Blizzard n’apprécie pas du tout que l’on puisse jouer à World of Warcraft en dehors de son écosystème. Depuis des années, le studio américain à l’origine du très célèbre MMORPG combat avec force l’existence des serveurs privés, qui sont en général mis en place par des joueurs qui ne veulent (ou ne peuvent) pas payer un abonnement, mais aussi par ceux qui souhaitent s’affranchir de certaines règles du jeu ou jouer avec une version bien précise de WoW.
On se souvient par exemple de l’action en justice qu’avait lancé Blizzard contre un gérant de serveurs privés qui avait mis en place un système de micro-transactions pour pouvoir faire évoluer rapidement son personnage, obtenir des items particuliers ou bénéficier de certains services. Selon les éléments apportés au cours du tribunal, ce business aurait rapporté pas moins de 3 millions de dollars au responsable.
À l’époque, l’affaire avait fait grand bruit. En effet, Alyson Reeves, le propriétaire du site Scapegaming, en charge de ces serveurs privés, avait été condamné à payer une amende record de 88 millions de dollars (environ 77 millions d’euros), dont l’essentiel de cette somme (85 millions de dollars) couvrait les dommages et intérêts causés par la violation de la propriété intellectuelle et commerciale de Blizzard.
Six ans plus tard, Blizzard continue de faire la chasse aux serveurs privés.
Des serveurs privés de WoW chez OVH
Dernière victime en date, le projet Nostalrius Begins. Dans un message publié le 6 avril, les gérants annoncent que les serveurs seront stoppés d’ici le 10 avril. Ces derniers n’avaient pas été installés pour pirater, mais pour pouvoir rejouer à des versions historiques de World of Warcraft, y compris au jeu de base (que l’on désigne par le terme « Vanilla ») et à la toute première extension (The Burning Crusade).
« Mardi, nous avons reçu une lettre de mise en demeure provenant d’avocats français et américains, agissant au nom de Blizzard Entertainment, et annonçant la tenue d’une action en justice contre notre hébergeur OVH et nous-mêmes d’ici moins d’une semaine maintenant. Cela signifie de facto la fin de Nostalrius sous sa forme actuelle », écrivent les responsables du projet.
« Tous les serveurs liés seront définitivement fermés à 23h heure du serveur le 10 avril 2016, à supposer que notre société d’hébergement maintienne les serveurs en ligne jusque-là », ajoutent-ils, en précisant avoir alerté immédiatement les joueurs. « Cela peut sembler surréaliste mais nous voulons continuer à servir nos joueurs comme nous l’avons fait, et du mieux que nous pouvons dans le temps restant ».
Nous allons publier le code source et anonymiser les données des joueurs
Sont notamment concernés un serveur PvP (Joueur contre Joueur), un serveur PvE (Joueur contre Environnement) et un serveur pour The Burning Crusade. Toutefois, l’équipe derrière Nostalrius espère bien que la communauté — qui compte environ 10 000 joueurs — reprendra le flambeau, sous une forme ou sous une autre.
https://twitter.com/OrdosOut/status/717885669754945536
«Aujourd’hui est aussi le jour où Nostalrius va commencer à être piloté par les membres de la communauté au vrai sens du terme, dans la mesure où nous allons publier le code source et anonymiser les données des joueurs (chiffrement des données personnelles issus des comptes), de sorte que la communauté dans son ensemble puisse décider de la forme que prendra Nostalrius à l’avenir », lancent-ils.
Blizzard ne veut pas créer de serveurs privés
Au passage, l’équipe de Nostalrius s’est fendue d’une lettre ouverte prenant la forme d’une pétition dans laquelle Blizzard est vivement invité à reconsidérer sa politique à l’égard des joueurs qui cherchent à jouer à des versions anciennes de World of Warcraft, et retrouver ainsi un certain style de jeu qui a pu disparaître avec le temps, à mesure que les extensions de WoW se sont accumulées.
Cette demande risque toutefois de ne jamais trouver la moindre réponse favorable. Début janvier, Aerythlea, l’une des community managers sur les forums anglophones de World of Warcraft, relayait des déclarations de Tom Chilton, le directeur en charge du MMORPG, qui ne laissent aucun espoir de voir arriver un jour ces fameux serveurs historiques.
« Bien que nous réalisions qu’il y a un désir pour des serveurs exécutant des versions antérieures du jeu, nous n’avons aucun projet pour mettre en place ces serveurs classiques. L’ancien code est conçu pour fonctionner sur du vieux matériel. L’ancien code apporte avec lui de vieilles données, dont des vieux bugs », relève-t-il.
Nous pensons qu’il est impossible de prendre en charge plusieurs versions de World of Warcraft en même temps
« L’attente naturelle des joueurs serait que nous corrigions ces bugs pour assurer une expérience de jeu agréable (en plus du besoin du support client et des autres équipes nécessaires pour gérer ces royaumes de jeu ».
« Nous pensons qu’il est impossible de prendre en charge plusieurs versions de World of Warcraft en même temps, et nous croyons plutôt que nos ressources seraient mieux utilisées en continuant à les employer pour la version de jeu actuelle », conclut-il.
La nature a horreur du vide
Si Blizzard a des arguments légitimes à faire valoir sur le fait que l’installation et l’entretien de serveurs historiques se feraient au détriment de la version actuelle de WoW, il faut aussi se demander dans quelle mesure l’inaction du studio américain à répondre favorablement à la demande des fans influe sur l’écosystème des serveurs privés. Pour le dire autrement, certains fans comblent de fait un service que l’éditeur ne veut pas proposer.
La mise en place des serveurs « Vanilla » est une demande très ancienne.
Une frange des joueurs réclame en effet le retour des versions antérieures du jeu, perçues comme plus difficiles et donc plus valorisantes pour ceux qui parviennent à accomplir des exploits. Par exemple, l’obtention d’un set d’armure est considérée comme plus difficile avec la version de base du jeu qu’avec l’actuelle. Idem pour la courbe de progression de niveau.
Mais pour Blizzard, pas question de modifier sa politique pour une si petite minorité de joueurs, qui ne compte que quelques milliers ou dizaines de milliers d’individus, alors que ceux jouant sur les serveurs officiels se comptent en millions (aux dernières nouvelles, il y aurait 5,5 millions de joueurs qui paient un abonnement à Blizzard, selon des statistiques datant du troisième trimestre 2015).
En outre, l’idée de confier à des volontaires bénévoles la gestion d’anciennes versions de World of Warcraft risque d’entraîner certaines problématiques juridiques.
On imagine par exemple qu’il faudrait adapter les conditions d’utilisation du jeu — restrictions à votre utilisation de World of Warcraft — et régler les difficultés que cela pourrait poser sur le plan de la propriété intellectuelle En effet, la protection de son copyright était l’un des arguments que Blizzard a avancé lors de l’affaire avec Scapegaming il y a six ans.
Cela demanderait du temps et de l’énergie à Blizzard. Et le studio compte bien les mobiliser pour autre chose.
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