Je possède un point commun avec Abubakar Salim, acteur qui a incarné Bayek, héros d’Assassin’s Creed Origins, et qui a décidé de fonder son propre studio de jeux vidéo. Un point commun dont on se serait bien passés : on a tous deux perdu notre père, à un âge où on était loin d’avoir tout partagé avec lui. Ce deuil difficile, pour ne pas dire impossible, tant il est traumatisant, parcourt Tales of Kenzera: Zau, jeu vidéo où Abubakar Salim tente tant bien que mal d’éparpiller son chagrin.
« Je me réveille en voyant tant d’amour pour Tales of Kenzera: Zau. Pas uniquement en raison des mécaniques de gameplay, mais aussi d’un point de vue émotionnel. Comme je l’ai déjà dit, ma santé mentale a été compliquée après la perte de mon père. Je devais être l’homme dur, l’homme de la maison et le soldat. Cela n’a pas aidé », témoigne-t-il encore dans un tweet publié le 24 avril, alors que son jeu vient de sortir sur PS5, Xbox Series S, Xbox Series X, Nintendo Switch et PC. On sent une forme de libération, un poids qu’il a été compliqué de porter. Je suis triste d’admettre que son œuvre est loin de m’avoir emporté, alors que le sujet me parle tant, si profondément.
Points forts
- Un récit touchant
- Des efforts dans la réalisation
- L’ambiance originale
Points faibles
- Des gros soucis de gameplay
- Des combats trop vite répétitifs
- Envie d’exploration inexistante
Tales of Kenzera: Zau a des gros soucis de gameplay
Un autre jeu vidéo sur le deuil
Tales of Kenzera: Zau n’est pas le seul jeu vidéo qui met le deuil au centre du récit. On pense par exemple au sublime Gris.
Il y a une profonde tristesse qui anime le récit à deux niveaux de Tales of Kenzera: Zau. Où l’on incarne d’abord un jeune homme qui vient de perdre son père et va découvrir une histoire articulée autour d’un jeune chaman qui, lui aussi, a perdu son père. Le vrai héros, prénommé Zau, refuse cette fatalité et croit pouvoir réaliser l’impossible — ressusciter son père — en pactisant avec le Dieu de la Mort. Un prétexte pour libérer trois esprits et nourrir une aventure où chagrin, déni, courage et colère se mêlent. Il y a des phrases qui nouent la gorge, lesquelles pourraient être entendues ou prononcées par celles et ceux ayant vécu pareille épreuve dans la vraie vie…
En plus de raconter ses cicatrices pour mieux les soigner, Abubakar Salim profite de Tales of Kenzera: Zau pour mettre en avant la culture africaine, avec une direction artistique plutôt réussie et une bande son aux mélodies qu’on a peu l’habitude d’entendre. Tales of Kenzera: Zau s’inspire des mythologies bantous pour se sertir d’une spiritualité qui sied à ce qu’il raconte. Malheureusement, tout le soin apporté à la forme, toute l’attention apportée au choix des mots pour guérir les maux et toute la volonté du monde ne suffisent pas toujours. Car c’est peu dire que Tales of Kenzera: Zau pêche dans ce qu’il est censé d’abord être, à savoir un jeu vidéo convaincant dans ses mécaniques. Le choix du support d’expression devient ici rapidement une malédiction.
Abubakar Salim et les développeurs ne se sont pas fait une fleur en optant pour le genre Metroidvania, qui n’a cessé d’empiler les pépites ces dernières années. Avec en prime des saveurs variées, quand on compare la violence viscérale des Blasphemous à l’univers beaucoup plus poétique des Ori, sans oublier l’époustouflant Hollow Knight. L’année 2024 a même démarré par un représentant sérieux, avec la renaissance de la saga culte Prince of Persia chez Ubisoft. Hélas, Tales of Kenzera: Zau empile trop de tares pour s’installer à la table des grands. Si les premières heures sont encourageantes, il finit par s’enfoncer dans sa structure paresseuse, limitée et paralysée par son gameplay souffreteux.
Tales of Kenzera: Zau s’appuie sur des fondations médiocres. À cause d’elles, les déplacements de Zau manquent de précision. Plusieurs fois, on a orienté le stick dans une direction sans que rien ne se produise à l’écran. Plusieurs fois, la caméra nous a fait défaut en n’étant pas assez rapide dans ses changements de plan. Plusieurs fois, on a loupé des sauts en raison d’un feeling étrange et/ou en appréciant mal les distances. Plusieurs fois, on a pesté contre ces pièges constitués de pics, qui tuent d’un coup même quand on les effleure à peine. Tales of Kenzera: Zau devient trop souvent un parcours du combattant sans vraiment le vouloir. Pour un jeu axé sur la nécessité du temps pour accepter, c’est paradoxal.
Et puis il y a les combats, qui se révèlent atroces. Ils s’inscrivent dans des arènes répétitives, dont le jeu abuse pour gonfler maladroitement le contenu et la difficulté. Au bout d’une dizaine d’affrontements, le plaisir d’utiliser les deux familles de pouvoir (soleil et lune) cède sa place à la pénibilité. On ne pourra pas compter non plus sur les deux arbres de progression pour redonner un semblant d’épaisseur à l’action. Les pouvoirs ainsi débloqués n’ont pas un impact suffisant pour révolutionner l’approche. L’exploration est pour sa part entravée par des environnements à l’architecture basique, qui n’éveille pas la curiosité. C’est pourtant la grande force des Metroidvania : donner envie de revenir en arrière pour débloquer des passages secrets. Cette motivation n’existe pas dans Tales of Kenzera: Zau. Tout s’y écroule, comme quand on perd un être cher.
Le verdict
Tales of Kenzera: Zau
Voir la ficheOn a aimé
- Un récit touchant
- Des efforts dans la réalisation
- L’ambiance originale
On a moins aimé
- Des gros soucis de gameplay
- Des combats trop vite répétitifs
- Envie d’exploration inexistante
Tales of Kenzera: Zau a un message fort à faire passer. Malheureusement, en dépit de beaux efforts dans la narration, la réalisation et les inspirations, il passe à côté de son sujet. En voulant s’immiscer dans le genre des Metrodvania, il se met un sacré bâton dans les roues.
Car Tales of Kenzera: Zau n’a pas les épaules suffisamment solides pour bomber fièrement le torse. La faute à un gameplay qui souffre de maux difficiles à accepter et d’une structure globale passable. Le sujet qu’il traite fait qu’on n’a pas envie de l’accabler, mais il faut hélas reconnaître que la puissance du récit méritait un meilleur jeu vidéo.
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