ils pourraient rencontrer en attendant d’autres patchs.

Le verdict

Lords of the Fallen cherche une fois encore à singer Dark Souls avec les ambitions d’un gorille. Mais il se retrouve finalement dans la peau d’un macaque à l’article de la mort. En dépit d’une idée forte (deux mondes qui communiquent) et de belles ambitions dans l’architecture des niveaux, le titre tombe dans la caricature excessive. Et à force de tendre des pièges aux joueuses et aux joueurs, il finit par se piéger lui-même. Sans compter la dette technique qu’il essuie sur les consoles, laquelle sera peu à peu effacée par des mises à jour. C’est dommage, car le genre des soulsborne accueille de plus en plus de membres respectables, comme l’a prouvé Lies of P quelques semaines avant Lords of the Fallen. N’est pas FromSoftware qui veut, et le studio japonais prouve, sans rien faire, qu’il n’a encore aucun égal. D’ailleurs, Lords of the Fallen n’essaie même pas de se comparer à Elden Ring, alors qu’il peine déjà à être un Dark Souls satisfaisant. L’épisode original de 2014 était encore pire, et on se dit qu’un troisième essai pourrait peut-être être le bon. Dans dix ans ?
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