Certes, Rebel Moon est décrit comme l’univers SF de Zack Snyder. C’est le cas : il s’agit d’un vaste space opera, au cadre géopolitique réparti sur plusieurs planètes. Mais la saga qu’il développe ne puise pas seulement dans la science-fiction. Vous l’observerez durant le film (dont la Partie 1 : Enfant du feu sort ce 22 décembre 2023 sur Netflix), et la bande-annonce le tease déjà : des événements étranges, mystiques, surviennent dans cette saga.
Car, en réalité, Rebel Moon ne correspond pas uniquement à la SF : il s’agit en grande partie d’une saga de science fantasy. Ce n’est pas la première fois que ce sous-genre pointe le bout de son nez dans une saga grand public.
La science fantasy puise à la fois dans la science-fiction et la fantasy, en mélangeant les codes des deux. En général, elle implique un cadre multiplanétaire, des vaisseaux spatiaux, un futur lointain ou une zone galactique distante et floue, ce qui correspond plutôt à la SF. Mais on y trouve des événements ou usages proches de la magie et du merveilleux — soit les codes de la fantasy épique. Inversement, il peut y avoir des éléments technologiques ou scientifiques dans un monde médiéval de fantasy.
Star Wars, Dune… est-ce de la science fantasy ?
Rebel Moon appartient à ce genre en raison de phénomènes qui ne semblent pas scientifiquement explicables, ou sont difficiles à sourcer technologiquement (ils ne sont pas générés par un procédé ingénierique identifiable). En plus de l’omniprésence de schémas religieux, voire mystiques, à l’iconographie proche de la fantasy. En littéraire, la science fantasy s’est exprimée dans les romans de de Anne McCaffrey, Carolyn J. Cherryh, Marion Zimmer Bradley, Pierre Bordage, ou encore Jack Vance (la liste est bien plus longue).
Une célèbre saga cinématographique, de laquelle est inspiré Rebel Moon, a longtemps fait l’objet de ce qualificatif : Star Wars. La saga créée par George Lucas a, en effet, été prise dans un débat culturel sur sa classification : est-ce vraiment de la SF, ou bien aussi un peu de la fantasy ? S’il s’agit surtout de SF, la « guerre des étoiles » répond aussi au motif de la science fantasy.
La première trilogie de Star Wars dresse un monde typique de la SF, avec un empire galactique, des vaisseaux spatiaux, etc. : mais ce monde ne repose pas toujours sur des lois qui semblent scientifiquement identifiables. Des propres mots de George Lucas, d’ailleurs : « Je ne suis pas un grand amateur de mathématiques et de sciences. (…) Lorsque j’ai réalisé Star Wars, je n’ai pas été retenu par quelque science que ce soit. Je me suis simplement dit : ‘Je vais créer un monde amusant et intéressant, qui a du sens et qui semble avoir une réalité’. Une grande partie de ce monde est issue de notre histoire littéraire, de notre histoire sociale, comme les robots et tout ce qui s’ensuit. Une partie est basée sur des motifs mythologiques, la politique est basée sur l’histoire. Il y a beaucoup de réalité culturelle qui n’est pas nécessairement scientifique, mais plutôt sociale. »
Parmi les grandes sagas SF qui sont parfois classées en science fantasy, on retrouve aussi l’univers de Dune — entre les parts religieuses et mythologiques du récit, la prescience du héros et autres facultés psychiques.
La science fantasy est une question subtile, car elle interroge la définition que l’on peut avoir de la SF. Soit celle-ci est définie comme purement spéculative (futuriste), soit elle est définie comme scientifiquement ancrée dans les lois connues de notre réalité, soit elle correspond à quelque chose de plus vaste, obéissant à certains codes, mais rien de plus. L’écrivain de SF Arthur C. Clarke a apporté sa pierre à l’édifice de ce questionnement quand il écrivait : « Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie. » Ainsi, des phénomènes inexplicables ayant lieu dans un univers de SF ne sont pas nécessairement assimilables à la même magie que celle survenant dans un monde fantastique ou de fantasy. On peut considérer (narrativement) qu’il s’agit de lois différentes, ou non encore découvertes.
Sans doute cela explique-t-il la faible popularité du terme science fantasy : les sagas de SF qui explorent une forme d’existentialisme iront souvent explorer des civilisations si avancées qu’elles semblent incompréhensibles ; et verront des phénomènes étranges, difficiles à expliquer. C’était après tout le cas de Star Trek, la saga de science-fiction de référence. De fait, la « science fantasy » relève davantage d’un sous-genre, une étiquette supplémentaire pour définir une œuvre qui mélange les genres, plutôt que d’un genre complet aussi marqué que la SF ou la fantasy.
Il n’est pas étonnant que Rebel Moon appartienne au motif de la science fantasy. La saga de Zack Snyder puise dans la plupart des sagas SF de ces dernières décennies, qui elles-mêmes en sont imprégnées, ou au moins partiellement pour beaucoup.
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