Chaque samedi, c’est la compilation de l’actualité de la propriété intellectuelle et de ses dérives, concoctée par Lionel Maurel et Thomas Fourmeux.

Cette semaine le Copyright Madness revient sur un projet d’extension de la durée des droits pour les designers, un rétropédalage de l’État de Californie qui essaie de vouloir protéger par un copyright les documents produits par l’administration et enfin un brevet sur un dispositif de diffusion d’air chaud pour la nuque (tout un programme !). Bonne lecture, et à la semaine prochaine !

Copyright Madness

Rallonge. Le Royaume-Uni s’apprête à modifier ses lois pour renforcer la protection des créations en design. Et il ne pas y aller de main morte ! Alors que la durée des droits est actuellement de 25 ans après la production, elle va être étendue à 70 ans après la mort du créateur, comme c’est le cas pour les œuvres soumises au droit d’auteur. Plusieurs voix s’élèvent déjà pour dire qu’un allongement aussi brutal sera préjudiciable à l’innovation, sans forcément bénéficier directement aux designers. En France, il y a belle lurette que c’est déjà le cas, les créations en design pouvant cumuler la protection par les dessins et modèles d’une et par le droit d’auteur d’autre part. Vive l’empilement des couches de droits !

Au nom de la loi. Aux États-Unis, il y a un principe voulant que ce que produisent les agents du gouvernement fédéral appartient directement au domaine public, sans pouvoir être protégé par le copyright. Beaucoup d’États fédérés appliquent aussi cette règle, mais la Californie semble vouloir revenir en arrière. Un texte est en cours d’adoption qui permettrait de faire repasser sous droits beaucoup de productions des administrations, y compris ses rapports publics, les vidéos des débats de ses instances et même les lois de l’État ! Un vrai recul pour la transparence et un paradoxe à l’heure où l’Open Data se développe…

Dans le mur. Une robe Moschino portée récemment par Katy Perry a déclenché un procès ubuesque. En effet, un graffeur accuse la maison de mode d’avoir « emprunté » l’un de ses graffitis pour en constituer le motif. Il a saisi les tribunaux pour faire valoir son droit d’auteur, mais les avocats de Moschino ont répliqué en faisant valoir que les graffs sont en général réalisés illégalement et, qu’à ce titre, ils ne peuvent pas bénéficier d’une protection. Ce à quoi les avocat du graffeur répondent que ce n’est pas parce qu’un roman est écrit avec une machine à écrire volée qu’il ne peut pas être protégée. Heuuu… C’est peut-être à cause de ce genre de délires que le célèbre Banksy a peint un jour sur un mur « Copyright Is For Losers »…

Trademark Madness

Punchline. Aux États-Unis, le présentateur sportif Michael Buffer s’est rendu célèbre avec la phrase Let’s get ready to rumble ! — en gros, Et c’est parti pour la castagne ! – qu’il prononce avant le début des matchs de boxe. Ayant visiblement un redoutable sens des affaires, il a déposé cette punchline comme marque en 1992 et un article nous apprend qu’elle lui a rapporté depuis la bagatelle de… 400 millions de dollars ! Il a en effet vendu des licences, notamment à des éditeurs de jeux vidéo, pour qu’ils puissent réutiliser cette expression. On frémit d’avance si tous les présentateurs attrapent la même manie de déposer leurs gimmicks comme marque. On ne pourrait bientôt plus dire « de bien belles images » à cause de Jean-Pierre Pernault !

Nom de non. En Australie, un entrepreneur qui voulait ouvrir un restaurant casher dans le quartier écossais d’une ville (vous suivez ?) a subi une grosse déconvenue à cause de McDonald’s. En effet, il avait l’intention d’utiliser le nom de McKosher (« MacCasher », en francisant), mais MacDo est intervenu pour bloquer le dépôt de marque en prétextant que cela pourrait induire une confusion avec ses propres produits ! Le restaurateur a essayé de faire valoir qu’il avait même un ancêtre qui portait le nom de McKosher, mais l’office des marques a préféré donné raison à la firme du clown Ronald ! Considérons que tout ce qui commence par « Mac » appartient à MacDo, ça ira plus vite !

Uber-Madness. Dans le domaine de la propriété intellectuelle on connaît l’existence des trolls et les dégâts qu’ils causent. Mais il y a aussi une autre catégorie qu’il ne faut pas sous-estimer. Ce sont les « plus royalistes que le roi » qui imaginent des situations de contrefaçon alors même que le titulaire de droit ne s’est pas posé la question sur un risque de contrefaçon. C’est le cas de deux avocates qui se sont demandées si le fait de parler d’uberisation à tout vent ne constituait pas un risque pour la société Uber de voir sa marque entrer dans le langage courant et d’être déchue des droits qu’elle détient sur sa propre marque. Mais ça va pas bien de se poser ce genre de question ?!

Uber-drivers

Uber

Patent Madness

Grandeur et décadence. Il fut un temps, pas si lointain, où Yahoo était l’une des entreprises les plus florissantes du secteur numérique. Mais la société de Marissa Meyer n’en finit plus de dégringoler et certains prédisent qu’elle pourrait tomber très, très bas… au point de ne plus être un jour qu’un Patent Troll ! Les fonds d’investissement qui soutiennent encore Yahoo l’obligent en effet à couper dans ses activités les unes après les autres. Mais ils vont précieusement garder le gros portefeuille de brevets que détient encore la société, qui pourrait rester son dernier actif. Après tout, Google a bien fini par racheter Motorola pour s’emparer de ses brevets, avant de fermer la plupart de ses activités et de revendre la dépouille à Lenovo. À défaut d’innover, c’est toujours rentable de troller !

Coup du lapin. Le groupe automobile Mercedes-Benz est dans une mauvaise passe. Relativisons, ça va quand même très bien eux. La société est juste empêtrée dans une curieuse affaire de violation de brevets sur ses nouveaux véhicules. Les ingénieurs de Mercedes ont eu la bonne idée de développer un système qui diffuse de l’air chaud sur la nuque des automobilistes les jours où la température est basse. Cette idée aurait été meilleure si cette technologie n’avait pas déjà été brevetée. Par chance pour la firme allemande, le brevet expire en décembre 2016. Mais quand on y regarde bien, il s’agit ni plus ni moins d’un brevet sur le sèche-cheveux ou sur le sèche-main ! Encore une affaire qui fait froid dans le dos ! ;-)

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Lionel Maurel

Thomas Fourmeux

Merci à tous ceux qui nous aident à réaliser cette chronique, publiée sous licence Creative Commons Zéro, notamment en nous signalant des cas de dérives sur Twitter avec le hashtag #CopyrightMadness !

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