Midnight Special, le quatrième long métrage de Jeff Nichols, est enfin au cinéma. L’occasion pour le réalisateur de nous donner son interprétation de la science-fiction.

Quatre films en neuf ans : on a vu réalisateur plus prolifique que Jeff Nichols. Cet Américain de 37 ans né dans l’Arkansas est un habitué des longs métrages très réussis. Rares sont ceux qui ont découvert le réalisateur avec Shotgun Stories en 2007, mais il était difficile en 2011 de passer à côté du sublime Take Shelter, cette histoire de famille en pleine Amérique rurale mouvementée par les hallucinations de Curtis Laforche, jeune père qui imagine ou entrevoit l’apocalypse à venir. Essai transformé avec Mud, sorti en 2012, embarquant un Matthew McConaughey dans un personnage de fugitif torturé qu’il maîtrise à la perfection.

Après ces trois films sans erreur, c’est peu dire que Nichols était attendu sur son Midnight Special, excursion du réalisateur dans la science-fiction. Alors non, il ne faut pas s’attendre à un space opera ou un nanard assumé à base de robots guerriers : le synopsis du film garde la simplicité des précédents. Midnight Special, c’est l’histoire d’un père de famille, Roy (Michael Shannon), qui cherche à protéger son fils Alton (Jaeden Lieberher) d’une secte d’adorateurs et du FBI. Pourquoi ? Parce que les deux entités ont découvert qu’il avait des pouvoirs. Alors bien entendu, les premiers en font une sorte de Messie et interprètent son message comme une parole sacrée qui mènera l’humanité vers la fin du monde et les seconds se demandent si l’enfant n’est pas une menace pour la sécurité intérieure.

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Malgré ce que l’on pourrait croire en regardant l’affiche du film ou en voyant la lumière bleue qui sort des yeux d’Alton, Midnight Special est donc loin d’être un film qui parle d’extra-terrestres. C’est un drame familial dans le sud de l’Amérique, dans lequel un père cherche à protéger son fils. On retrouve le talent de Nichols pour créer et enrichir des personnages forts et attachants : il n’a besoin que de quelques minutes pour nous faire comprendre la gravité de la situation et le lien profond qui unit Alton et Roy. La mère du petit, jouée par une excellente Kirsten Dunst, représente la lucidité dans cette relation aveuglée par le désir d’un sauvetage : c’est elle qui comprend ce qui se passe et quelles pourront être les conséquences, à termes, de cette chevauchée à quatre — le dernier larron étant un ami d’enfance de Roy qui aide la bande par pur altruisme.

Comme dans Take Shelter et Mud, Nichols esquisse des pistes pour le spectateur sans jamais dévoiler toutes les ficelles de l’intrigue ou de la relation entre les personnages. C’est un regard au bon moment ou une parole en l’air, lâchée dans un dialogue rapide, qui nous informe et enrichit notre compréhension de la trame complète. Si l’on ajoute à cela l’amour du paysage et du beau à l’écran du réalisateur, on retrouve un peu de Tarkovski dans cette peinture science-fictive de la famille. Et comme chez le maître russe, la science-fiction est pour Nichols un prétexte plus qu’un genre à exploiter… jusqu’à déstabiliser complètement le spectateur.

Si vous allez voir Midnight Special en attendant des réponses, vous ne sortirez de la salle qu’avec des questions.

Car si vous allez voir Midnight Special en attendant des réponses, vous ne sortirez de la salle qu’avec des questions. Quelques séquences montrent les pouvoirs d’Alton dans le film, mais ces scènes irréelles sont à chaque fois minimisées par un retour au quotidien immédiat et brutal : la fuite. Le réalisateur ne donne ni les clefs pour comprendre le pourquoi de ces pouvoirs, ni leur comment, pas plus qu’il ne parle de l’arrivée de cet être étrange dans notre monde ou des modalités de son éventuelle sortie. Et de fait, tout le côté irréel de ce drame aurait pu être remplacé par un autre prétexte — celui-là est peut-être meilleur que la plupart, mais a le défaut de mettre le spectateur dans une soif de dénouement que le film n’assouvira jamais.

On sort de la séance avec un goût amer en bouche, loin de la terreur d’un Take Shelter ou de la tristesse d’un Mud. Mais l’amertume n’est pas un sentiment courant au cinéma et Nichols semble si bien maîtriser son univers qu’on se doute que cette sensation finale n’a pas été laissée au hasard et, plusieurs jours après, on continue de penser à cette étrange chevauchée. Comme les héros, le film a fui trop vite.

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Ailleurs dans la presse

  • Le Monde : « Il y a quelque chose d’étonnant à voir le cinéaste, venu de la production indépendante, franchir le pas du grand studio. »
  • Télérama : « Drôle de cavale, où la mélancolie le dispute à l’action. »
  • Le Figaro : « Un suspense maîtrisé. »
  • Libération : « Un propos distillé avec une économie de détails, selon un rythme à combustion lente. »
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