Thomas Mahler, directeur des jeux Ori and the Blind Forest et Ori and the Will of the Wisps, s’est exprimé sur l’accumulation des jeux en monde ouvert. Il pointe du doigt leur problème commun, avec des expériences qui cofondent souvent quantité et qualité.

Ces dernières années, beaucoup de nouveaux jeux vidéo ont été conçus autour d’un concept fort : le monde ouvert, censé offrir une liberté totale et une durée de vie conséquente — deux arguments qui font rêver et vendre. Néanmoins, seuls de rares exemples de ces jeux (The Legend of Zelda: Breath of the Wild, Elden Ring…) ont vraiment marqué les esprits. Pire, une forme de lassitude s’est emparée des joueuses et des joueurs, face à des environnements toujours plus grands, certes, mais aussi toujours plus génériques et inintéressants.

Thomas Mahler, directeur des jeux Ori and the Blind Forest et Ori and the Will of the Wisps, croit savoir pourquoi les jeux en monde ouvert sont devenus frustrants avec le temps. Dans un long sujet publié sur Twitter le 8 mars 2024, il a expliqué que le souci vient du choix de privilégier la quantité à la qualité. Une approche que son studio, Moon Game Studios, tient à éviter avec le prochain jeu intitulé No Rest for the Wicked (et dont les premiers retours sont dithyrambiques).

No Rest for the Wicked // Source : Private Division
No Rest for the Wicked. // Source : Private Division

Ce qui cloche avec les jeux en monde ouvert ? Le trop est l’ennemi du bien

Thomas Mahler, qui sait bien de quoi il parle, pointe notamment du doigt les mondes ouverts générés de manière procédurale. L’outil utilisé permet effectivement de créer « rapidement » un jeu, mais pas forcément un bon jeu. Il argumente : « La technologie de génération procédurale d’aujourd’hui n’est pas assez évoluée pour créer un bon level design [architecture du niveau]. Beaucoup de développeurs y font appel, car c’est simple de créer un vaste terrain pour ensuite ajouter quelques vallées et collines. C’est peu coûteux et facile. » Il entrevoit un futur où les intelligences artificielles seront suffisamment puissantes pour remplir correctement des environnements, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Il poursuit : « Le problème avec cette approche est que vous obtenez des zones de vide. » Pour pallier ce biais, il faudrait que les développeurs remplissent méticuleusement ces « zones de vide », ce qui est possible à certains endroits, mais pas sur l’ensemble d’une carte immense (sauf à avoir un effectif fourni et talentueux). Voilà pourquoi Moon Game Studios a tenu à construire le monde ouvert de No Rest for the Wicked à la main. Cela prend du temps, mais c’est l’assurance que les décors valent le détour, avec des secrets qui récompensent vraiment l’exploration et l’observation.

« Le but de notre équipe dédiée au level design est de proscrire ces moments où, pour aller d’un point A à un point B, vous n’avez qu’à maintenir le stick pendant deux minutes. Ce n’est pas du tout amusant, et cela transforme votre jeu en un walking simulator », explique-t-il. Il se permet même un petit tacle à peine dissimulé à Starfield : « On n’a pas besoin de 10 000 planètes ».

Thomas Mahler prend bien évidemment un gros risque en tenant de tels propos avant le lancement de No Rest for the Wicked (le 18 avril en accès anticipé sur PC), qui sera jugé plus durement sur la qualité de ses environnements. Néanmoins, il est difficile de ne pas être d’accord avec lui : un grand monde ouvert est vendeur dans une bande-annonce, mais il n’est jamais aussi décevant que quand il ne fait qu’empiler des éléments génériques pour combler un vide (dernier exemple en date : Final Fantasy VII Rebirth, dont les zones ouvertes sont décevantes en termes d’exploration). Un vaste désert parsemé de quelques oasis reste un désert, alors qu’une petite forêt luxuriante offre une richesse bien plus évidente.

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