Imaginez un peu : vous êtes un adolescent comme les autres, à la différence près que vous venez d’apprendre que vous êtes un demi-dieu, plus précisément le fils de Poséidon. Jusque-là, c’est plutôt une bonne nouvelle.
Sauf que votre oncle, Zeus, vous accuse désormais d’avoir volé son célèbre éclair de foudre. Bon, là, ça devient un peu plus embêtant, on vous l’accorde. Mais comme vous êtes le héros d’une saga pour ados, vous allez évidemment trouver un stratagème pour vous en sortir, comme toujours.
Bienvenue dans Percy Jackson, l’une des plus grandes séries littéraires de fantasy, avec pas moins de 42 traductions différentes et plus de 100 millions d’exemplaires vendus à travers le monde. Imaginée par l’auteur américain Rick Riordan, cette quête initiatique au cœur de l’Olympe a permis à de nombreux enfants et adolescents de découvrir la mythologie grecque, de façon ludique et épique.
Un iPod pour les gouverner tous
Cette réécriture originale des contes et légendes, publiée entre 2005 et 2015, a connu deux versions sur grand écran avec Logan Lerman (Le Monde de Charlie), en 2010 et 2013. Problème : Rick Riordan n’a pas participé à l’écriture.
La trame originale est ainsi loin d’être respectée et les personnages ont été grandement vieillis, passant de 12 à 16 ans. Autres âges, autres enjeux donc, pour cette adaptation qui s’inscrit dans la période où la littérature young adult envahit les cinémas avec Twilight (2008) ou Hunger Games (2012).
Souvent méprisés pour leur trahison à l’œuvre originale, les films, également disponibles sur Disney+, restent tout de même importants dans le cœur des fans. Un attachement singulier, mais logique, puisqu’ils sont sortis pile à temps pour faire grandir les lecteurs avec eux.
Cinq ans après avoir découvert le premier tome de leur saga préférée, aux alentours de 10 ans, les lecteurs de Percy Jackson se retrouvent désormais davantage dans les émotions d’un héros de 16 ans. Ajoutez à cela un fameux écran d’iPod pour déjouer les plans de la diabolique Méduse, ainsi qu’une scène culte sur la musique Poker Face de Lady Gaga, et vous obtenez un cocktail qui traverse le temps. Pour Salomé, qui se souvient des « rebondissements impressionnants » détaillés dans les livres, le premier film reste ainsi « iconique ».
Le retour du roi Riordan
Plus de 10 ans après la sortie de ces films mémorables, les fans de Percy Jackson sont toujours là. Et ils le prouvent en patientant religieusement chaque semaine, pour découvrir un nouvel épisode de l’adaptation de Disney+. Percy Jackson et les Olympiens, disponible au compte-goutte sur la plateforme de SVOD, était ainsi l’une des séries les plus attendues de ces derniers mois. Et pour cause : cette fois, Rick Riordan est co-créateur et co-producteur, participant pleinement à la patte artistique et narrative de l’ensemble.
Dès l’annonce de son implication dans la série, les fans étaient déjà aux anges. Kevin, qui a découvert les livres vers 9-10 ans, nous dit ainsi être « heureux » de la présence de l’auteur original, tandis que Florine est « rassurée, puisque l’on sait que les événements dépeints vont être majoritairement fidèles à ceux des livres, contrairement aux films ».
« J’ai déjà hâte de voir la suite »
Diffusée chaque mercredi depuis le 20 décembre 2023, Percy Jackson et les Olympiens est-elle finalement à la hauteur des attentes pharaoniques d’une communauté de fans discrète, mais massive ?
Pour Florine, c’est une réussite totale : « J’avais beaucoup d’exigences puisque j’adore la mythologie grecque, donc les romans étaient vraiment faits pour moi. J’avais beaucoup aimé lire les aventures de Percy, Annabeth et Grover, et je suis toujours aussi fan lorsque je m’y replonge aujourd’hui », nous confie-t-elle. « Et heureusement, la série est vraiment fidèle. Il y a évidemment quelques différences avec les livres, mais ils ont juste rajouté un peu d’action, sans changer le fond de l’histoire. J’ai déjà hâte de voir la suite, c’est même frustrant de devoir attendre une semaine entre chaque épisode ! »
Il est vrai que Percy Jackson et les Olympiens est acclamée, par la critique comme par le public, pour son immense fidélité au matériau original. Du choix du casting, dont les âges correspondent cette fois parfaitement aux personnages qu’ils incarnent, au déroulé de la narration, tout semble être respecté à la lettre. Aux États-Unis, où la saga est un phénomène encore plus imposant qu’en France, plusieurs fans ont même relevé la ressemblance frappante entre les jeunes comédiens et les héros de la série, lors de séquences d’interviews par exemple.
Une meilleure identification aux personnages
Pour autant, Rick Riordan a tout de même su faire évoluer Percy Jackson avec son temps, en modifiant certains détails ou en permettant à davantage de spectateurs et spectatrices de s’identifier aux personnages. De nombreux acteurs racisés, comme Leah Jeffries (Empire), qui incarne Annabeth, ou Lin-Manuel Miranda (Hamilton), qui donne ses traits à Hermès, tiennent ainsi des rôles de premier plan. De la même façon, le comédien handicapé Timothy Omundson (This is Us) interprète le dieu Hephaestus.
Pour des adolescents, dont la vision du monde est largement influencée par la fiction, cette représentation plus diverse durant 8 épisodes est un bénéfique pas en avant. Déjà en 2005, l’auteur américain avait apporté sa petite pierre à l’édifice puisque Percy est un jeune garçon dyslexique, avec un TDAH. Une rareté à l’époque pour un héros de ce type, qui découvrait même que tous les demi-dieux présentaient ces particularités.
Enfin la vérité sur Méduse
Dans Percy Jackson et les Olympiens, Rick Riordan tenait également à montrer Méduse, l’une des principales antagonistes, sous un nouveau jour. Si sa véritable histoire n’était que peu détaillée dans les livres, ainsi que dans les films, la série lui rend enfin toute sa puissance féministe.
Dans l’épisode 3, Méduse explique être originellement une prêtresse ayant dévoué sa vie à la déesse Athéna. L’humaine rencontre ensuite Poséidon, le père de Percy donc, dont elle tombe amoureuse. Cela conduit alors Athéna à la maudire pour toujours : désormais, elle sera une gorgone, dont le regard transforme chaque être vivant en pierre.
Mais dans Percy Jackson et les Olympiens, Méduse raconte sa version de l’histoire, à savoir le mythe original : Poséidon a abusé d’elle. Un récit important, que Jessica Parker Kennedy (Black Sails) a incarné comme celui d’une « victime de viol et d’abandon total, qui n’a jamais compris pourquoi Athéna lui a tourné le dos. » Pour composer son personnage, l’actrice s’est d’ailleurs inspirée de la statue de Luciano Garbati, qui montre Méduse tenir la tête de Persée, à l’inverse des représentations habituelles.
« Percy n’avait pas la possibilité de déconstruire le patriarcat »
Cette nouvelle vision permet ainsi d’évoquer des thématiques cruciales, accessibles à un public adulte, tout en restant suffisamment vague pour ne pas choquer les plus jeunes. Rick Riordan explique ainsi à Variety que les livres étaient écrits du point de vue de Percy : « en tant qu’enfant de 12 ans, en 2005, je ne pense pas qu’il avait la possibilité de déconstruire le patriarcat. Lui, il voyait simplement une femme terrifiante qui cherche à le transformer en pierre. Mais à la base, c’est une histoire d’abus de pouvoir. On a donc voulu modifier l’apparence de Méduse, qui cherche à être élégante, à ne plus être invisible aux yeux des autres. »
Salomé a particulièrement apprécié ce nouveau regard porté sur Méduse dans la série : « Cela rappelle que ce grand monstre de la mythologie fut créé par Athéna, en réponse à un viol de la part de Poséidon. Sur ce point, la série se rapproche de recherches universitaires récentes, qui explorent les mythes grecs par le prisme du féminisme. »
« Dans la série, Percy est un voyageur »
À l’inverse de ces nouvelles perspectives, certaines thématiques pourtant novatrices des romans, comme l’engagement environnemental de Grover, restent, pour le moment, passées sous silence. Mais, après tout, la série ambitionne de traiter un roman par saison, donc l’espoir est toujours de mise.
Et surtout, ces changements narratifs semblent être le dernier des problèmes pour les fans, qui regrettent globalement un manque de budget. « Les effets spéciaux ne sont pas très bons et m’ont sortie de la narration, d’autant que les épisodes m’ont laissé une impression assez fade. J’espérais retrouver l’humour qui avait parsemé le film, et qui ajoutait vraiment quelque chose à mon sens, mais je trouve parfois la série sans saveur », souligne ainsi Salomé.
Kevin partage ce constat : « Les scènes de combats sont minimes et résolues assez rapidement, sans réelle tension. Par exemple, il lui suffit de sauter d’un pont pour échapper à l’un des monstres les plus terrifiants de la mythologie… Pour le moment, Percy n’est pas un réel héros combatif mais plus un voyageur. À l’inverse de la saga, je ne ressens aucun danger, puisque sa quête ressemble à une simple découverte des États-Unis. Et comme les épisodes sont assez courts, cela renforce la déception : l’histoire peine à avancer et il y a un sentiment de frustration. On a du mal à retrouver les mêmes enjeux et émotions que dans la saga littéraire. »
Des fans trop âgés pour la série ?
Malgré ces critiques, Kevin, comme Salomé, reconnaissent que leur âge les empêche désormais d’apprécier la série à sa juste valeur. Tous les deux vingtenaires, ils ont ainsi grandi avec les livres et les films, qui ont suivi leur évolution. Ils ne sont donc plus vraiment le public cible de la série, avec ses personnages de 12 ans. Salomé estime que Percy Jackson et les Olympiens est une « œuvre jeunesse qui parle désormais à une autre génération que la mienne. Pour la première fois, je me dis que je suis peut-être un peu trop âgée pour en profiter pleinement. »
Kevin, qui trouve également les 5 premiers épisodes « très enfantins », considère que « ce n’est pas une adaptation pour les fans de la saga, mais plutôt une série à destination de celles et ceux qui pourraient découvrir cet univers. Donc je pense qu‘elle est très bonne pour des gens qui n’ont pas lu les romans. C’est un point positif : espérons que Percy Jackson et les Olympiens donnera envie à un nouveau public de se plonger dans l’œuvre globale de Rick Riordan, riche d’autres mythologies. »
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