Rise of the Ronin mise sur son gameplay incroyable pour séduire les propriétaires d’une PS5. Mais ce seul argument ne suffit pas à accepter ses graphismes indignes de la console et sa structure terriblement datée.

Hara-kiri (ou seppuku) : rituel de suicide utilisé par les samouraïs, consistant à s’éventrer, souvent dans le but d’obtenir une mort honorable ou pour se punir d’un manquement à ses devoirs.

Qu’attend-on réellement d’un jeu exclusif à une console ? Des graphismes inouïs, une proposition créative plus aboutie, une identité visuelle marquée, un gameplay aux petits oignons, quelques spécificités technologiques si la console en question le permet (exemple : les fonctionnalités de la DualSense…). En somme, on a le droit d’être plus exigeant avec une exclusivité. Et, malheureusement pour Rise of the Ronin, disponible à compter du 22 mars 2024 sur PS5, les cases ne sont pas cochées.

Rise of the Ronin est un jeu vidéo développé par Team Ninja, un studio de renom qui s’est pris de passion, depuis des années, pour le genre popularisé par la trilogie Dark Souls. C’est ainsi qu’on avait eu Nioh 1 & 2 sur PS4, deux héritiers plutôt honnêtes (en dépit d’un équilibre douteux), puis Wo Long: Fallen Dynasty, déjà beaucoup plus perfectible. Avec Rise of the Ronin, Team Ninja se frotte aux ambitions d’un monde ouvert. On devrait plutôt dire qu’il y brise son sabre, voire se fait hara-kiri.

Rise of the Ronin, c’est Assassin’s Creed 2 au Japon

La coopération

On peut jouer aux missions de Rise of the Ronin… à condition de les avoir terminées au préalable. C’est tout du moins la limite qu’on a trouvée avec ma camarade de test, Carole Quintaine.

D’aucuns diraient que Rise of the Ronin réalise un vieux fantasme : proposer un Assassin’s Creed au Japon (ce que sera Codename Red, le futur opus majeur de la saga d’Ubisoft). Après tout, on y retrouve ce mix habile entre action et infiltration, alors qu’il faut assassiner des cibles. Le hic ? Les environnements, assez vides et pas très accueillants si on oublie l’atmosphère enivrant du pays asiatique, rappellent Assassin’s Creed II. Ce qui commence à sérieusement dater (2009). Dans sa structure ouverte, Rise of the Ronin ne fait qu’empiler des objectifs annexes rébarbatifs et guère intéressants. Ils consistent à libérer des zones en éliminant des ennemis et/ou en résolvant des conflits. Le tout sans oublier les points d’intérêt qui dévoilent ce qu’il y a aux alentours. On se croirait revenu sur PlayStation 3, avec une approche trop scolaire et timide pour un studio qui, certes, a tout à apprendre.

Rise of the Ronin // Source : Capture PS5
Quand tu veux jouer à Rise of the Ronin en coopération // Source : Capture PS5

Pire, on finit par se rendre compte que le monde ouvert n’est qu’un leurre. Les missions principales, articulées autour de l’ouverture du Japon aux autres nations après la fin du shogunat (au milieu des années 1800), sont cloisonnées. Répétitives, elles prennent la forme de simples arènes aux termes desquelles se trouve un boss (ou plusieurs). Entre deux, la narration prend le pas sur le reste avec des dialogues à résonance politique qui fonctionnent plutôt bien. Sur l’atmosphère et les enjeux (protectionnisme ou libre-échange ?), Rise of the Ronin est réussi. Mais il est dommage d’incarner un pion muet dont la vraie motivation est très annexe — et alors que certaines décisions ont un vrai impact sur le déroulé du récit (on peut être pro ou anti-shogunat).

On se croirait revenu sur PlayStation 3, avec une approche trop scolaire et timide

On se croirait aussi revenu sur PlayStation 3 en raison de la piètre qualité visuelle proposée par Rise of the Ronin. Que ce soit en mode performance (à privilégier) ou qualité (on oublie l’option ray tracing), le titre de Team Ninja fait vraiment peine à voir. Pour un jeu PlayStation 5, on touche les limites du raisonnable. Comme on a l’habitude d’être sévère avec certaines exclusivités de la Nintendo Switch sur le plan graphique, Rise of the Ronin ne mérite aucune indulgence. Bien sûr, le choix d’environnements ouverts n’aide pas Team Ninja, qui ne fait aucun effort dans la modélisation, autant dans la précision (les chats, qu’on peut sauver, sont hideux) que la variété (les ennemis sont des clones). En comparaison, Ghost of Tsushima, pourtant paru initialement sur PS4, est bien plus époustouflant.

Rise of the Ronin // Source : Capture PS5
Ce chat est clairement en situation de malnutrition // Source : Capture PS5

Le gameplay de Rise of the Ronin sauve un peu les meubles

Si on peut reprocher beaucoup de choses à Rise of the Ronin, en revanche, on ne tarira pas d’éloges sur son gameplay. Team Ninja maîtrise ce sujet depuis la nuit des temps : les combats aux armes tranchantes ou contondantes s’appuient sur des sensations remarquables, avec violence réaliste. L’hémoglobine gicle quand on tranche la tête d’un samouraï ennemi, au terme d’un affrontement où chaque parade compte. Le gameplay, viscéral, reprend le principe de l’endurance (le ki ici) et requiert d’apprendre à maîtriser le timing des contre-attaques pour s’en sortir. Les combats sont donc tout à la fois impressionnants, car bien chorégraphiés, et plaisants, car exigeants sans tomber dans la difficulté décourageante.

Rise of the Ronin // Source : Capture PS5
Du sang partout // Source : Capture PS5

En prime, il y a une bonne marge de technicité grâce au principe des postures. Elles permettent, sous couvert d’avoir suffisamment progressé avec une même arme, d’adapter son style de frappes à celui des ennemis. Cet astérisque requiert du doigté, mais approfondit un peu plus une prise en main jouissive et variée. Notons quand même qu’elle est plutôt adaptée à des un-contre-un. Dès que plusieurs ennemis nous font face, tout devient compliqué et le savoir-faire de Team Ninja se noie alors dans un spectacle plus brouillon et moins digeste. Spoiler : les duels sont hélas assez rares.

Rise of the Ronin // Source : Capture PS5
Les combats restent jouissifs. // Source : Capture PS5

En termes de défi, les développeurs ont mis un peu d’eau dans leur vin. Outre la possibilité de choisir un niveau de difficulté et de pouvoir modifier en cours de partie (avec un boss récalcitrant par exemple), Rise of the Ronin permet de jouer les missions à plusieurs. Votre héros ou votre héroïne meurt au combat ? Pas de panique, vous pourrez incarner un de vos acolytes — ce qui offre une soupape de sécurité. Il est simplement dommage de constater que l’intelligence artificielle, qu’elle soit ennemie ou alliée, est risible à souhait. Encore une limite qui appuie un constat assez édifiant : Rise of the Ronin a eu les yeux plus gros que le ventre.

Le verdict

En voulant faire s’épanouir sa formule née avec Nioh et inspirée par les Dark Souls dans un monde ouvert, Team Ninja se fait hara-kiri. Son Rise of the Ronin n’a rien de la stature d’une exclusivité PS5 digne de ce nom. Il fait penser à un Assassin’s Creed 2 chez les samouraïs, mais ce qui ressemble à un compliment n’en est plus vraiment un aujourd’hui. La faute à des graphismes indignes de la console et à une structure datée qui ne donne pas du tout envie.

Il reste alors à Rise of the Ronin son gameplay assez exemplaire, avec des combats techniques et jouissifs, sauf quand on fait face à une armée (ce qui arrive souvent). On observe finalement une régression chez Team Ninja : Nioh était mieux que Nioh 2, qui était mieux que Wo Long: Fallen Dynasty, qui est donc mieux que Rise of the Ronin. Disons que le gameplay, si réussi soit-il, ne peut pas toujours tout sauver. Le studio se retrouve à la croisée des chemins, comme le Japon à la fin du shogunat.

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