Dans un peu moins de deux mois, Overwatch sortira enfin sur PC, PlayStation 4 et Xbox One après une longue période de gestation. Jusqu’à récemment, la machine marketing de Blizzard était parfaitement huilée pour réussir au mieux le lancement commercial de son tout premier jeu de tir à la première personne. Malheureusement pour le studio, l’image de marque de son nouveau jeu vidéo vient de connaître sa première véritable controverse.
Cette polémique concerne Tracer, l’un des personnages principaux d’Overwatch. En effet, sur l’un des écrans du jeu, l’héroïne prend une pose très connotée : on la voit de dos, le regard en coin par-dessus l’épaule, avec la silhouette du corps parfaitement visible dans sa combinaison moulante et qui, de fait, met bien en évidence son postérieur. L’image parle d’elle-même.
Il n’en fallait pas moins pour déclencher un billet de protestation sur les forums officiels de Blizzard. Mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas le fait de donner une allure sexy à un personnage féminin qui suscite l’ire du joueur à l’origine de la controverse. C’est le fait d’avoir donné cette pose-là à un personnage qui, dans son histoire et dans son comportement, est à cent lieues de toute sexualisation.
« D’un point de vue marketing, elle est au centre du spectacle. C’est une grande héroïne. Lorsque nous regardons la façon dont elle est présentée dans les médias promotionnels, dans l’histoire et dans les œuvres d’art, nous savons quelques petites choses à son sujet : elle est rapide. Elle est timbrée. Elle est aimable. C’est une bonne amie. Son corps semble fait d’environ 95 % de cran », écrit l’auteur du message.
Qu’est-ce que cette posture a à voir avec le personnage que vous avez construit avec Tracer ?
Et puis, celui-ci est tombé sur cette fameuse pose.
« Qu’est-ce que cette posture a à voir avec le personnage que vous avez construit avec Tracer ? Ce n’est ni amusant, ni timbré, cela n’a rien à voir avec le fait d’être un tueur d’élite ultra-rapide. Cela réduit juste Tracer à l’état de banal sex symbol féminin un peu fade », poursuit-il, dépité. Bref, cela ne rend pas service à Tracer, qui était bien parti pour être un personnage féminin fort, sans connotation sexuelle.
Et l’intéressé de bien préciser qu’il ne s’agit pas pour lui de retirer tout aspect sexualisé du jeu vidéo. Dans Overwatch, il y a des personnages qui sont taillés pour ça. C’est surtout le cas de Fatale, dont le look est clairement érotique : vêtements serrés, décolleté plongeant, taille fine et cambrure exagérée, etc. Dans une moindre mesure, ces remarques valent aussi pour Symmetra, un autre personnage féminin.
« Nous ne cherchons pas à avoir une pose à la Fatale [avec Tracer], ce n’est pas un perso qui est en partie défini par l’affichage de sa sexualité. Cette pose-là suggère au joueur de base, oh nous avons tous ces personnages diversifiés et cools, mais à tout moment, nous sommes disposés à les réduire à des symboles sexuels pour aider à stimuler les ventes de notre jeu », fait-il remarquer.
Blizzard retire la pose chez Tracer
L’affaire a évidemment déclenché une importante conversation dans la communauté des joueurs, entre ceux appuyant la position du joueur à l’origine du message et ceux critiquant son point de vue. Au total, l’affaire a donné lieu à une discussion d’une trentaine de pages et a fini par pousser Blizzard à prendre la parole à travers la voix de Jeff Kaplan, le directeur responsable du développement du titre.
Après réflexion, le studio a tranché : la pose controversée de Tracer sera retirée du jeu. « En fait, nous avons déjà une autre pose que nous aimons et nous trouvons qu’elle correspond plus au caractère de Tracer. Nous n’étions pas entièrement satisfaits de la pose d’origine », écrit le directeur d’Overwatch. « La dernière chose que nous voulons est que quelqu’un se sente mal à l’aise, sous-estimé ou dénaturé ».
Dans Overwatch, Blizzard s’est efforcé de présenter des personnages aux origines très diverses et aux looks variés. Pour les seuls personnages féminins, ceux-ci proviennent d’Inde, d’Égypte, de Chine, de Corée du Sud, de Suisse, de Russie, d’Angleterre et de France. Leur chara design balaie des styles variés, de la femme forte au personnage kawaii, en passant par la femme tout en armure ou celle emmitouflée dans des vêtements d’hiver.
Sexisme dans les jeux vidéo
La controverse qui a touché Blizzard survient dans un contexte spécifique. Aux États-Unis, le « gamergate », nom qui désigne ce mouvement informel de joueurs antiféministes très décrié, suscite une vaste polémique. Comme le rappelle Le Monde, le festival SXSW a même dû annuler deux conférences sur le jeu vidéo, sa communauté et le harcèlement à la suite de « nombreuses menaces de violences ».
Finalement, le SXSW a finalement a fait machine arrière et programmé cette journée spéciale pour discuter de cette problématique. Il faut dire que les festival avait essuyé de lourdes critiques après ces annulations, alors que le « gamergate » est accusé de conduire de véritables campagnes de harcèlement en ligne pour empêcher la tenue de débats sur la place de la femme et de sa représentation dans le jeu vidéo.
En France, cette problématique a pris de l’ampleur à la suite de la publication d’un article de blog il y a trois ans, dans lequel Mar_Lard dénonce le sexisme chez les geeks et l’incapacité de ces derniers à se remettre en cause.
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