Palworld démarre de manière étrange : on se réveille sur une plage, tel Link dans The Legend of Zelda: Link’s Awakening, accueilli par trois créatures qu’on a envie de dorloter. Pas le temps de niaiser en lâchant son meilleur « moh » qu’on se retrouve téléporté dans une tour, invité à aller tout droit car c’est toujours dans cette direction qu’il faut se rendre en cas de doute. Là, un personnage inconnu nous apprend quelques rudiments. Le jeu nous pousse ensuite à frapper une copie de Moumouton jusqu’à ce que ses yeux deviennent des croix et qu’on puisse jouer avec son cadavre, en le faisant rouler au sol. Bienvenue dans Palworld, un jeu à la cruauté sans nom qui contraste avec son succès rapide et immense.
Le principe de torturer des créatures mignonnes n’est pas nouveau. Il est même plutôt vendeur, qui plus est à une époque où TikTok existe. La rencontre entre la féerie et l’horreur est porteuse de grand spectacle et peut facilement créer le buzz. C’est l’occasion pour les sadiques de rire aux éclats en imaginant les pires sévices, quand cela devient un vice dissimulé pour les éternels offensés, qui se gaussent en silence. Quelque chose ne tourne pas rond dans Palword, car tout renvoie à un cynisme évident. On pourrait presque parler d’immense escroquerie quand on imagine une satire de la saga Pokemon, qui rime avec succès commercial à chaque fois qu’elle lève le petit doigt.
C’est quoi Palworld au juste ?
Ceci n’est pas un test
Comme Palworld n’est pour l’heure disponible qu’en accès anticipé, proposer un test avec une note serait malhonnête et reviendrait à juger un produit inachevé.
Si on regarde Palworld avec un œil distant, on pourrait n’y voir qu’un immense plagiat de Pokémon, un « Pokémon avec des armes ». La réalité est tout autre. Alors que la saga de Pokémon Company a fait de la capture de monstres un pilier, Palworld n’en fait qu’un élément de gameplay qui nourrit une expérience basée sur la survie. Dans Pokémon, on capture pour collectionner, échanger et faire combattre. Dans Palworld, on capture pour exploiter, revendre et gérer un camp qui ne fait qu’évoluer à mesure que les heures défilent et qu’il faut rendre le plus autosuffisant possible. C’est d’ailleurs là où Palworld s’exprime le mieux et amuse le plus : en transformant des « Pokémon » en ouvriers, avec des compétences propres à associer intelligemment pour tout bien optimiser. On serait presque dans une logique de Fordisme, matinée de maltraitance animale susceptible de déranger.
Il y a des combats dans Palworld, mais ils sont, au mieux, bordéliques, au pire, pénibles. Là encore, il y a une frontière nette avec Pokémon, où le personnage que l’on incarne reste en dehors des affrontements. Ici, on est à la fois spectateur et acteur : on engage le combat, on tape, on tire et on peut être assisté par un Pal (le nom donné aux créatures). On aura d’ailleurs vite fait de se faire occire par un Pal ennemi, pour peu qu’il soit très puissant. Les boss, qui tapissent dans des tours ou des cavernes génériques, sont des sacs à PV qui invitent à les affronter avec des amis. D’une manière plus globale, tout est tellement un peu fauché dans Palworld qu’on prendra plus de plaisir à plusieurs.
Malgré tout, la sauce peut prendre quand on joue à Palworld, fruit d’une progression rapide et limpide, quoique rangée dans des menus austères et complexes de prime abord. Mais quelque chose cloche. Oui, il est rigolo de frapper un mouton. Oui, il est rigolo de courir après un chat pour en faire un sbire. Oui, il est rigolo de capturer un humain pour en faire de la charpie (bonne chance).
Mais toute cette violence n’est justifiée par aucun effort narratif, aucun second degré. C’est purement et simplement gratuit, dans le seul but d’amuser la galerie. Il a quelques mois, Cult of the Lamb jouait déjà sur ce levier. Sauf que sacrifier un cochon adorable avait un but (approfondir le gameplay) et un enjeu (on était le chef d’une secte sanguinaire). Palworld manque d’une carotte solide, et elle pourrait vite devenir cuite si le fond n’est pas davantage étoffé. En l’état, il ne fait qu’associer des mécaniques de gameplay souvent au pied de biche, parfois avec un soupçon de génie.
Le cynisme de Palworld se lit aussi dans sa propension à copier tout ce qui a fonctionné ces dernières années. Pokémon est la première comparaison qui vient. Mais vous n’imaginez pas à quel point Pocketpair s’est inspiré pour concevoir son projet disponible en accès anticipé sur PC et Xbox. Le studio le fait à l’excès et avec une froideur sidérante, quand des notes de musique reprises de Zelda retentissent à la moindre découverte. Ou quand des décors rappelleront ouvertement Elden Ring.
Le design fait aussi penser à Fortnite et l’aspect survie renvoie à ARK: Survival Evolved. Sur bien des points, Palworld ressemble à un empilement de références balancées dans un mixer sans cohérence, en espérant qu’il en ressort une recette digeste. Il fallait oser.
Existe-t-il vraiment un avenir pour Palworld ? C’est difficile à dire. Il y a des bases intéressantes (la survie et l’artisanat fonctionnent), une belle marge de progression (surtout sur les finitions, même si le jeu tourne étonnamment bien au regard du trafic engendré) mais l’ombre d’un doute. En 2020, Pocketpair a lancé Craftopia, une autre « soupe » qui pompait un peu sur tout (avec beaucoup de Zelda). Nous sommes en 2024 et le jeu est toujours en accès anticipé.
Une chose est a priori certaine : Palworld va recevoir un paquet de mises à jour dans les semaines, mois et années qui viennent — surtout avec les revenus générés. Sauf si Pokémon Company parvient à trouver un argument imparable pour faire interdir un jeu qui l’imite beaucoup trop.
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