Dans un immense décor, Pierre Niney et Géraldine Nakache se lancent des blagues au timing millimétré. Non, vous ne regardez pas une nouvelle saison de LOL : qui rit, sort !, mais vous avez plutôt atterri devant Fiasco, nouvelle venue dans la galaxie des productions Netflix à la française. Très attendue, cette comédie d’Igor Gotesman (Family Business), co-écrite avec Pierre Niney, met en scène le making-of d’un tournage qui vire littéralement au drame, au fil de ses 7 épisodes.
Construite sous forme de faux documentaire, avec zooms appuyés et interviews face caméra incluses, la série ne cesse de nous emmener sur le terrain de la gêne, encore, encore, et encore. Mais tout son génie réside justement dans le fait de trouver le bon équilibre pour nous faire revenir dans cet univers de cinéma catastrophique, où l’on pourrait vraiment mourir de honte pour les personnages tant ils s’enfoncent dans le malaise.
Fiasco prend dignement la relève de The Office
Ce procédé de nous entraîner vers le rire, en passant par la case de l’embarras, n’est évidemment pas nouveau. Mais Fiasco n’est pas là pour cacher ses références, clairement identifiées. Le « mockumentaire », genre comique phare dans les pays anglophones, mais moins connu chez nous, pourrait ainsi enfin trouver ses lettres de noblesse à la française.
Devant les sept épisodes, on pense forcément à Parks and Recreation, à Modern Family, mais surtout à The Office, dans sa version la plus gênante : l’originale britannique de Ricky Gervais, qui a inspiré le célèbre remake américain de 2005 avec Steve Carell. C’est là que les blagues s’imposaient comme les plus limites, naviguant toujours à la frontière entre le mauvais goût et le sexisme, le racisme, le validisme ou le harcèlement.
Avec Fiasco, Igor Gotesman prend dignement cette relève : l’écriture est brillante, jouant particulièrement avec les sonorités des mots pour inventer des quiproquos en toutes circonstances. « Il faut amadouer Marianne » devient ainsi un faux concert avec « Il faut Amadou et Mariam » et Robert Zemeckis se transforme en réalisateur d’un projet prestigieux avec uniquement des Robert au casting.
Cette aisance d’écriture, que l’on retrouvait dans le format court Casting(s) et dans le film Five, déjà imaginés par Igor Gotesman et Pierre Niney, donne à Fiasco une fluidité particulièrement agréable. On est gênés, assurément, à chaque seconde, par toutes les péripéties de la série, mais les jeux de mots sont si intelligemment dosés, que l’on finit par se détendre, un peu, en guettant chaque nouvelle trouvaille.
Une série calibrée pour les réseaux sociaux
Pour exécuter ces cascades verbales, il fallait forcément un casting habitué au rythme de la comédie, capable de délivrer ces punchlines bien senties, même depuis le fond du trou du malaise. Dans le rôle principal de Raphaël Valende, un réalisateur maudit, Pierre Niney mise sur son immense capital sympathie, acquis au fil des années, de LOL au Flambeau. Et ça marche : le comédien navigue sans cesse entre la figure du loser tragique et celle du roi de la gêne, devenant tour à tour seulement maladroit puis profondément détestable.
À ses côtés, son compère de toujours, François Civil (Les Trois Mousquetaires) compose un meilleur ami ultra convaincant, volant même parfois la vedette au personnage principal par son charisme lumineux, au milieu du chaos. Avec le reste du casting, dont Géraldine Nakache (La Flamme) et Pascal Demolon (Radiostars), le duo forme une joyeuse bande dont les répliques sont calibrées pour être coupées et réutilisées à l’infini sous forme de mèmes. À l’image du Flambeau, on s’attend à voir ressortir dans les prochains mois des séquences un peu partout sur nos réseaux sociaux, et surtout dans notre entourage – et ce sera mérité.
Trop de malaise, tue le malaise ?
Seule ombre au tableau très accrocheur de Fiasco : quelques running gags moins drôles (l’haleine de la maquilleuse), mais surtout un rythme parfois inégal. Les épisodes, qui frisent régulièrement les 40 minutes, auraient mérité d’être plus courts pour donner un aspect plus percutant à l’ensemble.
Mais si l’ennui pointe parfois le bout de son nez, il faut admettre que cela colle parfaitement au ton de la série : étirer des blagues en longueur sans jamais s’arrêter, pour que la gêne soit de plus en plus terrible. On est bien loin du rythme de comédies comme le Flambeau, qui mise sur les mêmes mécanismes, mais avec une rapidité d’exécution sans temps mort.
Paradoxalement, Fiasco prend donc tout son temps jusqu’à son épisode final, dont la résolution semble plus hâtive et moins maîtrisée. Mais puisqu’on vient de passer près de quatre heures avec l’équipe qui manie le mieux le malaise au monde, on redemande déjà de ce petit plaisir coupable, qui deviendra à coup sûr un incontournable du catalogue Netflix.
Le verdict
Fiasco
Voir la ficheOn a aimé
- L’écriture, géniale
- La gêne, poussée au maximum
- Christian Bale
- François Civil en viking
- La scène de sport avec Claire Chazal
On a moins aimé
- Le rythme, inégal
Il ne faut clairement pas être allergique à l’humour gênant, ni aux parodies de slogans de pubs ou de documentaires true crime pour apprécier Fiasco. Cette création d’Igor Gotesman (Family Business) et Pierre Niney (Le Flambeau) pour Netflix nous plonge ainsi dans le making-of d’un film au tournage désastreux, entre accidents, chantage et pétage de plombs. Construite sous forme de faux documentaire, genre déjà largement maîtrisé par les productions anglophones, la série ne semble connaître aucune limite, distillant des punchlines au malaise de plus en plus palpable. Mais c’est ce qui fait tout son charme : utiliser toute notre palette d’émotions et de références communes, pour cueillir le moindre rire. Soyez prêts : on tient enfin là notre The Office français, version cinéma.
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