On sait que les réseaux sociaux ont un pouvoir déprimant, tant ils obligent inconsciemment à se comparer sans cesse les uns aux autres. Et il faut bien l’admettre, nous sommes presque toujours plus nuls que ceux que l’on suit, ce que Perrine Stenger avait parfaitement résumé dans un tweet :
Le mieux, si l’on se sent déprimé en navigant le soir sur Facebook en lisant la vie des autres alors que l’on a rien à dire sur la sienne, ou en voyant des utilisateurs de Twitter répondre aux questions de ceux qui ne vous parlent jamais, est donc de rationaliser. Et de se rassurer. Oui, vous avez moins d’amis Facebook que vos amis. Oui, vous avez moins de followers sur Twitter. Et oui, vous avez moins de choses à dire sur Facebook que les autres. Mais c’est normal et même, c’est scientifique, mathématique. Et ça ne fait pas de vous quelqu’un d’inintéressant ou dont la vie serait méprisable.
Le paradoxe de l’amitié
En effet comme le rappelle le Washington Post qui relaie une étude publiée en début d’année dans la revue libre PLOS One, la sensation d’avoir toujours moins d’amis que ses amis est le « paradoxe de l’amitié », qui s’explique parfaitement. Vous avez statistiquement de fortes chances d’avoir dans vos amis quelqu’un qui a beaucoup d’amis, tout simplement parce que celui qui a beaucoup d’amis a de plus fortes chances de vous avoir vous comme ami.
Pour forcer le trait, prenons un groupe de 10 personnes, dont 9 d’entre elles n’auraient qu’un seul ami, alors que la dixième aurait neuf amis. Tout le monde aurait pour seul ami celle qui en a neuf. Et tout le monde ignorerait donc que les autres aussi, n’ont qu’un seul ami.
C’est exactement ce qui se passe sur les réseaux sociaux. Vous avez l’impression d’être insignifiant sur Facebook en voyant tous ces gens qui racontent leur vie extrêmement riche, mais c’est parce que par définition, vous ne voyez sur votre fil d’actualités Facebook que les actus de ceux qui ont quelque chose à dire (ou qui n’ont rien à dire mais qui le disent quand même). Mais en réalité la grande majorité des gens sont comme vous, comme nous.
Ce « paradoxe de l’amitié » n’est pas nouveau mais il est accentué par les réseaux sociaux, où l’on est invité à suivre ou à aimer des gens qui sont suivis ou aimés. Ils rendent donc le problème plus concret encore, en donnant chaque jour l’illusion à tous les internautes qu’ils sont moins intéressants que leurs pairs, ou que leur vie vaut moins le coup d’être vécue. Chacun court donc le risque de chercher à en faire toujours plus pour entrer dans une norme qui n’est qu’illusion.
La même chose pour tout le monde
Le pire, c’est que personne n’a jamais le sentiment d’être l’égal de ses congénères, même ceux qui ont plus d’amis que vous. Car ce que montre l’étude conduite par Naghmeh Momeni et Michael Rabbat de l’Université McGill de Montréal, c’est que même en montant les marches des réseaux sociaux, l’escalier n’en finit plus de grimper. Ceux qui ont plus d’amis ont toujours tendance à aller s’abonner à ceux qui en ont davantage encore, ou qui encore plus de choses à raconter, qui sont jugés plus influents encore que soi.
Même les 0,5 % d’utilisateurs de Twitter qui ont le plus de followers ont tendance à s’abonner aux tweets de ceux qui encore plus d’abonnés qu’eux. Il y a une forme de tentation irrésistible à aller chercher ses influenceurs ou à vouloir s’irradier un peu plus de leur lumière, en les suivant.
Alors ce soir, si en lisant votre fil Facebook vous n’avez rien à dire à vos amis qui ont plus d’amis que vous, dites-vous que vous êtes comme la grande majorité des gens, et que c’est certainement très bien comme ça.
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