Il arrive parfois que l’on sorte du cinéma en imaginant la suite d’un film. Souvent, on regarde sur Internet pour voir si celle-ci est prévue ; et quand c’est le cas, on est partagé entre la joie de pouvoir continuer l’histoire, et la crainte que celle-ci ne soit pas à la hauteur — comme cela arrive bien souvent avec une suite.
Rappelez-vous : en 2011 sortait Limitless, l’adaptation cinématographique du roman The Dark Fields d’Alan Glunn. Le film de Neil Burger se prêtait particulièrement bien à une suite, mais celle-ci s’est faite attendre, jusqu’à ce que CBS se décide d’en faire une adaptation télévisuelle.
Limitless reprend l’idée usée que l’homme n’utilise que 10 % de son cerveau. Le NZT, une drogue expérimentale, permet à qui la prend d’avoir accès aux 90 % restants pendant douze heures. Les sujets sous NZT deviennent des calculateurs humains hypermnésiques, et ont dix longueurs d’avance sur une personne normale. Il n’en fallait pas plus pour que Craig Sweeny, un habitué des personnages aux capacités extraordinaires (Elementaly, Medium) en fasse une série policière.
Une suite plus qu’une simple adaptation
Dans le film, Bradley Cooper (Very Bad Trip, American Sniper, Joy) incarnait Eddie Morra, un écrivain tire-au-flanc à la page désespérément blanche, qui végétait jusqu’à ce que son ex-beau-frère lui propose la mystérieuse pilule magique. La série éponyme ne fait pas que reprendre l’histoire de l’œuvre cinématographique, elle la continue et n’hésite pas à emprunter sa construction narrative, sa musique, ses effets visuels… Et même son acteur principal !
Dès le pilote de la série, on aperçoit les posters de campagne d’Eddie Morra, qui brigue alors son second mandat de sénateur. On sait donc que Limitless reprend quelques années après le moment où le film nous avait laissé, et que Bradley Cooper reviendra dans son personnage. Mais le rôle de Cooper est secondaire, trop occupé sur ses projets hollywoodiens : l’acteur est ici le liant, la caution qui justifie l’adaptation. On suit désormais Brian Finch, qui est ni plus ni moins qu’une sorte d’alter ego de Morra pré-NZT.
Brian (McDorman) est un artiste sans succès et un être humain dénué d’ambition. Il va rencontrer par hasard un ancien membre de son groupe de musique alors qu’il effectue un petit job ennuyeux. Et en souvenir du bon vieux temps, l’ami — devenu depuis un banquier d’investissement — va offrir à Brian un cachet de NZT. Brian découvre les merveilleux avantages de cette drogue… et, CBS oblige, il en profite pour faire le bien. Le jeune homme est alors embarqué dans une série d’événements qui le dépassent complètement et se retrouve à travailler comme consultant pour le FBI. Comme ça.
Une bonne surprise
En commençant Limitless, on s’attendait à tout sauf à une série sans limites. Les thrillers mettant en scène des individus aux capacités extraordinaires ont souvent ce côté « procédural », qui finit par lasser au bout du troisième épisode. Mais l’un après l’autre, on comprend que l’axe narratif principal est omniprésent, et que les intrigues nouvelles introduites à chaque épisode ne sont là que pour le faire progresser.
Si la formule arrive à nous convaincre, c’est surtout grâce à la performance de Jake Mcdorman. L’acteur porte à lui seul toute l’ambition de la série, quitte à nous faire oublier son sidekick, pourtant jouée par l’excellente Jennifer Carpenter (Debra dans Dexter).
Super intello le jour, humain moyen la nuit, Brian n’est pas l’archétype du personnage supérieur et les scénaristes ont exploité tout le potentiel qu’offrait le passage du slacker au génie. Cette dualité confère à la série un ton décalé complètement assumé. Même quand il est sous NZT, le personnage ne peut pas s’empêcher de tourner en ridicule le sérieux de l’institution qui l’accueille. La légèreté et le cynisme du personnage contrastent avec la rigidité habituelle du genre.
La série est ponctuée de monologues introspectifs, sous forme de voix off et d’apostrophes, où la raison chimiquement acquise discute avec l’immaturité naturelle du personnage. C’est sans aucun doute la personnalité barrée de Brian qui humanise le génie et tient le spectateur éveillé. Et parfois, c’est à se demander si les scénaristes ne sont pas eux-mêmes sous l’effet d’une drogue expérimentale.
Un show au second degré
Dans Limitless, les raisonnements les plus capilotractés sont entrecoupés de présentations sous carton-pâte ou d’hallucinations délirantes. Par exemple, dans un épisode, un personnage de dessin animé apparaît dans l’imaginaire de Brian pour filtrer la violence du script.
Pour vous faire une idée, durant tout l’épisode, les scénaristes se sont amusés à remplacer les occurrences aux termes « meurtres » et « meurtriers » par des « câlins » et des « câlineurs ». Autre exemple : dans la plupart des fictions policières, le pseudo charabia scientifique est présenté avec des animations sophistiquées. Rien de tel dans Limitless où Brian préférera toujours un bon projet d’art plastique digne d’un enfant moyen de cours préparatoire à une présentation Powerpoint.
Même sous NZT, on se sent plus proche de ce personnage mal rasé que d’autres enquêteurs plus formulaïques. Plus décontracté que charismatique, il est parfait dans le rôle de l’idiot intelligent, ou posé autrement, dans celui de l’anti-héros héroïque. Limitless n’est certainement pas la série de l’année, mais c’est un bon divertissement, qui apporte un peu de fraîcheur dans l’univers mâché et remâché des séries policières.
La première saison de Limitless est en cours de diffusion sur CBS aux États-Unis. En France, les droits de la série ont été rachetés par M6, sans qu’on sache pour autant quand elle sera diffusée.
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