Les sophons jouent un rôle déterminant dans l’intrigue du Problème à 3 corps. Appelés intellectrons dans les romans, ils challengent les connaissances physiques.

Avec Le Problème à 3 corps, l’écrivain Liu Cixin a fait le choix d’inscrire son récit dans la hard science-fiction. Pour être dans les clous de ce genre littéraire, la science et les technologies doivent être vraisemblables. Pas de déplacement plus vite que la lumière comme la vitesse supraluminique de Star Wars, donc. La narration doit être cohérente avec l’état des connaissances.

Pourtant, les péripéties survenant dans Le Problème à 3 corps challengent les fondements scientifiques et techniques. Ainsi, le romancier chinois fait surgir dans l’intrigue des « sophons » (dans le livre, ils sont appelés « intellectrons »). Et le moins que l’on puisse dire, c’est que leur description et leur rôle défient quelque peu le réel.

La suite contient des spoilers.

Jin dans Le Problème à 3 Corps. // Source : Netflix
Mettez votre masque anti-spoiler. // Source : Netflix

C’est quoi un sophon (intellectron) ?

Dans le récit, un sophon (ou intellectron) est présenté comme un proton, c’est-à-dire une particule subatomique que l’on retrouve communément dans les atomes (ils forment le noyau avec les neutrons, autour duquel se trouvent les électrons). Sauf que ce proton a reçu un traitement particulier de la part des San-Ti, les adversaires de l’humanité.

Selon les explications données à la fin de l’épisode 5 (Jugement dernier), le sophon est un proton qui a été « transformé en ordinateur conscient. » Cela parait évidemment invraisemblable eu égard des dimensions infinitésimales du proton — sa taille est de l’ordre du femtomètre, c’est-à-dire un millionième de milliardième de mètre.

Cet ordinateur excessivement futuriste est également très intelligent, avec une IA lui donnant la faculté de prendre ses propres décisions. Cependant, son objectif premier reste de défendre les intérêts des San-Ti. En l’espèce, cela se traduit par une guérilla scientifique, afin d’empêcher l’humanité d’accomplir des progrès supplémentaires.

Comment le sophon peut-il être aussi petit ?

Il y a une astuce : les espaces à plusieurs dimensions. On a l’habitude de celui à trois dimensions (largeur, longueur, profondeur), auquel on peut en ajouter une quatrième : le temps. C’est l’espace-temps. Or dans Le Problème à 3 corps, les San-Ti disent savoir manipuler des dimensions supplémentaires, dont on n’aurait pas connaissance.

C’est ce qu’avance l’avatar utilisé par les San-Ti pour menacer l’humanité : « L’univers contient bien d’autres dimensions que les trois que nous occupons. Elles sont cachées, repliées au point de devenir complètement invisibles. Mais nous avons la technologie pour les déplier. Nous déployons des énergies que vous ne pouvez qu’imaginer et nous les concentrons dans un seul proton. »

Source : Netflix
La création du sophon. // Source : Netflix

L’explication donnée par le personnage semble faire écho à un domaine de la physique théorique sur les dimensions supplémentaires. Ici, il est admis qu’il y aurait des dimensions étendues, mais qui seraient minuscules, car enroulées sur elles-mêmes. La théorie de Kaluza-Klein traite d’un espace-temps à 5 dimensions, par exemple.

Selon les San-Ti, un sophon a un « esprit aussi grand qu’une planète », le tout concentré sur une particule subatomique, grâce aux opérations qui permettent de déplier et replier les dimensions. « Même le plus minuscule proton peut devenir infiniment grand », explique l’avatar des San-Ti, au moment où une structure immense jaillit dans le ciel.

Comment les sophons sont-ils arrivés sur Terre ?

Un proton a une masse presque nulle (1,66 × 10−27 kg). C’est l’échelle des yoctogrammes. Puisqu’il ne pèse quasi rien, « il est très aisé de le propulser presque à la vitesse de la lumière », indique le personnage. On ne sait pas à quelle allure le sophon a voyagé dans l’espace, mais à titre de comparaison, le photon circule à pratiquement 300 000 km/s.

On sait que le système planétaire où se trouvent les San-Ti est à 4 années-lumière de distance de système solaire. Si le sophon voyage presque à la vitesse de la lumière, il lui a donc fallu environ quatre ans (sans doute un peu plus) pour franchir le gouffre spatial séparant son point de départ de sa destination.

Par rapport au moment où les évènements de la série se déroulent, on sait que les sophons sont entrés dans le système solaire il y a des mois. On apprend par ailleurs qu’ils sont au nombre de quatre — leur création a requis la mobilisation de toutes les ressources des San-Ti pour réduire à l’échelle subatomique des superordinateurs planétaires.

Sophon grand
Source : Netflix

Comment communiquent-ils dans Le Problème à 3 corps ?

Il est expliqué que ces quatre sophons sont en fait regroupés en deux paires de deux. « Chaque paire est entrelacée, connectée au niveau quantique. » Deux sont restés avec les San-Ti et deux ont été envoyés sur la Terre. « Tout ce qu’ils voient et entendent, nous le voyons et l’entendons avec eux. Et ce, à des années-lumière de distance. »

La série convoque ici une autre notion de physique, l’intrication quantique. Ici, deux particules liées présentent des propriétés surprenantes. Même si elles sont éloignées sur de grandes distances, la mesure sur l’une d’elle a l’air d’avoir un effet instantané sur l’autre. Ce phénomène a permis à Alain Aspect, un Français, d’obtenir le prix Nobel de physique en 2022.

À quoi servent-ils ? Pourquoi ont-ils été envoyés ?

Les San-Ti ont compris que l’humanité évolue scientifiquement très vite, parce qu’elle se trouve sur un système planétaire stable : il n’y a pas d’ère chaotique. Cela lui évite donc de recommencer son développement à zéro. Les San-Ti n’ont pas cette chance : si vous en êtes là dans la série, vous savez forcément pourquoi.

L’humanité bénéficie non seulement d’un environnement stable, mais elle semble aussi avoir une science et une technologie qui progresse de plus en plus vite. Agriculture, révolution industrielle, nucléaire, ordinateur, IA… tout semble prendre de moins en moins de temps. Or, c’est un problème pour la flotte d’invasion des San-Ti.

En effet, lorsqu’elle arrivera, l’humanité aura probablement fait assez de progrès pour mettre une raclée aux aliens. Il faut donc casser les outils techniques de l’humanité, pour qu’elle reste à son stade de développement actuel. Là encore, on comprend rétrospectivement pourquoi les scientifiques se sont suicidés depuis le début de la série.

Source : Netflix
Paf la science. // Source : Netflix

« Nous les avons envoyés sur votre planète dans les lieux où vos plus grands esprits explorent la réalité à son échelle la plus fondamentale [dans les accélérateurs de particules, par exemple, NDLR] et nous allons détruire la science qui pourrait nous vaincre. Les réponses à vos questionnements seront chaotiques et dénuées de sens », disent les San-Ti.

« L’univers demeurera à tout jamais un mystère pour vous. Au lieu de la vérité, nous vous donnons des miracles. Nous enveloppons votre monde d’illusions. Nous vous ferons voir ce que nous désirons. Nous sommes partout, tout le temps. Nous vous observons, nous apprenons vos secrets », ajoutent-ils. Et de conclure : « Nous vous ferons redécouvrir la peur. »

Les sophons sont-ils scientifiquement crédibles ?

Reste une interrogation naturelle : les sophons sont-ils assez crédibles sur un plan scientifique pour répondre au genre de la hard SF ? Cette question a plutôt une réponse négative, selon Matt Kenzie, professeur agrégé de physique à l’université de Cambridge et conseiller scientifique pour la série, interrogé à ce sujet le 28 mars.

« Dans notre monde spatial tridimensionnel et notre dimension temporelle, non, ils ne pourraient pas, fondamentalement [exister] », observe le physicien. « Il est impossible de violer [ces dimensions]. » Les sophons, en outre, ont certaines limites : « Ils ne peuvent pas être partout à la fois, tout le temps. » Rassuré ?

Source : Montage Numerama

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