Ça y est. Le grand plongeon — vers la médiocrité, la honte puis l’oubli — est terminé pour l’univers cinématographique DC Comics (DCEU). Dix ans après Man of Steel, Aquaman et le Royaume perdu, en salles le 20 décembre 2023, plante l’ultime clou dans ce qui ressemble à l’un des cercueils les plus lourds à porter dans l’histoire du cinéma. Il incombe quand même à Jason Momoa de bomber le torse une dernière fois pour faire bonne figure, à minima terminer sur une bonne note.
Le premier film Aquaman est loin d’être le pire long métrage du DCEU. Au moment de faire le bilan, il pourrait même devenir l’un des meilleurs avec sa capacité à incarner un plaisir coupable. Derrière son habillage ultra kitsch dépeignant tout un univers sous-marin entre SF et heroic fantasy, dans un gloubi-boulga rigolo, Aquaman s’apparente à un Star Wars sous l’eau. Aquaman et le Royaume perdu, la suite, s’efforce de faire pareil en misant sur une réalisation de haut vol. Néanmoins, à force de ne pas se positionner clairement entre la vaste blague et le très sérieux, le film se noie dans un ton trouble. Sans véritable bouée de sauvetage à laquelle s’accrocher, puisque le film est livré à lui-même.
Aquaman 2 gagnerait à être encore plus kitsch
De manière très surprenante, Aquaman et le Royaume perdu s’appuie sur la cause climatique — la fonte des calottes glaciaires — pour donner un semblant d’épaisseur à un récit qui pourrait être écrit par un élève de CE2 (c’était la pollution dans Aquaman). « On ne fait qu’accélérer le processus », dira même fièrement Black Manta, a priori membre d’un parti anti-écolo. En résumé, le petit méchant du 1 devient un grand méchant dans le 2 après avoir récupéré un étrange mais puissant trident qui lui fait perdre la tête. Tout ça pour se venger d’Aquaman, trimballé entre son rôle de père dépassé et son statut de roi désintéressé. Voilà le super-héros contraint de s’associer à son frère, naguère grand méchant du 1, pour se débarrasser du grand méchant du 2. Vous voyez, c’est simple.
Le principal tort d’Aquaman et le Royaume perdu est de refuser le kitsch à outrance, alors que tout s’y prête. Aquaman est un bouffon au grand coeur qui n’en fait souvent qu’à sa tête. Sauf que les enjeux, si maigres soient-ils, le ramènent toujours à une forme de raison qui tranche avec le cirque visuel. Difficile d’être crédible quand on porte une armure en écailles oranges, qui plus est quand on parle aux dauphins. C’est encore pire quand le film prend des allures de buddy movie en associant Aquaman le clown et Orm le premier de la classe. Une schizophrénie se dégage d’Aquaman 2 et elle nous empêche de rire aux éclats. Les blagues tombent à l’eau et le rare sous-texte nous passe au-dessus. Il y a comme une retenue étrange, une cohabitation impossible, une apnée continue qui, forcément, ne laisse rien respirer.
On sent aussi que Aquaman et le Royaume perdu a été fait, parce qu’il devait être fait, sans réelle implication, sans envie de faire décoller les excellentes bases posées par le précédent film. Le lore d’Aquaman, composé de plusieurs tribus cohabitant avec des règles ancestrales, mériterait bien plus de considération et de mise en avant. Tout finit par être expédié, dans l’excès puis l’insignifiant. Hormis Black Manta, qui bénéficie d’une vraie montée dans la noirceur, animée par un désir de vengeance, personne n’évolue. Et n’attendez aucune alchimie entre Jason Momoa et Amber Heard, reléguée à de la figuration et isolée sur le tournage. Quand on en découvre les coulisses, notamment révélées par Variety, on peut difficilement être étonné. C’est même un miracle de constater à quel point Aquaman 2 navigue relativement droit tellement le bateau était ivre (comme Jason Momoa, paraît-il).
La réalisation sauve Aquaman 2 de la noyade
Heureusement pour Aquaman et le Royaume perdu, James Wan est un réalisateur incroyable. Celui qui s’est surtout fait un nom dans l’horreur (il y en a un peu ici, d’ailleurs) sait tenir une caméra et peut se défendre avec des plans bien réfléchis. En résultent des séquences d’action tout à la fois impressionnantes et lisibles. Elles mettent bien en avant la puissance des figures qui se battent, jouissent d’une variété à souligner et s’avèrent particulièrement bien chorégraphiées. On regrettera même que Black Manta et Aquaman ne croisent pas le trident plus souvent, tant un souffle épique aspire tout sur son passage quand c’est le cas. Tel un tsunami prêt à détruire tous ces décors inspirés. Au moins le DCEU s’offre un dernier joli film, ce qui n’aurait pas du tout été le cas avec l’immonde The Flash.
Plus sombre et moins dépaysant qu’Aquaman, Aquaman et le Royaume perdu matérialise un peu plus cette idée de Star Wars sous l’eau. Il y a des moments vraiment jouissifs, bourrées d’idées et d’audace. Au milieu du néant, on trouve, parfois, ce petit grain de folie qui ne suscite pas toujours l’admiration, mais au moins du respect pour un cinéaste aussi démotivé que talentueux. C’est certainement ce qu’il a manqué au DCEU pour tenir plus de dix ans alors qu’il se rêvait en rival solide du Marvel Cinematic Universe. Comble, il terminera son agonie dans une ultime scène post-générique en forme d’immense troll. À force d’empiler les gags, l’empire est devenu un gag lui-même. Il voulait être un raz de marée, il ne sera qu’un coup d’épée dans l’eau.
Le verdict
Aquaman et le Royaume perdu
Voir la ficheOn a aimé
- La réalisation de James Wan
- C’est enfin la fin du DCEU
- Black Manta a un soupçon d’épaisseur
On a moins aimé
- Un double ton qui dessert tout
- Aucune âme
- On a connu Momoa plus en forme
Quand on voit les immondices régurgitées par l’univers cinématographique DC Comics, on se dit que cela aurait pu être bien pire. Porté par une réalisation léchée et un certain capital sympathie né avec son prédécesseur, Aquaman et le Royaume perdu met fin à un immense gâchis sans tomber sans le ridicule (contrairement à Flash).
Il n’empêche, pour un film qui nous demander de regarder sous l’eau, Aquaman 2 reste beaucoup trop en surface. Pas assez kitsch pour qu’on en fasse un vrai plaisir coupable, insuffisamment écrit pour qu’on le prenne vraiment au sérieux, le blockbuster renonce à tout. Comme Warner Bros. qui a renoncé au DCEU, qu’il a laissé couler film après film. Il était plus que temps de larguer les amarres.
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