Chaque samedi, c’est la compilation de l’actualité de la propriété intellectuelle et de ses dérives, concoctée par Lionel Maurel et Thomas Fourmeux.
Copyright Madness
Machinal. Cette dérive est complètement méta ! Un chercheur a réussi à « entraîner » une intelligence artificielle à regarder le film Blade Runner et il lui a demandé ensuite de recréer les images du film. Il a posté en ligne des extraits de cette recréation par la machine, qui étaient si approchantes de l’original que le Robocopyright de Youtube s’y est laissé prendre et les a bloquées ! C’est une incroyable mise en abyme, car le film Blade Runner, inspiré d’un roman de Philip K. Dick, parle justement d’androïdes tellement parfaits que des tests effectués par les machines n’arrivent plus à les distinguer des êtres humains. Quelle sera la prochaine étape ? Gageons qu’un jour, certains chercheront à ce que les intelligences artificielles bénéficient d’un droit d’auteur !
https://vimeo.com/167792183
Pas de la tarte ! La chef Caitlin Freeman a travaillé au restaurant du Musée d’Art Moderne de San Francisco, en créant des gâteaux inspirés du style de grands peintres. Notamment un « gâteau-Mondrian » reproduisant les motifs géométriques affectionnés par cet artiste, qui lui a valu une certaine renommée. Mais le Musée a décidé de se passer de ses services, tout en laissant le gâteau-mondrian à la carte du restaurant. La chef juge cela inacceptable et crie au « plagiat culinaire ». Le problème, c’est que les recettes ne peuvent pas en elles-mêmes être protégées par le copyright et l’oeuvre de Mondrian est dans le domaine public, permettant à chacun de s’en inspirer librement. Le musée ne peut pas l’empêcher de continuer à produire ce gâteau-Mondrian, mais elle ne peut pas l’en empêcher en retour. Quelque part, la cuisine est toujours en Open Source et c’est très bien ainsi !
Porno is coming. La série Game of Thrones est réputée pour comporter de nombreuses scènes de nudité et de sexe. Et ce qui devait finir par arriver est arrivé ! Certains petits malins ont commencé à charger les extraits les plus affriolants des épisodes sur Pornhub… Cela n’a pas plus au producteur HBO qui a adressé au site des demandes de retrait en masse. Or dans le tas, HBO a demandé le retrait d’extraits de la série, mais aussi de parodies, dans lesquelles des acteurs X se déguisent pour ressembler aux personnages de la série. Pourtant, la parodie est protégée et ces retraits ne devraient pas avoir lieu…
Mafia. Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas parlé de la Paramount Picture. La société de production américaine s’est distinguée cette semaine en s’en prenant à des internautes qui ont téléchargé le film Le Parrain. Le studio a envoyé un joli courrier aux fournisseurs d’accès internet des pirates « flashés » en leur demandant expressément de ne pas supprimer les données de connexion qui constituent des preuves que la Paramount pourrait exploiter dans la perspective d’un procès. C’est assez intéressant de voir que la Paramount surveille activement le piratage des films qui relèvent de la longue traîne. On se demande quand même si la prochaine fois ils n’enverront pas des gros bras pour briser les rotules des internautes.
Trademark madness
Nuit Debout. On vous en avait parlé dans une chronique précédente : de petits malins ont effectué des dépôts de la marque « Nuit Debout » à l’INPI pour obtenir une exclusivité afin de vendre des articles de papeterie ou des T-Shirts.Mais les Avocats Debout lancent un appel à l’action pour dire NON à ce qu’ils considèrent comme une confiscation de l’identité du mouvement. Ils proposent un modèle de courrier à envoyer à l’INPI pour lui demander de rejeter ces enregistrements. C’est après tout ce qu’avait fait l’institut pour « Je suis Charlie » ou « Pray for Paris », en considérant qu’ils n’étaient pas appropriables. A vos envelopppes et à vos timbres !
Dépôt de marque "#NuitDebout" à l'INPI:dites NON en envoyant ce courrier au 15 Rue des Minimes 92400 COURBEVOIE 2/2 https://t.co/zLChCnLJE2
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Santé mentale. À force d’écrire les chroniques des dérives de la propriété intellectuelle, on a remarqué que les trolls du droit d’auteur flirtaient souvent avec la maladie mentale. La sélection du brevet le plus stupide de ce mois réalisée par l’EFF entre également dans la catégorie trademark madness. Elle a décerné son prix à une entreprise qui a déposé un brevet mais aussi une marque. C’est déjà assez osé d’avoir réalisé ce combo mais le dépôt de marque est assez fou. La société en question, Health Inc., considère être titulaire de la marque « My Health », qui veut dire « ma santé ». Elle considère tout simplement être la seule à pouvoir utiliser commercialement la marque « My health ». Il serait peut-être temps de suivre une thérapie pour se soigner…
Dans ta face ! Il est toujours amusant de voir des sociétés qui ont abusé des brevets – en l’occurence Apple – se prendre un beau retour de flammes en subissant les attaques de trolls ! VirnetX est une entreprise qui ne produit rien, mais a su racheter des brevets stratégiques, dont un bien brumeux portant sur la « création de communications sécurisées via des noms de domaines Internet ». VrinetX a attaqué Apple en justice en lui reprochant de violer ce brevet avec ses services FaceTime et iMessage. La firme de Tim Cook est déjà condamnée à payer la bagatelle de 625 millions de dollars, mais voilà que le troll lui demande de fermer purement et simplement ces services ! Ne vous étonnez donc pas si certaines fonctionnalités disparaissent brusquement de votre iPhone !
Guerre des roses. C’était la fête des mères le week-end dernier et à cette occasion, des millions de roses ont dû être vendues dans le monde. La commercialisation de ces fleurs représente un business juteux et certains essaient de protéger leur précieux avec la propriété intellectuelle. Des droits « d’obtenteur » peuvent en effet être réclamés par ceux qui créent une nouvelle variété, un peu à la manière d’un brevet. Cet article explique comment un de ces obtenteurs poursuit pour « piratage » ses concurrents qui osent reproduire les roses qu’il crée sans lui verser de royalities. Il explique dépenser 200 millions d’euros par an pour traquer ces « pirates » et paye même des informateurs jusqu’en Inde et en Equateur. Comme on dit, qui s’y frotte s’y pique !
Sample. En Allemagne, la Cour suprême a fait preuve de sagesse, en rejetant les prétentions du groupe pionnier de la musique électronique, Kraftwerk, qui se battait depuis presque 20 ans en justice avec un autre musicien pour la reprise d’un sample de deux secondes extraits d’un de ses morceaux. Les juges ont estimé que cet usage était nécessaire pour permettre l’exercice de la liberté de création et qu’appliquer un système d’autorisation préalable pourrait remettre en question l’existence de genres musicaux comme le Hip-Hop dans lesquels le sample a une importance fondamentale. Une décision remarquable qui ouvre peut-être une voie pour la légalisation du mashup et du remix !
Merci à tous ceux qui nous aident à réaliser cette chronique, publiée sous licence Creative Commons Zéro, notamment en nous signalant des cas de dérives sur Twitter avec le hashtag #CopyrightMadness !
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