L’ouvrage de Nathalie Azoulai présente le code informatique comme une sorte de révolution technique qui se rapproche de l’électricité. Je me questionne : à quel point cette révolution pourrait créer une toute nouvelle société comme l’électricité l’a fait ? Le virtuel peut-il changer le monde au sens le plus politique ?
C’est déjà un peu le cas. Nous avons maintenant une double vie : la vie réelle et la vie numérique. Souvenez-vous quand, dans Mr Robot, le personnage principal déjouait des criminels qui se croyaient anonymes, et donc en sécurité, car sur Internet. Mais on peut se demander ce qu’il se passerait si le virtuel et le réel finissaient par être davantage… indistincts.
Le numérique peut-il bouleverser notre façon de communiquer ?
Pour savoir à quel point le numérique pourrait bouleverser notre façon d’être et de communiquer, il faut lire la trilogie de la Transparence de Benjamin Fogel. Dans le premier livre, La Transparence selon Irina, on est en 2058 et devinez-quoi : la transparence numérique est totale. Vos données personnelles sont un bien public : on ne peut plus vous les voler, mais vous ne pouvez plus les cacher. L’auteur imagine même un drôle de renversement des origines du web : c’est dans la vraie vie que l’on prend parfois un pseudo pour rester anonyme.
Au début, cette société semble entretenir une forme de paix sociale, elle accompagne la fin du capitalisme et elle génère un système de santé robuste. Mais il y a un revers de la médaille… qui vire peut-être à la dystopie.
Quels effets aurait une transparence totale ?
Les effets sur l’ensemble de la société sont particulièrement développés dans le 3e tome, qui vient juste de sortir : L’absence selon Camille. Il peut se lire indépendamment. Benjamin Fogel y décrit une reconfiguration de la vie politique en 2060, avec de tout nouveaux partis chacun plus ou moins favorables à la transparence. Et puis il y a Obscuranets, un mouvement qui lutte dur comme fer contre une société basée sur le virtuel, jusqu’à des actions insurrectionnelles. L’intrigue se base sur un graffiti diffusé dans tout Paris : « Malgré la transparence, on vous ment ». Mais comment un mensonge serait possible si on ne peut rien cacher ?
C’est une œuvre d’anticipation magistrale d’acuité, aussi glaçante et intelligente qu’un bon épisode de Black Mirror. Tout au long de cette trilogie, Benjamin Fogel nous bouscule en montrant comment le virtuel codifie notre existence. Il présente l’informatique comme une chose bien réelle : puisque cela change notre façon de communiquer et notre langage, cela change notre façon d’exister.
Pour écouter Le Meilleur des Mondes
Dans cette émission du Meilleur des Mondes, François Saltiel s’entretient avec Nathalie Azoulai, Erwan Kzzar, Olivier Crouzet, sur l’histoire du code et ses nouveaux développements. Podcast à écouter sur le site de Radio France et sur toutes les plateformes d’écoute.
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