C’est un début de carrière plus que satisfaisant pour Miitomo. Lancée au Japon il y a deux semaines, la toute première application mobile de Nintendo est désormais proposée dans le monde entier. Il faut croire qu’elle était très attendue par le public puisque l’entreprise japonaise indique ce vendredi matin que Miitomo a dépassé les trois millions d’utilisateurs dans le monde.
Miitomo, qu’est-ce que c’est ?
Disponible sur Android et iOS, Miitomo est une application de conversation entre amis. Il ne s’agit donc pas d’un jeu vidéo où vous dirigez un personnage à travers toutes sortes de périples, comme Mario ou Link. Ici, vous devez créer un avatar virtuel — si possible à votre image — et interagir avec ceux de vos amis via un système de questions / réponses. L’idée ? Provoquer des conversations nouvelles avec eux.
Les questions auxquelles nous avons été confrontées sont plutôt bon enfant : « qu’est-ce que tu aimes manger par-dessus tout ? », « quel est ton type de pain préféré ? », « que t’est-il arrivé récemment ? » ou encore « qu’est-ce qui est populaire dans ton entourage ces derniers temps ? ». Libre ensuite à l’usager de donner une réponse sensée ou de raconter des bêtises, comme un « pain dans la figure » à la deuxième question, par exemple (oui, on est drôle).
Vous l’aurez compris, le principe même de Miitomo fait que les questions posées revêtent un caractère très personnel. Vous pouvez bien sûr répondre à côté de la plaque, mais ce sont bien entendu des réponses plausibles qui sont attendues, d’autant que vous êtes mis en relation avec vos proches, ce qui incite à donner des informations viables et à ne pas être systématiquement dans la petite blague.
La politique de données personnelles
Dès lors, faut-il considérer Miitomo comme un aspirateur à données personnelles qui se cache derrière une sympathique application de conversation ? Puisque la politique de confidentialité de Nintendo n’est pas directement abordée dans la foire aux questions de l’application, c’est en direction d’une autre page qu’il faut se tourner, plus juridique.
L’entreprise nipponne applique en effet une politique de confidentialité propre à Miitomo, qui fixe les règles de collecte et de protection des données personnelles. En installant et en jouant à Miitomo, l’utilisateur accepte donc « le recueil et le stockage des données à caractère personnel (telles que le pays de résidence, date de naissance et sexe), des informations relatives à l’appareil qui est utilisé (telles que l’adresse IP, adresse MAC, numéro de série et paramètres de connexion Internet), des informations relatives aux opérations que le joueur effectue dans Miitomo et des informations sur vos modalités d’utilisation de Miitomo ».
Nintendo précise également que « nous traitons les données relatives à vos activités telles que le pseudonyme, l’aspect et le profil du personnage qui vous représente dans le Produit numérique, les codes alphanumériques attribués à votre compte utilisateur, les amis et favoris que vous avez enregistrés, les autres utilisateurs avec lesquels vous avez joué, le Contenu généré par l’utilisateur que vous avez téléchargé, mis en ligne ou de quelque autre manière mis à disposition par l’intermédiaire du Produit numérique, les données relatives à votre présence en ligne et d’autres données se rapportant spécifiquement aux fonctionnalités du Produit numérique que vous utilisez ».
Ce n’est pas dit explicitement, mais on devine qu’à travers les « données relatives à vos activités », le « contenu généré par l’utilisateur » ou les « autres données se rapportant aux fonctionnalités », Nintendo vise aussi les réponses apportées par les utilisateurs aux questions qui leur sont posées.
« Nous pouvons également recueillir les données relatives à l’historique de vos activités telles que les fonctionnalités du Produit numérique que vous avez utilisées, les heures auxquelles vous avez joué, votre niveau, votre score et votre position dans le jeu, ainsi que des rapports d’erreur », ajoute enfin l’éditeur.
Ce que fait Nintendo avec les données
Toujours selon la politique de confidentialité de l’application, Nintendo se sert de toutes ces données collectées pour « fournir à l’utilisateur des contenus et services via Miitomo », pour « utilis[er] des données recueillies sous forme agrégée à des fins d’analyses démographiques et statistiques permettant à Nintendo d’améliorer et d’optimiser ses contenus, produits et services », mais aussi pour réaliser et exploiter un profil de l’utilisateur lui-même.
Ainsi l’éditeur prévoit « l’utilisation des données recueillies à des fins de recherche marketing et d’études de marché grâce auxquelles Nintendo peut personnaliser ses contenus et services disponibles par l’intermédiaire de Miitomo, de façon à répondre aux besoins du joueur et adapter les recommandations, publicités et offres de Nintendo qui lui sont communiquées par l’intermédiaire de Miitomo ».
Nintendo précise à cet égard que « l‘usager peut demander à tout moment que ses données ne fassent plus l’objet d’une telle utilisation ». Et l’on trouve effectivement dans l’application une option à activer pour interdire le partage des données, dans la rubrique « Autres » du menu, section « À propos de cette application», puis « Partage des données d’utilisation ».
En revanche, Nintendo ne s’autorise pas à revendre les données à des tiers. Si le texte prévoit le partage des données « avec d’autres entités du groupe Nintendo situées dans l’espace économique européen et aux États-Unis », il ne permet aucun transfert vers d’autres entreprises, à l’exception des sous-traitants qui restent sous le contrôle de Nintendo.
Évidemment, toutes les réponses aux questions posées dans Miitomo n’intéresseront pas Nintendo. On imagine par exemple que celles relatives à l’alimentation du joueur n’ont pas d’utilité pour une entreprise dont la spécialité est le jeu vidéo (à moins, ce qui n’est pas à exclure, qu’il s’agisse de vendre des publicités pour des pâtes à des joueurs qui aiment des pâtes). En outre, des réponses volontairement à côté de la plaque pour rigoler entre amis ne seront pas vraiment exploitables. Mais d’autres pourront sans doute l’être. C’est toute la subtilité du dispositif.
Les réponses sont apportées dans des champs libres, mais les progrès de l’intelligence artificielle et des moteurs syntaxiques sont tels que Nintendo n’aura pas de mal à extraire et analyser les réponses dans une grande base de données, comme le font déjà les Google ou Facebook en analysant les textes saisis par les internautes.
Une suppression facile des données
Il faut toutefois reconnaître à Nintendo de faire les choses proprement. D’abord, comme nous l’avons vu, parce qu’il est possible de désactiver la collecte de données. Ensuite, parce qu’il est possible de s’inscrire sans avoir à créer un compte Nintendo ou à s’associer à un compte existant (c’est uniquement une option).
Le profil créé pour Miitomo peut donc rester dans Miitomo et ne pas être exploité pour d’autres jeux ou applications Nintendo, même si l’éditeur incite à le faire, ou à relier son compte à un profil Facebook ou Twitter.
La connexion à Facebook et Twitter n’est pas obligatoire, mais le jeu propose de s’y connecter afin de retrouver des amis
Par ailleurs, Nintendo ne fait pas de difficulté à supprimer les données, comme le précisent les documents contractuels :
Vous pouvez réviser ou modifier les informations que vous avez fournies dans les paramètres de votre Produit numérique, en remplissant et en envoyant le formulaire proposé dans le Produit numérique, ou en adressant un courrier électronique à Nintendo : [[email protected]]
Vous pouvez à tout moment supprimer vos informations en supprimant votre compte utilisateur dans les paramètres du compte du Produit numérique, en remplissant et en envoyant le formulaire proposé dans le Produit numérique, ou en adressant un courrier électronique à Nintendo. Vos données seront supprimées à moins que nous ne soyons tenus ou autorisés par la loi à les conserver.
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