Chaque samedi, c’est la compilation de l’actualité de la propriété intellectuelle et de ses dérives, concoctée par Lionel Maurel et Thomas Fourmeux.

Cette semaine le Copyright Madness revient sur la situation du Boléro de Ravel, dont l’entrée dans dans le domaine public pourrait finalement être retardée, les frictions entre deux sociétés spécialisées dans les tenues de pom-pom girls, les petits tracas d’Apple en Chine et l’amusante anecdote qu’un député a partagé au parlement. Bonne lecture, et à la semaine prochaine !

Copyright Madness

Pompons. La cour suprême américaine vient de surprendre tout le monde en ajoutant à son calendrier une affaire pour le moins hors-norme. En effet, la plus haute juridiction du pays a décidé de statuer prochainement sur une affaire qui oppose deux fabricants de tenues de pom-pom girls. Pour situer le conflit, deux sociétés se partagent le secteur et souhaitent écraser leur concurrent. Comme souvent, pour y parvenir, un des fabricants a abattu la carte du copyright avec une once de mauvaise foi. Il prétend que le design de son matériel pour pom-pom girls a été copié. Cependant, pour pouvoir être protégé, la loi américaine prévoit que l’apparence de l’objet doit pouvoir être dissociée de sa fonction. Il est vrai qu’il est difficile d’imaginer utiliser un pompon de pom-pom girl en dehors de cette activité. C’est d’ailleurs l’argument avancé par le fabricant attaqué. C’est quand même fou de se dire que la cour suprême a refusé de re-statuer sur l’affaire Google Books, mais pas sur cette affaire de pom-pom girls ! ;-)

Boléro. Le 1er mai dernier, le Boléro de Ravel est enfin entré dans le domaine public. Du moins, c’est ce que l’on aurait pu espérer… car de petits malins se sont dits qu’il y avait peut-être moyen de jouer les prolongations. Les descendants d’un chorégraphe ayant collaboré avec Maurice Ravel ont demandé à la Sacem de le faire reconnaître comme coauteur de l’œuvre, ce qui aurait eu pour effet de la garder protégée pendant 20 ans de plus. La Sacem n’a pas accepté de faire droit à cette demande, mais un recours en justice est encore possible, qui « gèlerait » le Boléro pendant de longues années encore. Les manœuvres pour empêcher les œuvres les plus rentables de s’élever dans le domaine public se multiplient. Mais pourtant le Sénat a encore refusé en début de semaine d’introduire dans la loi un mécanisme de protection contre le copyfraud…

Pédagogie. Drôle de semaine pour le modèle de protection du droit d’auteur en France. Après l’annonce de la suppression de la Hadopi en 2022, c’est le député Jean-Yves Leconte qui a fait part de sa pratique… du piratage ! Au cours d’une discussion au Sénat sur la possibilité de supprimer le géo-blocage pour certains services dématérialisés, le député qui représente les Français de l’étranger a avoué avoir appris à pirater et à utiliser des services de pair-à-pair pour réussir à télécharger des livres numériques. En effet actuellement, le principe de territorialité des droits interdit aux Français vivant hors de France d’accéder à des contenus proposés par des fournisseurs français, en raison d’une limitation géographique s’appuyant sur l’IP et les cartes bancaires. C’est courageux de la part de ce sénateur, mais la seconde étape serait de reconnaître les pratiques de P2P intra-territoriales ;-).

Trademark Madness

Héritage. Dweezil Zappa, le fils du célèbre guitariste Frank Zappa, a marché dans les traces de son père. Il reprend sur scène ses morceaux depuis plusieurs années dans un spectacle intitulé Zappa plays Zappa, qui a été salué par la critique et a même reçu un Grammy Award. Mais les choses risquent de devenir plus compliquées pour Dweezil. La fondation Zappa, qui gère les droits sur l’œuvre de Frank Zappa, a décidé de lui interdire d’utiliser le nom de Zappa sur lequel elle détient une marque, ainsi que d’utiliser l’image de son propre père dans ses spectacles, sous peine de payer 150 000 dollars de pénalités à chaque infraction. Des brouilles avec Gail Zappa, la veuve du guitariste, expliquent ces bisbilles familiales qui, au nom de la propriété intellectuelle, vont empêcher un fils de rendre hommage à son père…

Identité. Le monde de la mode est un secteur cruel et sans pitié. La créatrice Karen Millen en sait quelque chose. Dans les années 80, elle a fondé avec son mari la marque Karen Millen, puis l’a revendue au début des années 2000 à l’entreprise islandaise Mosaic Fashion. Mais cette société n’existe plus et les actifs qu’elle possédait ont été partagés entre différentes banques islandaises. La vente de sa marque a été réalisée sous certaines conditions, dont celle interdisant à Karen Millen d’utiliser son nom pour la moindre activité liée à la mode. Avec la cessation d’activités de la holding, Karen pensait que les termes du contrat allaient changer et qu’elle pourrait réutiliser son propre nom. Mais ce n’est pas possible. Une décision du juge est attendue pour le mois de juin. Si on était vicieux, on pourrait imaginer que le juge lui demande même de changer son état civil pour éviter toute contrefaçon !

Aïe-phone. C’est fait, la décision est tombée. Apple n’a plus le monopole de l’exploitation commerciale de la marque iPhone en Chine. Un tribunal chinois vient de rendre sa décision qui avantage un fabricant d’accessoires en cuir, dont des étuis pour téléphone. Ce fabricant utilise la marque iPhone depuis 2007, soit deux ans avant l’implantation d’Apple sur le marché chinois. Apple revendiquait pourtant l’exclusivité de cette appellation. Ce serait cocasse de voir ce fabricant attaquer Apple à présent pour contrefaçon. On ouvre les paris ;-) ?

Patent Madness

B-52. Google vient d’obtenir un brevet concernant la livraison par drone. C’est un secteur en plein développement dans lequel plusieurs acteurs se sont lancés dans la course à la première place. Dans les grandes lignes, le brevet de Google détaille un certain nombre d’éléments techniques comme la vitesse du drone, la hauteur de vol, la façon de larguer le colis, d’allumer des lumières jaunes ou rouges etc. Google a beau dire, il est juste en train d’essayer de breveter le principe même de la livraison… Imaginez un peu si FedEx détenait un brevet sur la livraison de colis par camion !

Wing

Le projet Wing de Google.

Copyright Wisdom

Boomerang. L’Australie est géographiquement aux antipodes de la France, mais elle pourrait bien aussi le devenir dans son approche du droit d’auteur. Alors que notre pays est incapable depuis des années de réformer la loi pour l’adapter au numérique, une agence australienne vient de remettre un rapport décapant. Il estime par exemple que le géo-blocage des contenus est un non-sens. Il juge nécessaire d’introduire un système de fair use (usage équitable) pour plus de souplesse face aux évolutions technologiques. Et ce rapport indique que la durée optimale du droit d’auteur devrait être de 25 ans après la publication de l’œuvre (et pas 70 ans après la mort de l’auteur !). L’Australie s’est pourtant inspirée ces dernières années de la loi Hadopi, mais elle pourrait ben changer de direction.

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Lionel Maurel

Thomas Fourmeux

Merci à tous ceux qui nous aident à réaliser cette chronique, publiée sous licence Creative Commons Zéro, notamment en nous signalant des cas de dérives sur Twitter avec le hashtag #CopyrightMadness !

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