Ne signez surtout pas avec les majors. Tel est le message qu’a voulu transmettre Thom Yorke, l’actuel leader du groupe de rock alternatif Radiohead, à l’occasion d’une interview accordée aux auteurs d’un manuel scolaire d’éducation civique. En effet, ces derniers voulaient savoir quel était le conseil que le chanteur britannique pouvait donner aux jeunes artistes cherchant à faire la différence.
Pour Thom Yorke, « ce n’est qu’une question de temps – de mois plutôt que d’années – avant que l’establishment du business de la musique ne s’effondre complètement« . Et pour que la jeune génération n’assiste pas de l’intérieur au naufrage du « navire en perdition« , le chanteur conseille de se tenir à distance et de s’appuyer sur les nouvelles technologies pour se faire connaitre.
Un discours particulièrement incisif, voire rude, mais qui s’appuie évidemment sur une expérience menée en 2007 par le groupe de musique. En effet, Radiohead avait décidé à l’époque de laisser la possibilité aux internautes de fixer eux-mêmes le prix d’achat pour acquérir l’avant-dernier album, In Rainbows. Une opération couronnée de succès selon Radiohead, d’autant qu’il était possible de ne rien donner. Cependant, le groupe s’est toujours refusé à donner en détail les bénéfices d’une telle opération, laissant penser qu’il s’agissait-là surtout d’une opération marketing à l’idéologie étroite.
D’ailleurs, l’opération n’a pour l’heure pas été renouvelée par le groupe. Et elle ne le sera peut-être jamais. « Je crois que c’était une réponse unique à une situation particulière » avait confié le chanteur. « C’était l’une de ces situations… tout le monde nous demandait ce que nous allions faire. De toute façon, je ne crois pas que ce geste aurait maintenant la même signification si nous devions le faire à nouveau. C’était un moment particulier« .
Dès lors, d’aucuns estimeront que les propos virulents de Thom Yorke contre les maisons de disque « en perdition » sont un peu faciles, surtout pour un groupe qui a justement construit sa notoriété à l’intérieur de l’une d’elles. En effet, hormis le one-shot d’In Rainbows, les six albums précédents sont sortis sous le label d’EMI. Facile à dire pour un groupe qui a déjà une grande visibilité, diront les contempteurs de Radiohead.
Ceci étant, difficile de lui donner tort sur un point : il est désormais possible pour un jeune artiste de gagner en notoriété uniquement grâce aux médias sociaux et – pourquoi pas – aux réseaux peer-to-peer. Grâce à la viralité des plates-formes vidéos (au premier chef YouTube), grâce aux nombreux réseaux sociaux dédiés à la musique (MySpace ou Last.fm) ou grâce à de nouvelles techniques de financement, comme le crowdfunding (le financement par la foule : MyMajorCompagny est l’exemple type en la matière), le succès est davantage accessible à tous, si on a du talent.
En 2006, nous nous étions d’ailleurs intéressé à la question posée par le magazine Fortune : qui a encore besoin des maisons de disques ? Jeff Kwanitetz, sans doute un peu trop optimiste à l’époque, avait également prédit la mort prochaine des majors : « Ils sont dans une spirale mortelle. Les maisons de disques seront bientôt exterminées. Mais le business de la musique, le business de créer de la musique, ne le sera pas – parce que les gens aiment la musique« .
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